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6. La résistance thermique

6.3 Facteurs influençant la résistance thermique

La littérature sur les facteurs pouvant affecter la résistance thermique des microorganismes (Sörqvist, 2003) est très vaste. Il est très difficile d’interpréter les valeurs D et z, car il existe plusieurs méthodes différentes afin de déterminer la résistance thermique (Stumbo,1973; Murphy

et al., 2004). De plus, sur le marché, une grande variété de milieux de culture est disponible pour

la croissance des microorganismes tout comme les milieux et matrices dans lesquels la résistace thermqiue peut être testée. Un large éventail de microorganismes a été testé jusqu’à présent, mais bien d’autres ne le sont pas encore. Pour ces raisons, il est impossible de dire combien il y a de facteurs affectant la résistance. Cependant, Stumbo (1973) en a déjà classé plusieurs d’entre eux.

6.3.1 La résistance intrinsèque

La résistance varie non seulement entre les espèces microbiennes mais aussi entre les membres d’une même espèce. La résistance thermique entre les espèces microbiennes est bien documentée (Pagàn et al., 1999). Sallami et al. (2006) a démontré que L. monocytogenes était plus résistant que Salmonella enterica serovar Typhi dans une matrice de Bologne. Sörqvist (2003) a aussi démontré des différences entre les espèces suivantes d’Enterococcus spp., de Listeria spp., d’Escherichia coli, d’Yersinia enterocolitica, de Salmonella spp. et de Campylobacter spp. De plus, il a été établi qu’en général, les bactéries à gram positives sont plus résistantes à la chaleur que celles à gram négatives (Yousef et Juneja, 2003). Des différences ont aussi été observées entre des souches d’une même espèces (Murphy et al., 2000; Silue, 2005).

Un facteur important à considérer et à contrôler dans l’évaluation de la survie de Map est la formation d’agrégats (clumps). La paroi cellulaire des mycobactéries est très hydrophobe, car elle est constituée d’un fort contenu lipidique. Donc, la paroi des mycobactéries ne peut créer des liaisons hydrogène avec l’eau. Les particules hydrophobes sont apolaires et ne se lient qu’aux autres molécules apolaires. Cette propriété confère aux cellules la capacité d’adhérer entre elles pour former des agrégats. Cette prépondérance à former des agrégats serait le principal facteur lié à la capacité de Map de résister aux stress causés par la chaleur en protégeant une partie des cellules à l’intérieur de de ces agrégats (Grant et al., 2005). Puisque les bactéries au centre de l’amas cellulaire sont protégées, un chauffage supplémentaire ou une augmentation de la

température, est donc nécessair (Grant et al., 2005). Sur les milieux de croissance conventionnels, il est difficile de déterminer si une colonie provient d’une seule bactérie ou d’un amas. Ainsi, la présence d’agrégats peut conduire à une sous estimation du nombre réel de cellules d’un facteur variant entre 100 et 1000, puisque qu’un agrégat peut contenir jusqu’à 10 000 cellules (Klijn et

al., 2001; Grant et al., 2005). Ainsi, la courbe de survie prend souvent une forme concave avec

une traînée (Grant et al., 1996; Sung et Collins, 1998).

6.3.2 Facteurs environnementaux durant la croissance microbienne 6.3.2.1 L’âge de la culture

L’âge de la culture doit être pris en considération, car la plupart des bactéries sont plus résistantes en phase stationnaire que durant la phase exponentielle (Elliker et Frazier, 1938; Henry et al., 1969; Kaur et al., 1998; Sörqvist, 2003). Elliker et Frazier (1938) mentionnent dans leur article que les jeunes bactéries en cours de division cellulaire sont moins résistantes à la température tant et aussi longtemps qu’elles demeurent à ce stade de développement. Si les métabolites toxiques produits lors de la division cellulaire sont retirés du milieu, les cellules seraient plus résistantes. Lors d’une étude portant sur la résistance des salmonelles, il a été démontré que les bactéries lavées avec de l’eau peptonée sont plus résistantes que les cellules qui n’ont pas été lavées (Goepfert et al., 1970).

6.3.2.2 Température de croissance

La température à laquelle les microorganismes sont cultivés influence également la thermorésistance. Hayman et al. (2007) ont fait pousser des cultures de L. monocytogenes à 4, 15, 25, 35 et 43˚C avant de leur faire subir un traitement thermique. Les cultures les plus résistantes sont celles qui on été maintenues à 35 et 43˚C. Ces dernières ont toutefois tendance à créer une traînée (tailing; Hayman et al., 2007). D’autres expériences avec des microorganismes cibles différents, tels qu’Enterococcus faecium, Salmonella ssp., et E. coli O157 :H7, ont donné des résultats similaires (Henry et al., 1969; Kaur et al., 1998; Martìnez et al., 2003). En général, les microorganismes ont une résistance plus élevée à la chaleur lorsqu’on les fait croître à une température légèrement au-dessus de leur optimum comparativement aux cultures entreposées au

froid (Stumbo, 1973). La résistance intrinsèque peut aussi être due à l’exposition des cellules à un traitement thermique souslétal (conditions sévères mais qui ne tuent pas). Ceci a été observé, notamment, chez E. coli et E. faecalis et beaucoup d’autres microorganismes, cultivés entre 40 et 50 °C où l’induction d’une quantité importante de protéines associées au choc thermique, dont DnaK, permet aux cellules de mieux résister et de survivre à un traitement thermique plus sévère (Boutibonnes et al., 1993; Rince et al., 2000; Seyer et al., 2003).

