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Partie II La composante discursive - Le système des puissances surnaturelles dans le Sou shen ji surnaturelles dans le Sou shen ji

Chapitre 5 Les immortels

5.4 Les fangshi

En plus des anecdotes d’immortels, nous lisons encore un nombre d’histoires des magiciens ( fangshi ) dans le Sou shen ji, plus précisément, il y a des alchimistes, devins, exorcistes, prêtres taoïste, sorciers et sorcières, etc. Ces gens-là ont eux-aussi comme le point de départ la poursuite de l’immortalité. Mais les histoires qui les concernent mettent l’accent plutôt sur la variété et la puissance de leurs téchniques magiques, d’une façcon beaucoup plus concrète et précise. Les fang shi constituent un groupe vraiment particulier dans le système de puissances surnaturelles du Sou shen ji. D’une part, ils croient être les messagers du ciel et des dieux, car ils possèdent des pouvoirs analogues à leurs semblables d’ « en haut ». La métamorphose, l’invisibilité, caractère imperméable au feu et à l’eau, le pouvoir de prévoir le futur, etc. Ils sont à même d’ordonner les éléments naturels, comme provoquer une tempête ou arrêter un vent, faire cesser de couler un ruisseau ou commander aux peupliers et aux saules de faire pousser des chatons en tout hiver. De plus, ils maîtrisent l’art des présages, savent établir des liens les plus délicats et

secrets entre des choses apparemments non-corrélées, et sont ainsi capables de prévenir le futur et protéger les gens de toutes sortes de désastres et d’infortunes. D’autre part, ils sont en même temps l’intermédiaire entre le monde des vivants et celui des morts : c’est pourquoi ils peuvent construire une connexion entre les hommes et les revenants ( cette technique favorise souvent les gens désespérés par la disparition de leurs bien-aimés et prêts à les revoir à tout prix ) et faire apparaître les démons aux yeux des êtres humains. Et aussi réservée à eux la fonction de pratiquer le rituel d’exorcisme cherchant à expulser le démon du corps de la victime et ainsi à guérir sa maladie. Voyons deux exemples :

La mère de Xiahou Zao de Qiao était gravement malade. Alors que Zao s’apprêtait à sortir consulter Chunyu Zhi a ce sujet, un renard vint se placer devant sa porte et se mit à glapir dans sa direction. Saisi d’effroi, Zao se hâta d’aller trouver le devin.

Celui-ci lui dit : « Le malheur est imminent. Retournez chez vous au plus vite et, à l’endroit précis où le renard a glapi, pleurez et hurlez en vous frappant la poitrine, de façon que tous les membres de votre famille, alertés par vos cris, sortent épouvantés de la maison. Surtout ne cessez de gémir que lorsque tout le monde sera dehors. Alors seulement vous pourrez échapper au malheur. »

Sur ce, Zao retourna chez lui conformément aux directives du devin. Toute la maissonnée accourut au-dehors, y compris sa mère malade, soutenue pour marcher. Quand tous furent réunis, la maison de cinq travées s’effondra dans un grand fracas. ( SSJ, p. 36 ; ARE, p. 67 )

Han You avait pour prénom d’usage jingxian. C’était un homme originaire du districte de Shu, dans la commanderie de Luijiang. Expert dans l’art de la divination, il pratiquait aussi les techniques de la pression de Jing Fang. La fille de Liu Shize était possédée par un démon depuis des années. Des chamanesses récitèrent pour elle force prières et firent parmi les tombeaux vides et les anciennes murailles une expédition au cours de laquelle elles capturèrent plusieurs dizaines de chats sauvages et de gavials. Malgré cela, l’état de la malade ne

s’améliora pas.

Han You établit son pronostic à son sujet. Il ordonna de préparer un sac de toile. Quand la malade eut une crise, il tendit le sac sur la fenêtre et, la porte fermée, prit une attitude impérieuse, comme s’il était en train de chasser quelque chose. Aussitôt, le sac se gonfla ; on eût cru qu’il avait soufflé dedans. Alors, You le détruisit. Mais la patiente continua à avoir des accès violents.

Han confectionna alors deux sacs de peau qu’il mit l’un dans l’autre et qu’il tendit à nouveau sur la fenêtre, ainsi dédoublés. Quand la baudruche se gonfla, comme la fois précédente, il en noua prestement le col avec une corde et alla la suspendre à un arbre. Une vingtaine de jours plus tard, elle se dégonfla. Quand on l’ouvrit, on trouva à l’intérieur deux livres de poils de renard. Dès lors,la jeune fille fut guérie. ( SSJ, p. 40 ; ARE, p. 68 )

De ces deux textes nous pouvons déduire que la technique magique pratiquée par les

fangshi peut être apprise et étudiée, elle n’est pas du même ordre que la puissance

mystérieuse des dieux, dont le pouvoir divin et l’influence fascinante ne sont pas accessibles aux hommes. Par le moyen d’un apprentissage convenable et d’un culte de soi-même, l’homme lui aussi peut maîtriser les techniques magiques, gouverner les éléments naturels et les mettre au service de la vie humaine. Significatif est le fait que ce sont finalement les hommes qui ont joué le rôle du pivot pour relier les « trois milieux », celui des vivants, des morts et des dieux. Face aux puissances surnatuelles ( ou toutes les forces extérieures que les hommes n’arrivent pas à comprendre ni à empêcher ) tour à tour mystérieuses, menaçantes ou bienveillantes, l’espèce humaine ne peut réagir qu’avec une croyance et une soumission. Mais dans le concept du xian et l’existence de ces spécialistes magiciens on retrouve une volonté libre et subjective très forte de l’homme qui, au lieu de lancer un combat, essaie de se rapprocher de ses « adversaires », même de se ranger parmi eux, en trouvant une bonne réconciliation et un état parfait de co-existance avec eux. Ceux qu’on ne peut pas dominer, on peut les amadouer. En fait, la valeur essensielle de ces techiniques magiques (fangshu) repose sur le maintetien d’un équilibre de forces entre « le ciel et la terre », en profitant de toutes sortes d’énergies dans

la nature. Donc elles ne visent pas à vaincre, mais à harmoniser, à équilibrer, ce qui correspond justement à la quintessence de la culture chinoise.