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Dans l’œuvre de Marcu Biancarelli, la figure féminine via le prisme du regard masculin de Marc-Antoine et de Don Pierre, s’inscrit dans une mise en fiction d’un certain folklore insulaire où la femme se caractérise par ses questionnements existentiels, ses interrogations éthiques et un souci d’identification et de différenciation propre à l’espace qu’elle investit. Elle est « intérieurement clivée entre des principes, des désirs, des aspirations antagoniques et néanmoins authentiques »1. Non idéalisée, elle apparaît humaine avant tout, avec ses vices et ses vertus. C’est en cela qu’elle inspire Marcu Biancarelli relayé par la voix de son personnage : « Les femmes. C’était en fait le sujet qui me titillait sans que je sache comment l’aborder. » (MU, 131) Dès lors, qui mieux que l’auteur lui-même pourrait apporter son ressenti sur le motif littéraire que représentent l’entité féminine et ses diverses représentations ? Leur mise en scène au sein du roman favorise le basculement vers des strates encore inconnues de l’expression d’une personnalité :

Est-ce que ce sont des propos sur la femme ? Ce ne sont pas des propos sur la femme, ce sont des propos sur la culture, des propos sur une communauté, sur une manière stéréotypée de ce “moi”, évidemment que la femme peut te servir d’argument pour dire certaines choses, mais ça n’est qu’un argument pour parler de la société, ce n’est pas un propos sur la femme, et c’est à mon avis une mauvaise lecture que de vouloir filtrer mon travail en disant “voilà la femme”. C’est quoi ma vision de la femme ? En fait je n’en ai pas ! Pour moi, elle est comme l’homme, elle apparaît au même niveau. J’ai un propos global sur la société, et ce sont tous les éléments de la société qui vont m’interpeller, mais que je vais commenter2.

Les traces de la figure féminine se matérialisent tout d’abord par le biais de « la fille de la boutique » (MU, 99) puis de la « cousine Lena » (MU, 191) et enfin d’une manière plus générale par « les femmes » (MU, 131). La femme qui se voit affublée de masques se dénonce

1 Nathalie HEINICH, États de femme. L’identité féminine dans la fiction occidentale, Paris, Gallimard, coll.

« NRF Essais », 1996, p. 123.

elle-même comme masque. Elle est à la fois littérale, ne représentant qu’elle-même, et porteuse d’une charge symbolique que fait résonner un schème du Féminin dans l’espace textuel où la pensée schématique s’émeut, s’agite, s’épuise. Plusieurs destinées s’offrent à elle : l’amante, la femme-objet, la femme-soumise. Cependant deux représentations reviennent avec insistance : celle de la mère absolue et celle de la prostituée absolue qui déploient une opposition entre la femme respectable que l’on épouse et la femme séductrice que l’on convoite et désire. Derrière la femme, une fois reconnue comme sexuée, transparaît la fille de joie. Les personnages féminins de l’imaginaire biancarellien se dévoilent par le lien qu’elles entretiennent avec la sexualité et l’image masculine. Les comportements sociaux sont définis par rapport au sexe et au statut de l’individu dans le groupe. Ainsi, l’homme se doit de montrer une image valorisante de puissance, de confiance, de courage, protégeant les siens, alors que l’honneur de la femme s’incarne à la fois dans ses mœurs privées et dans ses mœurs publiques fondant par là-même le socle d’une solidarité clanique ou familiale. Elle se doit d’être chaste et pudique sous peine d’être raillée ou niée dans sa féminité. Ce constat est imagé lors de la rencontre de Don Pierre et de la fille de la boutique. La présence féminine est soumise à une appartenance sociale, culturelle, sexuelle. Dans cet espace, le marquage local participe à la reconnaissance identitaire comme en témoigne la première question à laquelle la jeune femme se heurte : « [Don Pierre] a donc répété : “Tu es d’ici” ? » (MU, 100). L’interrogation identitaire situe d’emblée la jeune femme comme étrangère à l’île et à ses schémas comportementaux et culturels. La méfiance, à laquelle se greffent une part de curiosité et le besoin de se présenter à l’autre pour être acceptée, met en exergue la supériorité masculine propre aux sociétés méditerranéennes où le rôle social de la femme “continentale française”, vis-à-vis des critères internes à la société insulaire corse, demeure minoré. L’étrangère, reconnaissable par son comportement, se trouve donc dans l’obligation de faire un effort d’intégration pour être acceptée :

