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Les tentatives de formation logique des systèmes d’habitat social et leur classement

II. 1.5.- Familistère de Godin (1817-1888) 102

Persuadé, tout comme Charles Fourier, que le bonheur réside dans l’Association, Godin modifie les plans de Fourier sur deux points essentiels : il combine l’habitat avec l’industrie (habiter, travailler) et il abolit la vie en commun, accordant à chaque famille un logement individuel dans un grand édifice s’ouvrant sur des cours, complété d’un jardin d’enfants, d’une école, d’un théâtre et de différents services (Benevolo, L, 1978 : 172). En 1858, il conçoit une composition urbaine générale de ce qui sera le «Palais social» (Figure III-11 et III-12), dont les plans sont probablement dûs à

102 Né en 1817 dans l’Aisne, Jean Baptiste André Godin est issu d’un milieu modeste, il fera à 18 ans, en tant qu’artisan-serrurier, un tour de France comme compagnon. Ce périple de deux ans lui permet de découvrir les conditions précaires des populations laborieuses et de prendre conscience qu’il est nécessaire de faire quelque chose pour améliorer leur sort.

137 l’architecte fouriériste Victor Calland. Le Familistère est une société. ‘Cet ensemble, qui constitue la synthèse des systèmes de pensée prônés par les utopistes, les saint- simoniens103, les chartistes anglais104, les socialistes français et les révolutionnaires quarante- huitards105, dans un climat caractérisé par un éclectisme social et politique et repose sur les principes de fraternité et de devoir.

Pour lui le familistère est une cité ouvrière qu’il a tenté d’instituer de la manière la plus concrète à travers la concrétisation de ces visions. Elles résident dans un idéalisme social et un pragmatisme économique où la vie sociale ne doit en aucun cas être fondée sur l’assistanat.

Figure III- 11 : Vue panoramique sur Le familistère de Godin, (Serge Ziyons : 1997 :76)

Figure III- 12 : L’intérieur de familistère. (BARBEY, G, 1990 :78)

Godin réalise sur une surface de 20 ha- de 1856 à 1882- un palais106 social comprenant plus de 700 logements de deux pièces maximum, dans lequel un véritable confort107 est accordé à ses employés. Godin y loge ces familles, leur offre des équipements pratiques comme une buanderie, des

103 Le saint-simonisme est une doctrine socio-économique et politique dont l'influence fut déterminante au XIXe siècle. Elle tient son nom de Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825). Son disciple ou partisan est qualifié de

« Saint-Simonien ». Elle peut être considérée comme la pensée fondatrice de la société industrielle française.

104 Le chartisme est un mouvement politique ouvrier qui se développa au Royaume-Uni au milieu du XIXe siècle, à la suite de l'adoption de la « Charte populaire » (anglais : People's Charter).

En 1832, la réforme électorale (Reform Act) établit un système électoral censitaire, au détriment des classes populaires. La Charte populaire fut adoptée en 1838, à l'initiative de l'Association des travailleurs londoniens. Elle réclamait le suffrage universel masculin, un juste découpage des circonscriptions électorales, l'abolition de l'obligation d'être propriétaire pour être éligible, des élections législatives annuelles, le vote à bulletin secret et l'indemnité parlementaire. Le mouvement resta actif et organisé jusqu'en 1848 et donna lieu à l’apparition des mouvements coopératifs et des mouvements syndicaux. Il connut trois grandes phases : entre 1838 et le début de 1840 ; à l'été 1842 et entre février et août 1848, correspondant aux trois grandes pétitions signées par des millions de Britanniques et déposées (pour les deux premières) au Parlement qui refusa d'en tenir compte.

105 Un quarante-huitard est révolutionnaire de 1848, année riche en révolutions en Europe (le « Printemps des peuples »), en particulier en France (la Révolution française de 1848 en février, les « Journées de Juin »), dans la Confédération germanique (la « Révolution de Mars »), en Autriche-Hongrie et en Hongrie.

106 Il conservera en effet la disposition générale du palais : quadrilatère central flanqué de deux quadrilatères latéraux, mais fera disparaitre l’église.

107 Pour son élaboration, Godin va s’inspirer de plusieurs projets : du palais des familles de V. Calland, architecte, membre de l’école sociétaire, et du phalanstère de C. Fourier, dont il gardera de nombreux aspects.

138 lavoirs ou des équipements sociaux […] une piscine-bains et une buanderie alimentée en eau chaude par la récupération de l’eau de condensation des machines, une bibliothèque, une nourricerie- pouponnant et un ensemble « économat » avec un magasin d’alimentation générale, (Stébé, J-M, 1998 : 43). Il cherche à créer une meilleure qualité de vie et un cadre agréable pour le travail et donner les « équivalents de richesse » à son personnel.

