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5. Quelle progressivité des notions dans l’éducation

5.6 A propos des notions, quelle progressivité possible pour les élèves ?

5.6.5 Quels facteurs de variation ?

L’analyse des ouvrages permet de dégager plusieurs variables intervenant dans la mobilisation d’une notion.

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102A. Weill-Barais (1985) note « on trouve dans la littérature de nombreux termes pour désigner les

connaissances des élèves qui se différencient des connaissances des experts ou des scientifiques d’un domaine. On parle de connaissances communes, de représentations ou idées spontanées, de préconceptions, d’idées a priori, de conceptions pré-instructionnelles, en anglais de mis-conceptions, d’alternantive frames, selon que l’auteur met l’accent sur le caractère social de la connaissance acquise, sur le moment où la connaissance est étudiée ou sur le caractère erroné de la connaissance. ».

5.6.5.a Influence de l’âge

L’âge est un premier facteur explicatif de l’évolution des représentations ; les différences de réponses à une même question peuvent correspondre à une maturité acquise (Alpe, Kerignard, Legardez & Verges, 1993).

De plus, à un âge donné, le développement cognitif de chaque enfant varie, en interaction avec son histoire personnelle.

5.6.5.b Influence de l’histoire personnelle

Le vécu de l’élève apparaît dans ses réponses et constitue une seconde variable à considérer lors de l’analyse des productions (Audigier & Fillon, 1991).

Relevant de l’histoire individuelle, les connaissances ont alors « une dimension sociale parce

qu’elles existent par et en référence à une culture » (Audigier, 1986). Recueillir ces

informations supposerait une enquête pour chaque élève. Aussi la dimension sociale sera t-elle limitée au vécu de l’élève dans le contexte du recueil des traces.

5.6.5.c Influence du contexte

Dans un contexte scolaire, en fonction du type d’intervention du maître et des conditions mises en place, les productions d’un même élève diffèrent et témoignent de connaissances différentes (Séré, 1985). En plus des choix pédagogiques de l’enseignant, l’évolution du contexte prévu (réactions obtenues lors d’expériences, effets observés après essais…) entraîne parfois une variabilité au cours de l’action (Darses, 2000).

Il faut tenir compte de cette influence du contexte, notamment lors des choix méthodologiques d’enquête (Audigier, 1986) mais aussi lors de l’analyse des résultats. Par exemple, une notion comme celle « d’analyse fonctionnelle », étudiée en cours comme un outil de conception n’est utilisée par des étudiants, en stage en entreprise, qu’a posteriori, pour formaliser le travail effectué (Prudhomme, 1999).

L’influence du contexte est aussi à relier à son enjeu pour l’élève : un élève en refus scolaire ne mobilisera certainement pas les mêmes connaissances en classe que celles qu’il mobiliserait en dehors du contexte de la classe.

5.6.5.d Influence de l’enjeu

Selon l’importance qu’il accorde à l’enjeu, la perception qu’il a de la réversibilité de cet enjeu, l’élève va plus ou moins s’impliquer. Son degré d’implication, qui peut varier d’une position « d’observateur » (avec une implication faible) à une position « d’acteur » (implication forte) va entraîner des stratégies de raisonnement différentes (Guimelli, 2002), et vraisemblablement une mobilisation différente des notions.

Il conviendra de vérifier l’influence de ces différents facteurs de variation dans le cadre de la mobilisation de la notion de « qualité ». Mais leur mise en évidence lors de l’analyse bibliographique conduit à formuler également l’hypothèse d’une variabilité didactique, essentiellement liée aux contenus.

Les tâches proposées par le curriculum actuel de l’éducation technologique offrent implicitement à l’élève différents rôles, sans changement de contexte scolaire, d’âge. Cette variable du rôle peut-elle s’ajouter aux autres facteurs cités par les travaux de recherche pour expliquer les différentes mobilisations de connaissances chez un même élève ?

5.6.5.e Hypothèse de l’influence du rôle

Les textes officiels n’utilisent pas le terme de « rôle ». Celui-ci doit être rapproché de la composante sociologique de la technicité, définie par M. Combarnous (1984) comme « les

spécialisations des individus et des groupes dans l’exécution de tâches partielles coordonnées permettant des réalisations de grande envergure qui ne sont pas à l’échelle d’un individu isolé ».

Le rôle relève du prescrit, du formel. Il est sous-jacent dans la tâche proposée à l’élève, par le curriculum ou par l’enseignant.

Tout au long du parcours d’éducation technologique, trois rôles peuvent être identifiés : l’élève est considéré soit comme un « concepteur », un « producteur » ou un « lecteur du monde technique». Par des activités d’investigation, de recherche de solutions, les rédacteurs des programmes demandent à l’élève de « rechercher »103, « choisir », comme le ferait un concepteur. Des réalisations sont également à mettre en place. L’élève est alors « producteur » et doit « réaliser », « effectuer », « implanter », « contrôler »…Il est aussi amené à

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103 Les verbes ou expressions notées en italique sont extraits des compétences indiquées dans les différents

« repérer », « identifier », « décrire » dans l’objectif de « lire, interpréter le monde

technologique ».

Pour autant, les opportunités offertes par des rôles différents génèrent-elles des différences de connaissances mobilisées ?

Pour chaque rôle confié implicitement lors de la réalisation d’une tâche, l’élève utilise des notions, à propos desquelles il est possible de distinguer différents points de vue. Le terme de « point de vue » renvoie aux différentes approches possibles pour une notion. Il correspond à «une manière particulière dont une question peut être considérée » 104 et par là même indique une proximité avec le terme d’approche105, tout en étant différent. Il est utilisé dès qu’il s’agit de l’élève, pour exprimer que celui-ci se place, consciemment ou non, dans une des approches possibles de la notion de « qualité ». Quand les travaux à effectuer l’engagent à être plutôt « lecteur du monde », ou « concepteur » ou « réalisateur », l’élève mobilise t-il, pour la notion de « qualité », plutôt un point de vue « produit », « client », fournisseur » ou « entreprise »? Est-il possible d’établir une corrélation entre un rôle donné et un ou plusieurs points de vue sur la qualité ?

Une première investigation peut chercher à répondre à ce groupe d’interrogations. Mais les questions s’appuient sur le postulat qu’un élève adopte systématiquement le rôle proposé et prend alors une posture correspondante. Le terme de « posture » est utilisé ici pour être distingué de celui de « rôle ». La « posture » renvoie à l’activité, au réel, alors que celui de « rôle » relève du prescrit, comme la tâche.

Or, il semblerait que non, un rôle donné n’implique pas systématiquement une manière de penser en cohérence avec ce rôle, comme le conclut une enquête réalisée dans des collèges en 2000-2001 (Lebeaume, 2004). Il était demandé à des élèves de quatrième, qui vivent des situations de production, de décrire un « bon produit ou un produit de qualité». Les résultats montrent que c’est un point de vue « consommateur »106 qui ressort, le point de vue « fournisseur » n’apparaissant pratiquement pas. La posture intellectuelle prise par les élèves est celle de « consommateur/acheteur/client » alors que l’investigation a lieu en milieu scolaire. Ils ne semblent pas « rentrés » dans le rôle de « producteurs ». Ce constat conduit à s’interroger sur les conditions susceptibles de favoriser une mobilité individuelle des points de vue.

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104 Grand Robert de la langue française. (2002), page 865.

105 Défini comme « une manière d’aborder un domaine de connaissances ».

106 Le terme « consommateur » est repris de l’article cité et doit être rapproché du point de vue « client », défini précédemment.

5.6.6 Quelles conditions peuvent favoriser une mobilité des points de