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1. Traitements thermiques en milieu liquide par la méthode des capillaires

1.2 Effet significatif du milieu

Tel qu’indiqué au Tableau 2, il existe des différences significatives (P < 0,05) entre les milieux utilisés lors d’un traitement thermique effectué dans les tubes capillaires pour un microorganisme et une température donnés. Cependant, ces différences sont plus nombreuses chez E. coli que chez E. faecalis. Vraisemblablement, l’effet du traitement thermique varie selon le microorganisme et le milieu utilisé. De fait, les milieux et les méthodes utilisés dans certains travaux pour évaluer la thermorésistance ne sont pas toujours les mêmes comparés à ceux utilisés dans notre étude. Ainsi les valeurs D et z peuvent différer de celles rapportées dans la littérature. D’où l’importance d’utiliser les les données obtenues dans les matrices similaires, d’utiliser les données les plus conservatrices de façon à se donner une marge de sécurité pour mieux gérer le risque. Ainsi, les valeurs D et z répertoriées dans la littérature ont été résumées dans les Tableaux 10 et 11. Dans leur étude, Spinks et al. (2006) utilisent de l’eau déionisée (H20déionisée) comme milieu lors du traitement thermique ainsi que des cultures de divers microorganismes, tels que de E. coli et E. faecalis, cultivées dans le BHI. Ils utilisent comme méthode des Erlenmeyers contenant 199 ml inoculés avec 1 ml de suspension bactérienne (concentration finale de 108 cfu/ml). Un échantillon de 1 ml est pris à des moments prédéterminés. Dans cette étude, les valeurs D dans BHI/ H20déionisée sont plus grandes que celles dans H20déionisée/ H20déionisée. Ici les valeurs D de E. coli et E. faecalis dans BHI/BHI sont plus grande que celles obtenues dans BHI/ME10 à 55 et 60°C. Dans leurs travaux, Juneja et al. (1994 et 1998) utilisent comme milieu pour le traitement thermique de la sauce brune (gravy) faite à partir de protéose peptone, d’extraits de bœuf et de levure ainsi que de la fécule de maïs. De plus, de l’acide lactique, du NaCl et du phosphate ont aussi été ajouté à diverses concentrations. Même s’il y a eu des ajouts dans les milieux de Juneja et al. (1994 et 1998), les trois

milieux intéressants pour nos travaux sont ceux ayant un pH de 6, avec 3% de NaCl et 0,15% de phosphate, ainsi que celui n’ayant aucun ajout, car ils s’apparentent le plus à BHI/ME10. Toutefois, nos résultats ne sont pas en accord avec ceux de de Juneja et al. (1994 et 1998). Les valeurs D60 sont supérieures à celles qui sont obtenues dans notre expérience. Puisqu’ils utilisent des volumes plus grand (10 ml) que les nôtres (200 l), il se peut que la montée en température ait été plus longue. Néanmoins, les différences observées avec la littérature peuvent être attribuées à l’utilisation lors du traitement thermique de souches, de méthodes et aussi de milieux différents. Nos travaux portaient sur la thermorésistance d’E. coli ATCC 25922 et d’E. faecalis ATCC 7080. L’ensemble de la littérature des études concenrnant la thermorésistance de ces deux microorganismes est présenté aux Tableaux 10 et 11. De plus, il a été démontré dans plusieurs travaux que la thermorésistance varie en fonction de la souche (Doyle et al., 2000). Dans l’étude de Davidson et Willy (1977; citée par Doyle et al., 2000), la thermorésistance de 4 souches différente de Salmonella ssp. (Agona, Derby, Infantis et London) a été déterminée. Les quatre ayant pourtant été cultivées dans le BHI et testées dans le BHI ont des valeurs D60 différentes (0,96, 0,66, 0,75 et 0,56 minutes). La même observation a été constatée dans les travaux de Baird-Parker et al. (1970), Junela et al. (2001) et de Edelson-Mammel et al. (2005) avec Salmonella ssp. et Listeria ssp.