6.3.2.3 Nature du milieu de croissance des bactéries

Il semble que la présence ou l’absence de certains nutriments dans les milieux de culture augmentent ou diminuent la résistance thermique de certains microorganismes (Stumbo, 1973). Sugiyama (1951) a démontré que la réduction de la concentration en Fe++ et en Ca++ diminuait la résistance thermique des spores de C. botulinum. Henry et al. (1969) ont démontré que les milieux de croissance complexes tels que le bouillon trypticase de soya (trypticase soy broth; TSB) avec de l’extrait de levure augmentait la résistance à la chaleur chez Salmonella comparé aux milieux minimaux contenant quelques sels et minéraux. En accord avec ces résultats, Annous et Kozempel (1998) ont aussi démontré une résistance thermique plus élevée chez Pediococcus ssp. cultivé dans du TSB que dans un bouillon trypticase, glucose, et extrait de levure. De plus, certaines lignées de Salmonella semblent plus thermorésistantes lorsque du glucose est ajouté dans leur milieu de croissance. Il a été rapporté que l’exposition à de bas pH permet à S. enterica ssp. enterica serovar Typhimurium de s’adapter et, de ce fait, permet une certaine protection contre la chaleur (Bacon et al., 2003). Ceci suggère qu’une protection croisée entre deux stress ou traitements antimicrobiens serait possible (Lemay et al., 2000).

6.3.3 Facteurs environnementaux durant le procédé thermique

6.3.3.1 Nature du milieu de croissance lors de la réparation des lésions et des blessures cellulaires.

L’habileté des cellules endommagées à survivre dépend, notamment, des conditions de l’environnement de récupération c’est-à-dire les milieux dans lesquels elles sont placées pour

récupérer (Mañas et al., 2001). Plusieurs auteurs évoquent que la valeur D dépend, entre autres, de ces milieux de récupération (López et al., 1997). Le milieu, employé pour l’énumération des cellules de Salmonella survivantes au traitement thermique, dans la méthode de Bacon et al. (2003), sont des géloses de trypticase de soya (trypticase soy agar; TSA) avec extrait de levure et de pyruvate de sodium. Ce dernier composé aiderait à la guérison des cellules endommagées en protégeant la cellule des radicaux libres, comme le radical hydroxyle (OH-), présents dans le milieu suite à la rupture des liens chimiques par la chaleur du peroxyde d’hydrogène (McDonald

et al., 1983, Bacon et al., 2003). Chez S. enterica ssp. enterica serovar Typhimurium, il a été

démontré que l’ajout de sel (chlorure de sodium) dans le milieu de récupération empêchait la guérison des cellules endommagées par la chaleur (Mañas et al., 2001). Le même phénomène a aussi été observé chez Bacillus cereus, L. monocytogenes, Clostridium sporogenes, C. botulinurn et E. faecalis (Beuchat et Lechowich, 1968; Hutton et al., 1991; Fairchild et Foegeding, 1993; Leguerinel et al., 2000). De plus, l’addition d’ions, tel que le calcium, favorise une meilleure réhabilitation des spores de Bacillus stearothermophilus (López et al., 1997). Dans leurs travaux, Fairchild et Foegeding (1993) ont tenté de déterminer si Listeria innocua pourrait être utilisé comme indicateur pour la croissance de L. monocytogenes. Ces deux chercheurs ont auissi déterminé lequel des milieux de croissance pour la réparation des cellules serait le plus efficace, le sélectif ou le non sélectif. Des différences significatives n’ont été observées entre les décomptes bactériens sur un milieu sélectif (agar trypticase phosphate; TPA) et un milieu non sélectif (TSA; Fairchild et Foegeding, 1993). Les bactéries semblaient pousser mieux sur du TSA. Il est reconnu que la croissance des cellules endommagées est souvent inhibée sur des milieux sélectifs (Sörqvist, 2003), car ces derniers favorisent la croissance de microorganismes non blessés capable de se répliquer. Ces milieux contiennent généralement des concentrations de sels ou de colorants qui inhibent la croissance de bactéries indésirables ou blessées ceci dans le but d’avantager la croissance des microorganismes cibles en mesure de se répliquer (Prescott et al., 1995).

6.3.3.2 Nature du milieu testé lors du traitement thermique.

La composition chimique de l’environnement dans lequel sont placés les microorganismes durant le traitement thermique a un effet marqué sur la résistance de ces derniers. Le pH du milieu

utilisé est reconnu comme un facteur important dans la résistance thermique des bactéries (Juneja et Sofos, 2002). Même si les pH neutres favorisent une résistance thermique maximale (Pagàn et

al., 1999), le phénomène contraire a aussi été observé. C’est le cas de Staphylococcus aureus où

une augmentation de la valeur D a été observée si le pH est réduit de 7 à 4 (Hassani et al., 2006). Il semble que Salmonella soit plus résistante à un pH de 4,5 que 8,0 (Stumbo, 1973). Cependant, le type de matrice utilisé vient aussi jouer un rôle dans la thermorésistance. Listeria et Salmonella se sont avérées plus résistantes dans la viande de poulet que dans une solution liquide à base de peptone et d’agar (Murphy et al., 2000). Des concentrations élevées en gras ont tendance à augmenter la résistance des microorganismes et serait lié à une de réduction de l’activité de l’eau (Aw). En effet, la destruction thermique de L. monocytogenes est plus basse dans du bœuf haché ordinaire ayant 30,5% de matière grasse que dans une viande maigre (2,0 %; Fain et al., 1991). La composition du milieu (sel, sucre, nitrite, etc) et l’activité de l’eau influencent aussi la thermorésistance (Stumbo, 1973). Néanmoins, la quantité et le type de milieux pouvant être testés sont d’autant plus nombreux que les différentes espèces de microorganismes retrouvés dans les aliments.