Elle voulait bavarder et lui aussi, mais si elle était heureuse qu’il y eût quelqu’un qui s’intéresse à elle, c’était parce qu’elle ne voulait pas perdre de temps et qu’elle cherchait à se lier avec les gens du coin, non qu’elle se sentît seule mais pour obéir à la règle commerciale qui recommande de connaître les gens et de savoir ce qu’ils font de leurs journées. […] elle était en pleine quête de relationnel, bien décidée à changer de mode de vie, prête à prendre son destin à bras-le-corps ; puis ils ont parlé des gens d’ici qu’elle connaissait déjà (MU, 100)

Pas même invitée à se présenter ni à décliner son identité, la fille de la boutique est seulement interpellée pour répondre à la question de l’appartenance. Exclue de la sphère sociale, elle

subit la solitude de la “nouvelle arrivante”, statut réservé par la société îlienne aux non-insulaires. Soumise aux complexités de l’île dans laquelle elle souhaite s’ancrer, elle tente de s’insulariser par mimétisme, en essayant d’assimiler les valeurs de la communauté insulaire. Confrontée aux particularismes ancrés dans l’insularité de ce « pays [qui] faisait vieillir les gens très vite » (MU, 101), la fille de la boutique est finalement entraînée dans une dépossession de soi. L’île est alors appréhendée comme un espace de rupture puis de renaissance où « changer de mode de vie, [et] prendre son destin à bras-le-corps » (MU, 100) après s’être accoutumé au jugement de l’autre insulaire est envisagé. La jeune femme, naïve, quelque peu perdue, fonde l’espoir d’une nouvelle vie dans l’île. Sa position sociale est incertaine, elle est discréditée et « charriée » (MU, 101) par Don Pierre puisqu’« il se vexait, ou il faisait semblant, disant : “Mais tu es sourde, vous êtes tous sourds vous, les Niçois ?” » (MU, 101). Renvoyée à son origine extérieure, elle marque sa différence en s’opposant aux insulaires mais souhaite compenser cette distinction par son dynamisme épicurien : « elle préférait les gens qui vivaient à fond et s’amusaient, elle aimait danser alors qu’ici les gens étaient coincés, les femmes aussi » (MU, 101). Le comportement de Don Pierre, conscient de son ascendant sur la jeune femme, définit les rapports de domination entre soi et l’autre, exacerbés par la voyoucratie et l’animalité malsaine déclenchée par l’instinct de préservation et d’entropie. En effet Don Pierre « ne pensait qu’à l’étrangler et lui ouvrir le cul à coup de rasoir » (MU, 102). Un nouveau regard est porté sur le personnage féminin de “la fille de la boutique” dont les activités sont méprisées. Accompagnée d’une amie, décrite péjorativement car vêtue légèrement, laissant « voir le haut de ses fesses ainsi que la cordelette de son string » (MU, 105), la fille de la boutique est considérée comme tout aussi frivole et intéressée car « le fait de se faire payer à boire ne [lui] posait aucun problème » (MU, 105). La femme “continentale” voit que son intégration au sein du cercle social de l’île ne passe que par l’homme et sa prétendue supériorité. La femme, rabaissée au rang d’objet, récompense de l’homme et de sa faculté de séduction, sert de faire-valoir à la masculinité de type “machiste”. La figure féminine cependant évolue et l’on assiste à sa réification étant donné qu’elle n’est plus à terme un simple objet, mais un instrument, un outil que l’homme, en l’occurrence Don Pierre, utilise pour accroître son rôle tutélaire et récolter les bénéfices immédiats d’une relation sexuelle sans engagement affectif. L’influence de l’apparence, le matérialisme, l’étalage de certaines richesses sont autant de tentations auxquelles “la fille de la boutique” s’abandonne dans l’optique vénale de se hisser à des positions sociales honorables. Le calcul est réciproque : il n’y a de dissymétrie que dans la question du pouvoir, ici, concentré dans le mâle corse. Elle aurait dû se méfier, mais comment le faire sans

retomber dans les interdits de pudeur et quand on veut s’émanciper ? Toute relation est un risque :