Tableau 10. Thermorésistance de E. coli en milieu liquide selon la littérature.

Souche (culture/testé) Milieu Valeurs D utilisées (s) Valeur z (°C) Référence

55 60 65

BHI/ H20déionisée 401 ± 30 51 ± 2 < 2 4,3a

O3: H6 (type sauvage)

H20déionisée/ H20déionisée 225 ± 20 41 ± 1 3 ± 0,3 5,3a

BHI/ H20déionisée 223 ± 24 67 ± 7 3 ± 0,3 5,3a

O157: H7 (ATCC

43895) H20déionisée/ H20déionisée 232 ± 21 69 ± 4 3 ± 0,2 5,3a

Spinks et al., 2006

K-12 TSB/ pomme de terre 19,2 ± 0,0 6,48 ± 0,37 Chung et al., 2007

BHI/ sauce bruneb 696 144 NDh

BHI/ sauce brunec 108 ND Juneja et al., 1994

O157: H7

BHI/ sauce bruned 114 ND Juneja et al., 1998

Isolat rejets d’abattoir TSB/ TSB modifiée D63 260,2 ND

Isolat eau usée TSB/ TSB modifié D63 279,5 ND Oulheir et al., 2007

TSB/ Cantaloup D57 492 ± 48 ND TSBGf/ Cantaloup D57 888 ± 192 ND TSB/ Melon d’eau D57 546 ± 162 ND O157: H7 E0139 TSBG/ Melon d’eau D57 1386 ± 114 ND TSB/ Cantaloup D57 372 ± 54 ND TSBG/ Cantaloup D57 690 ± 192 ND TSB/ Melon d’eau D57 474 ± 180 ND O157: H7 SEA 13B88 TSBG/ Melon d’eau D57 1494 ± 342 ND Sharma et al., 2005

O157: H7 TSB/ TSB modifiég D62,5 59 à 112 4,6 à 7,0 Blackburn et al., 2007

O104: H7 TSB/ lait à 10% m.g. D55,2 438 4,6 Dega et al., 1972

a Calcul théorique

b pH de 6, avec 3% de NaCl et 0,15% de phosphate

c pH de 6, avec 0% de NaCl et 0,15% de phosphate

d Sans acide, NaCl ou phosphate

e pH de 6 avec 2% de NaCl

f TSBG; TSB avec 1% glucose

g pH de 5,1, avec 3,5% de NaCl

Tableau 11. Thermorésistance d’Enterococcus ssp. en milieu liquide selon la littérature.

Valeur D utilisés (s)

Souche Milieu (culture/testé)

50 55 60 65 70 Référence

BHI/ H20déioniséeb 901 ± 26 131 ± 12 19 ± 1,2

E. faecalis

(non hémolytiquea) H20déionisée/ H20déionisée ND ND ND

BHI/ H20déioniséec 633 ± 88 77 ± 8 7 ± 1,2

E. faecalis

(hémolytique) H20déionisée/ H20déionisée 509 ± 28 92 ± 5 ND

Spinks et al., 2006

D62 1716 à 2436 Flahaut et al., 1996

E. faecalis

ATCC 19433 BHI/BHId 726 Boutibonnes 1993 et al.,

E. faecalis MI2 240,0 90,0

E. faecium MA1 BHI/BHI

e

1110,0 270,0 Ahmad et al., 2002a

E. faecalis MI2 > 1800 540,0

E. faecium BAR1 BHI/BHI

f

> 1800 1260,0 Ahmad et al., 2002b

E. faecium

ATCC 49624

BHI/ tampon

Sorenseng 28,8 Marinez et al., 2003

E. faecalis

ATCC 19434 BHI/BHIh 6400 3519,5 1946,5 1440 Laport et al., 2003

E. faecalis MI2 > 1800 390,0

E. faecium BAR1 BHI/BHI

i

NE 360,0 Ahmad et al., 2003

E. faecium DP2181 BHI/BHIj 6336,0 D à 63°C: 561,6 D à 68°C: 200,4 Gordon et Ahmad, 1991

a E. faecalis ATCC 7080 est non hémolytique

b z

calculée = 6,0 °C

c z

calculée = 5,1 °C

dValeurs D calculées.

