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I. 1.4.2 .Fiction ou non-fiction

I.6. De La crise d’invention romanesque à la parution du genre normativisé

I.6.1. Les fictions à la première personne

En partant du principe que la fiction est une mimesis, une représentation qui tente de définir la réalité, de l’imiter et donc de se faire passer pour vraie, pour cela,

elle tente de renouveler sans cesse les codes et donc de reconstruire les dispositions génériques.

La fiction peut imiter d’autres genres, de nature référentielle et incarne un glissement du vrai au vraisemblable. Un constat est tiré d’emblée : il est impossible de décider littérairement du caractère « vrai » ou « non-vrai » d’un énoncé. Dans ce sens, des genres qui se rapprochent apparemment plus au genre factuel sont plutôt conçues comme de simples variantes fictionnelles :

« De même que le roman mobilise couramment la forme épistolaire, et la forme du journal intime, il se sert absolument, depuis de XVIIIème siècle, du récit personnel. Comment distinguer l’autobiographie du roman autobiographique ? Il faut bien l’avouer, si l’on reste sur le plan de l’analyse interne du texte, il n’y a aucune différence. Tous les procédés que l’autobiographie emploie pour nous convaincre de l’authenticité de son récit, le roman peut les imiter et les a souvent imités » (Lejeune, 1971, P.17) La notion du pacte qui illustre la relation conventionnelle d’écriture-lecture se trouve remise en question puisqu’il est difficile d’opter définitivement pour un pacte autobiographique ou fictionnel comme il est souligné par Philippe Lejeune : « Le paradoxe de l’autobiographie c’est que l’autobiographe doit exécuter ce projet d’une impossible sincérité en se servant de tous les instruments habituels de la fiction » (1971 : 28) .

Dans ce sens, une autobiographie est en réalité un récit plutôt fictionnel, mais reste reproduit dans un contexte et des conditions assez particuliers. Cela revient d’abord aux inventions de l’auteur qui ne sont pas toujours explicites aussi bien qu’à l’inexistence (selon la métapsychologie freudienne) à l’intérieur de l’instance inconsciente d’un véritable indice de la réalité. Il serait très problématique de distinguer la vérité de la fiction vu que les deux sont définies et largement investies par l’affect et la subjectivité.

I.6.1.1 Une imitation formelle

Quoi qu’elle ressortisse d’un enchevêtrement cohérent, et qu’elle procure du plaisir en la lisant, l’autobiographie romancée est fondamentalement une imitation formelle des autres mondes de discours littéraires, et plus précisément d’autres formes d’expression à l’intérieur d’une langue et d’une culture littéraire donnée. Le lecteur doit être en mesure de connaitre le modèle imité pour mieux saisir les significations du récit. Sur cette hypothèse, Michal Glowinski affirme :

« Un roman qui prend pour modèle à imiter la structure du Journal ou celle des Mémoires, fictionnalise cette structure, et en conséquence, fait apparaitre des caractéristiques différentes te celles que manifesterait le monde dans son domaine d’origine » (1986).

I.6.1.2.Les romans à clés

Ce genre de romans, rédigés à la première personne joue sur les frontières qui existent entre le récit et le discours. Ils portent des témoignages sur une époque et sur les personnes célèbres qui y ont vécu tout en évitant les conflits à travers les changements opérés sur les éléments éditoriaux et auctoriaux du paratexte.

Ces romans autodiégétiques sont par nature pamphlétaires car ils dépeignent dans un registre ironique, les propres mésaventures de leurs auteurs. Les limites de ce genre apparaissent lorsqu’il court le risque de n’intéresser qu’un public restreint. L’auteur déplace et modifie quelques traits de caractères comme il peut condenser plusieurs modèles au sein d’un seul personnage ce qui brouille les pistes et invente une intrigue imaginaire inexistante en réalité.