Don Pierre gardait les filles et les faisait boire, et rire, et les surveillait même de loin lorsqu’elles allaient danser, mais elles revenaient toujours à l’abreuvoir (je souligne) car c’était lui qui payait les bouteilles de champagne et il semblait, de plus, passer ici pour quelqu’un d’important. (MU, 106)

Souvent qualifiée de sexe faible, la figure féminine, et plus particulièrement “la fille de la boutique”, offre une image de victime, brebis égarée et mal protégée dans une société insulaire où l’homme, déjà “fort”, cherche toujours à asseoir sa supériorité par la soumission. La vénalité, l’ambition de grimper l’échelle sociale, le besoin de la femme tolérée qui veut passer au rang de femme intégrée peuvent être perçus comme la revanche de la femme sur l’homme. Elle se voit obligée d’attirer l’homme par ses charmes, mettre à profit sa vanité, son orgueil et son insatiabilité sexuelle. Et cela semble marcher. Don Pierre devient une source de revenus contre services rendus car « il pouvait lui offrir tout ce qu’elle désirait. » (MU, 108) L’abandon de soi et l’abandon de soi pour l’autre attisent le danger d’une dépravation sexuelle non consentie :

Don Pierre lui disait : “Tu es une salope, une sacrée salope, je le savais, j’avais compris que tu étais une traînée, bonne et chaude, je savais que tu aimais te faire tringler, que tu aimais la came, tu te ferais baiser pour une ligne de poudre, je le savais.” (MU, 109)

Par le personnage de la fille de la boutique, Marcu Biancarelli propose une image choquante des relations sexuelles qui est un appel à la prise de conscience. De façon inconsciente, la société individualiste a légitimé ce type de comportements quotidiens par la course effrénée à l’apparence, aux fréquentations marginales, au culte du superficiel aux dépens d’autres attitudes plus responsables et plus humainement viables.

À cette figure féminine s’oppose celle de Lena, la cousine du narrateur. Pourtant, la description faite par Marcu Biancarelli les concernant est quasi similaire à un détail près : la couleur de la chevelure et l’interprétation qui en résulte. La fille de la boutique avait « les cheveux longs, blonds et très lisses » (MU, 105) quand Lena portait de « longs cheveux noirs qui lui descendaient jusqu’au milieu du dos » (MU, 191). La précision induite par le complément de détermination du nom, « sa chevelure à l’espagnole » (MU, 196) témoigne de cette dualité des deux entités féminines. Lena est donc cette Méditerranéenne aux cheveux noirs profondément insulaire, vivante, fougueuse, active, autonome qui s’oppose à la fille de la boutique, continentale, intéressée, corruptible, attachée à l’importance du statut social,

caractérisée par la blondeur. Cette distinction entre les deux personnages relève de la dualité entre l’une extérieure à l’île et l’autre fortement ancrée dans l’espace intérieur de l’île. La fille de la boutique “débarque” sur l’île, en tant que femme adulte avec ses certitudes alors que Lena qui « jouai[t] au docteur dans les grottes des Sarconi lorsque [ils étaient] enfants [avec Marc-Antoine] » (MU, 191) est inscrite dans l’évolution insulaire depuis son plus jeune âge et y a contribué en tant que femme agissante. La différence entre les deux femmes ne se limite pas au physique mais concerne aussi leurs revendications. Lena est fière de ce qui la différencie des hommes, elle est forte et indépendante alors que la fille de la boutique, carriériste, vulnérable (et de toute façon victime, quoique consentante ou tentatrice) apparaît comme un corps-pouvoir qui structure un schème de l’indécence dans les jeux amoureux et/ou sexuels. Elle fait partie de ces pseudo-guerrières de la libération sexuelle qui « avaient fini par se comporter comme les mâles et [...] s’imaginaient plus malignes depuis qu’elles jouaient les sauvages capables de se faire culbuter par le premier venu — et si possible par le plus con, surtout — histoire d’avoir l’impression de diriger la manœuvre. » (MU, 192) Contrairement à la fille de la boutique, Lena est nommée et le prénom lui donne du crédit, il est l’instrument par excellence de ce travail d’ajustement identitaire. Lena, prénom à consonance corse, permet alors la reconnaissance sociale aux normes de la communauté insulaire.