Figure III- 13 : Plan d’étage du familistère (dessiné par l’auteur, ( BARBEY, G, 1990 : 78).

Figure III- 14 : Vue perspective sur le Palais social – Carte postale, 1905 (coll. Familistère de Guise). (Olivier, M.

BRIOSNE108 : 91)

Dans la recherche de création d’une dynamique sociale agréable, des ‘« rues- galeries », reliées entre elles par de larges escaliers aux angles des édifices, comportent des points de rencontre (fontaines, cabinets d’aisance, trappes à balayures –vide-ordures, dirait- on aujourd’hui) (Figure III-13 et III-14) pour susciter et entretenir la solidarité et la fraternité et où devait se forger une sociabilité familière’ (Stébé, J-M, 1998 : 42). À la différence de Fourier, Godin cherche à garder l’intégrité et l’unité de la famille d’où le nom de Familistère.

Dans ce système d’habitat, le progrès technique de l’époque a une importance particulière dans cette cité où on trouve aussi les fondements des hygiénistes de l’époque, en ce sens il semble que

‘Godin ait recherché la maximalisation des conditions d’hygiène : air –ventilation des bâtiments et des logements ; lumière –tous les appartements en sont traversés ; prévention de l’incendie- nombreux coupe-feux, sols carrelés, etc. prévention des accidents (aucun véhicule ne peut pénétrer dans les enceintes habitées). Donc, ce système partage plusieurs indicateurs de registres logiques d’implantation de nos cités aujourd’hui, sous la vision de projet urbain durable.

Godin à travers le Phalanstère de Guise fait une tentative particulière vers la recherche d’une cité durable, conviviale et viable autrement dit durable. Comme a présagé J-M Stébé : ‘il a été sans aucun doute un pionnier en matière de logement pour les classes laborieuses : appartements confortables entourés de nombreux avantages et ressources que beaucoup de logements bourgeois ne possédaient pas à l’époque’.

L’ouvrage d’A. Oyon présente une scène sociale désagréable à vivre qui a encouragé Godin de penser à l’améliorer. Un système d’habitat bien intégré dans un tout unifié est la solution optimale devant cet état maladif ; ‘améliorer le sort des classes laborieuses ; relever la moralité où elle a disparu ; rapprocher vers un niveau proportionnel les diverses classes de la société ; faire disparaitre le sentiment d’envie et de haine qui nait chez les malheureux, de leur infériorité et de leurs souffrances comparées avec la supériorité et le bien-être d’autrui’(Oyon, A, 1865 : 05), donc, les classes ouvrières se sont trouvées dans un cercle vicieux, entre l’ignorance et un climat de démoralisation.

108 M. Olivier BRIOSNE108, P 91 MEMOIRE pour l’obtention du Diplôme Bâtisseurs d’Utopie. « Le mythe de la Cité Idéale confronté à la réalité au XIXème et XXème siècle » UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III. P 91

139 À Paris comme à Londres et d’autres villes manufacturières, on recherche à tout prix la stabilisé ess habitants en essayant d’évacuer les sentiments de tristesse. Un système d’habitat, face à la moralité des masses, qui contrecarre ces dérivations, s’impose.

Dans ce climat, Godin, un brillant chef d’entreprise, un homme politique et un théoricien à la fois ‘se lance dans une expérience : le Familistère et l’Association du familistère. Cet esprit utopique appelle l’attention sur les remèdes contre le malaise social, en proposant un système d’habitat social sous forme d’un palais familial de 700 logements de deux pièces maximum en assurant un vrai confort aux habitants employés. Ce système d’habitat secondaire basé sur l’industrie est qualifié aussi comme mixte par la présence des équipements d’accompagnements comme une école élémentaire mixte, un théâtre, une bibliothèque, des magasins d’alimentation générale…etc (Figure III-15). Donc, il s’est avéré que l’habitat ouvrier est le pignon manquant pour garantir l’habitabilité de la ville que se soit primaire ou secondaire.

Figure III- 15 : Le Familistère ou Palais Social. Vue d’ensemble. (Godin, J-B, 1971).

De même ce point de vue est bien étayé par Alexandre Oyon un écrivain de l’époque -une lettre écrite en septembre 1866-: ‘le Familistère n’est pas uniquement un palais créé pour l’habitation des ouvriers. Si beau qu’il soit, au point de vue matériel, ce magnifique établissement n’est, depuis la base jusqu’au faite, que la mise en œuvre de tout un système de démoralisation’.