e Température d’incubation de l’inoculum 45°C; à 37°C la valeur D65 est 180 s

f Le BHI servant à la culture et au test a un pH de 5,0

g Tampon phosphate fait de Na

2HPO4 et de KH2PO4

h Valeurs D calculées, valeur z de 22,7°C

i Phase exponentielle (104 à 105 ufc/ml)

j z

La plupart des travaux, utilisant des flacons ou des tubes (voir revue de littérature partie 6,4) où un échantillon est puisé à un moment prédéterminé, obtiennent des valeurs D plus hautes. C’est le cas de Juneja et al. (1994 et 1998) où un échantillon de 0,2 ml est puisé dans un volume de 10 ml. Les valeurs D observées sont supérieures aux nôtres pour E. coli (Tableau 10), ce qui veut dire que ce microorganisme est plus résistant dans les travaux de Juneja et al. (1994 et 1998) Le phénomène est rencontré plusieurs fois dans certains ouvrages lorsqu’un grand volume de milieu est utilisé (Sorqvist, 1989; Teo et al., 1996; Ahmad et al., 2002a; Spinks et al., 2006; Oulheir et al., 2007). Le chauffage extérieur du flacon ou du tube et le transfert de chaleur non uniforme expliquerait la grande variation entre les valeurs D. En effet, les microorganismes en contact avec la paroi sont chauffés plus rapidement, plus longtemps, et ainsi tués plus efficacement, que ceux qui sont situés au centre du milieu (Mackey et al., 2006; Chung et al., 2007). Il a été aussi proposé que les cellules au centre, auraient le temps de produire des Hsp et deviendraient ainsi plus résistantes (Chung et al., 2007). C’est pourquoi la méthode des capillaires est souvent utilisée en milieu liquide parce que, selon plusieurs auteurs, les valeurs D obtenues par cette méthode pourraient refléter la résistance thermique intrinsèque de la culture bactérienne originale lors des traitements thermiques courts car la chaleur est répartie uniformément (Donnely et al., 1987 cité par Chung et al., 2007) et plus rapidement (Chung

et al., 2007). Toutefois, elle ne permet pas de démontrer l’effet protecteur que peut procurer

une matrice alimentaire. Dans l’étude de Chung et al. (2007), la souche E. coli K-12 est cultivée dans du bouillon trypticase soya (TSB) et de la purée de pomme de terre (15,38% p/p) est utilisée comme milieu lors du traitement thermique. La méthode utilisée est sensiblement la même que la nôtre, c’est-à-dire qu’ils utilisent aussi des capillaires. La différence principale survient lors de l’échantillonnage. Au lieu de broyer les capillaires dans de l’eau peptonée, la purée de pomme de terre est expulsée du tube avec 3 ml d’eau peptonée. Toutefois, il est très possible qu’une portion des microorganismes puissent être restés accrocher aux parois du tube lors du nettoyage, ce qui expliquerait en partie pourquoi leur valeur D60 est plus petite que les nôtres. Toutefois, la composition du milieu testé peut venir influencer la résistance thermique (Stringer et al., 2000; Jujena et al., 2001; se référer à la section 6,3 la de revue de littérature). L’influence du milieu testé sur la thermorésistance a déjà été observée dans d’autres études (Ahmed et al., 1995; Blackburn

et al., 1997; Pagán et al., 1998; Casadei et al., 1998; Pagán et al., 1999; Stringer et al.,