Elle est cependant un personnage dédoublé entre tradition et transgression. Dans la continuité du groupe familial, elle incarne un rôle de transmission des valeurs culturelles et du patrimoine en partageant son temps avec la figure maternelle, gardienne de la tradition, symbole de l’espace domestique, pour « discut[er] […] de la meilleure façon de préparer le

fiadone » (MU, 191-2), spécialité occupant une place importante dans la culture culinaire

corse. Marc-Antoine qui constitue son entourage le plus intime apporte quelque chose de différent à la construction du personnage de Lena, créant ainsi une femme à multiples facettes qui transgresse les stéréotypes de la femme corse traditionnelle, silencieuse et discrète : « Avec Lena, on a toujours discuté à cœur ouvert, et même, à force de confidences, on a fini par en connaître un paquet l’un sur l’autre. » (MU, 208) Elle est l’incarnation de la féminité, du désir, de la transgression et de l’interdit. La relation qu’elle entretient avec son cousin demeure ambiguë. Lui, conscient de la situation, qualifie de « folie, également, l’attirance [qu’il] éprouvai[t] pour [s]a cousine Lena » (MU, 191). Dans un premier temps, Marc-Antoine semble se résigner au rejet de la relation incestueuse par une société qui dicte, autorise et interdit : « Et dire qu’il m’est interdit de couvrir une bombe comme ma cousine Lena ! » (MU, 193). Mais il doit faire face à « la chaleur des baisers » (MU, 197) de la « si

tendre et délurée » (MU, 208) Lena. Un tel tourment opère une exacerbation de la réflexion et de l’action conduisant à une révolution psychique de Marc-Antoine qui se doit d’accepter la pulsion et sa satisfaction. Chaque geste simple devient une torture et appelle à la transgression : « sa lèvre inférieure très légèrement rebondie, provocante, un véritable appel à la morsure violente quand sa bouche ne s’approche que pour un simple baiser affectueux. » (MU, 196) Lena justement partage les mêmes idées subversives et ensemble ils souhaitent partager la violation de cet interdit :

je pouvais maintenant lui dire, à elle, que je voulais la baiser depuis toujours, que c’était une folie, mais que je voulais justement la baiser parce que c’était une folie et parce que c’était interdit, que c’était ça qui torturait l’âme depuis si longtemps, le désir de savoir ce que ça pouvait faire de la baiser et c’est alors que ma cousine a cessé de me regarder de ses yeux écarquillés, qu’elle m’a attiré vers elle, sur le canapé et qu’elle a commencé à fourrer ses mains partout. En deux temps trois mouvements elle était nue et elle me disait que c’était pareil pour elle, qu’elle y pensait depuis toujours, mais qu’elle n’avait jamais eu le courage de le dire (MU, 209)