I.6.1.3.Les romans-mémoires

La volonté de crédibiliser le discours littéraire a engendré des narrations hétérodiégétiques (romans picaresques). En parlant de leurs propres aventures, en élargissant les thématiques et en démultipliant les personnages, les auteurs utilisent la première personne afin de rapprocher le roman à la réalité et de déléguer au

lecteur la fonction de voyeur-témoin. A partir de ces effets de réel, l’auteur tente de nier l’aspect fictionnel du roman et à faire de lui un outil de transposition d’un passé antérieur sur une écriture présente. Les mémoires constituent un témoignage sur l'époque vécue, sur les hommes côtoyés et sur les événements auxquels on a participé. Le mémorialiste se veut objectif : il veut apporter un témoignage fiable pour les historiens de demain et leur transmettre sa vision personnelle de la période vécue.

I.6.1.4.La correspondance

Elle est comme le journal intime. Elle n'a pas pour but premier d'être publiée et lue par le public. C'est souvent après la mort d'une personne célèbre que son entourage accepte de publier une partie de sa correspondance, lorsqu'il apparaît que les lettres qu'elle contient éclairent la personnalité de leur auteur et s’avère intéressante pour la postérité.

A côté de ces genres principaux peuvent également se présenter : La confession l'autoportrait, le récit-témoignage, l'essai, l’hagiographie, et l'éloge funèbre. Ces genres, voir sous-genres relèvent d’un seul essaim. En outre, pour se classer sous le genre autobiographique, le texte peut afficher l’obligation de se présenter sous l’angle de la narration. Toutefois, l’art de la narration n’a jamais était l’exclusivité des genres prosaïques : les recueils de poésie sont parfois le meilleur témoignage sur le moi de son auteur. C’est l’exemple de Chêne et chien, de Raymond Queneau, 1917 qui semble d'avantage conçu comme une autobiographie en vers que comme un roman. C’est l’exemple de Chêne et chien, de Raymond Queneau, 1917 qui semble d'avantage conçu comme une autobiographie en vers que comme un roman. C’est également le cas du poète Georges Perros qui qualifie son ouvrage de roman-poème :

« À Rennes je vécus un an Mes parents m'avaient envoyé

Dans le pays breton craignant

Que Belfort ne fût bombardé » (P.44). I.1.6.1.5. Les autobiographies fictives

Georges May (1979) part du constat que tout roman possède en réalité des intentions autobiographiques. Il en détermine plusieurs variantes :

1- Les romans historiques, romans de mœurs, et quelques romans poétiques dans lesquels la personnalité de l’auteur n’est pas très dominante.

2- Les romans qui retracent de développement d’un personnage, distancié de la personne de l’auteur (il peut s’agir à la fois de romans à la première ou la troisième personne).

3- Les romans autobiographiques à la troisième personne qui sont nourris par l’expérience personnelle de leur auteur.

4- Les romans autobiographiques rétrospectifs, à la première personne (romans-mémoires ou épistolaires).

5- Les autobiographies romancées qui sont classables à la fois comme des autobiographies et comme des romans car elles sont caractérisées par une part considérable de fabulation.

6- Les autobiographies-pseudonymes.

7- Les autobiographies proprement dites au sens lejeunien.

La classification sommaire de Georges May dénote la malléabilité du genre romanesque et de la capacité à s’imprégner des modèles des autres genres, à l’instar des récits de vie.

Si le roman autobiographique est un genre à part entière, un pacte de lecture particulier doit lui être assigné étant donné qu’il figure à la tête de la liste des textes à la première personne et s’inscrivant à mi chemin entre la réalité et la fiction. Le roman autobiographique tend plus à créer une impression du vécu (le vraisemblable) que de se revendiquer véridique.

Par conséquent, il n’existerait pas de romans autobiographiques, mais plutôt des récits que le lecteur juge d’autobiographiques, et ceci en fonction de ses connaissances préalables. Il existe également des thèmes propres aux autobiographies à l’instar du « premier souvenir ». Ces récits autobiographiques sont appréciés en fonction de leur organisation particulière, de leur style qui crée un effet d’intimité, plus important que la véracité même du récit.