En acceptant de répondre favorablement aux avances de Marc-Antoine, Lena abolit les dernières frontières subsistant entre les générations et le statut sexuel permettant à chaque individu de se situer dans la sphère familiale et la collectivité. Braver l’interdit, c’est savoir s’affirmer, c’est donner raison à son esprit de contradiction et se donner ainsi la sensation grisante de trouver sa place dans le monde des humains. Une place demeurant malgré tout une hors-place institutionnelle. La volonté de transgression qui répond à une passion sexuelle dévorante qui torture l’âme, suscite entre les deux protagonistes le mélange, la confusion et le désordre. L’effondrement des normes qu’implique la relation incestueuse altère le psychisme individuel et le sentiment identitaire car Marc-Antoine et Lena cessent d’être « la somme de deux différences et l’entier qui s’enrichira d’une autre différence, car celui auquel il donne et duquel il reçoit le veut exclusivement à son identité »1. Les deux personnages recherchent dans l’inceste « la fusion sexuelle absolue, gémellaire, qui fera d’eux une entité androgyne affirmée contre le reste du monde, objet de scandale assumé, recherché, et transgression esthétisée, monstrueuse. »2 L’inceste biancarellien — fantasme d’une corsitude endogène ? — sonde la distance entre le désir et sa réalisation, le rapport à la transgression et à la relation

1 Dominique VRIGNAUD, « Les Comptes de l’inceste ordinaire » (p. 129-169), in Françoise HÉRITIER, Boris

CYRULNIK et Aldo NAOURI, De l’Inceste, Paris, Odile Jacob, coll. « Poches Odile Jacob », 2000, p. 161.

2 Houria BOUCHENAFA, Mon amour, ma sœur, L’imaginaire de l’inceste frère-sœur dans la littérature

prétendument impossible entre les deux protagonistes. Pierre Legendre souligne qu’avec l’amour incestueux, « on tourne autour de la question d’une fonction de limite, de séparation d’avec l’autre, […] il fait partie des mécanismes intimes du vivant, car il commande l’apparition du sujet du désir, à travers l’instauration des grandes catégories de légalité qui instituent en chaque société la subjectivité »1.

Entre vice et vertu, se dessine Lena, figure féminine tutélaire du destin amoureux de Marc-Antoine, qui laisse affleurer des fonctions féminines riches d’une dynamique narrative. Dans les sociétés méditerranéennes notamment, la femme occupe par moments la fonction de “femme-bourreau” non pas en donnant une mort physique mais une mort psychique aux prises avec une tourmente émotive intérieure. Lors de l’exil de Marc-Antoine en Catalogne qui sonne comme le point final de sa relation, la perspective de rupture octroie à Lena une double fonction qui lui confère deux aspects, lesquels en déterminent les conditions, les caractéristiques et les effets. Elle polarise à la fois une pulsion de déliaison que Marc-Antoine n’accepte pas, lui qui semble se raccrocher à cet inaccessible amour, et une pulsion de vie qui s’affirme dans l’espérance de se revoir : « Tu viendras me voir. J’aurai besoin de toucher ta peau de temps en temps. Histoire de me dire que je suis toujours en vie. » (MU, 240) Elle incarne son dernier espoir dans la croyance d’une humanité : « On va fonder une nouvelle race, on va changer la face de l’humanité. Nous allons produire des êtres… » (MU, 240). La dimension passionnelle de leur relation n’est pas sans rappeler l’hybris et opère une profonde déstabilisation de leurs existences : ils se suffisent à eux-mêmes. Marc-Antoine est alors esclave de ses passions, son rapport à Lena étant altéré, il n’est plus cet être décisionnaire et libre, sa suprématie virile est menacée :

En l’embrassant, je lui ai un peu mordillé la lèvre inférieure. Après quoi je l’ai encore regardée dans les yeux, en passant la main sur son visage pour en écarter une mèche de cheveux. Il s’en serait fallu de peu pour qu’elle devienne ma prison, qu’elle parvienne à m’y maintenir et à m’empêcher de pénétrer dans ce couloir obscur. (MU, 240)

Lena est donc une femme forte, sexualisée, affirmée et conquérante qui a un rôle actif dans la séduction et l’amour. Par le biais de Lena, Marcu Biancarelli met en scène une figure féminine qui tranche avec la femme corse traditionnelle, rigoureuse et diplomate, emblème du sacrifice et de la cohésion familiale. La relation incestueuse s’exclut de tout consensus social, politique et culturel. Encore une fois, cette attitude, qui reconnaît tout de même un certain

1 Pierre LEGENDRE, Leçons IV. L’Inestimable Objet de la transmission. Étude sur le principe généalogique en