2000; Doyle et Mazzotta, 2000; Jujena et al., 2001). Il est reconnu que le gras a un effet protecteur en isolant les microorganismes. Il a été démontré que, durant un traitement thermique, une matrice contenant de la matière grasse permet d’augmenter la résistance thermique des organismes à l’étude (Juneja et Eblen, 2000). Puisque le ME et le BHI ne contiennent pas de matière grasse, on ne peut expliquer les différences entre les valeurs D du BHI/BHI et BHI/ME10 par ce facteur. Le pH pourrait toutefois avoir une influence puisque le BHI a un pH de 7,4 alors que le ME10 est à 5,6 soit voisin de celui de la viande maigre. La résistance thermique est plus élevée lorsque le microorganisme est chauffé dans un milieu correspondant à son pH optimal (habituellement entre 6 et 7; Pagán et al., 1999). C’est ce que l’on a observé avec E. coli testé dans BHI/BHI ou les valuers D sont signivivativement plus grnde que celles dans BHI/ME10 (P < 0,05). Pagán et al. (1999) ont déterminé la thermorésistance de Yersinia enterocolitica dans du tampon citrate-phosphate McIlvaine ayant un pH variant de 4 à 7. Lorsque le pH passe de 4 à 7, la valeur D58 passe de 0,39 min à 0,88. Des expériences ayant observé le même phénomène ont aussi été réalisées avec Map, L. monocytogenes, E. coli et Bacillus coagulans (Splittstoesser et al., 1996; Pagán et al., 1998; Palop et al., 1999; Sung et Collins, 2000; Edelson-Mammel et al., 2005). De plus, le BHI contient environ 6,5 % de chlorure de sodium ce que le ME ne contient pas (Sparks, 1998). Le sel permet d’abaisser l’Aw en interférrant avec la perméabilité et l’osmose de la cellule. Il a été démontré que 2% de chlorure de sodium à un pH de 6 augmentait la résistance thermique de E. coli (Oulkheir et al., 2007) On oberve aussi ce phénomène avec Map. Lorsque la mycobactérie est testé à 20 °C à un pH de 6, la valeur D, sans sel, est de 32,5 jours et est de 39,1 jours avec 6 % de sel (Sung et Collins, 2000).

L’effet significatif du milieu sur la valeur z est constaté seulement chez E. faecalis. La valeur z pour BHI/BHI (P < 0,05) est plus petite que le ME2/ME10 et le BHI/ME10. Il est fort probable que la composition du milieu testé influence aussi la sensibilité thermique. Cette observation a aussi été faite notamment avec Salmonella ssp. et Map (Dega et al., 1972; Sung et Collins, 1998; Doyle et Mazzotta, 2000). Selon Doyle et Mazzotta, (2000), la valeur z de S. enterica serovar Typhi dans le BHI est plus petite que dans le TSB. Plusieurs

expériences ont démontré que la diminution de l’activité de l’Aw a pour effet d’augmenter la résistance thermique (Doyle et Mazzotta, 2000). Les protéines sont plus stables lorsqu’elles sont séchées (Hansen et Riemann, 1963). Lorsque les protéines sont bien hydratées et qu’elles sont chauffées, les liaisons di-sulfure et hydrogènes des protéines sont rompues et ces dernières commencent à se dénaturer. Cependant, si le contenu en protéines diminue, le nombre de liaisons entre l’eau et les peptides diminuent aussi. De plus, briser la liaison entre l’eau liée et les protéines ou les peptides demande plus d’énergie, ceci expliquerait en partie pourquoi une augmentation de la résistance thermique est observée (Hansen et Riemann, 1963) lorsque l’activité de l’eau est basse. Mentionnons que pour la préparation du ME2 et ME10, il faut ajouter une très grande quantité de produit déshydraté dans un petit volume d’eau. Il y a un pourcentage d’eau beaucoup plus élevé dans le BHI (37 g de poudre/litre) que dans le ME (ME2; 16,7 g/100ml, ME10; 83,3 g/100 ml). Le BHI est par conséquent plus hydraté, ce qui suggère pourquoi sa valeur z est plus petite que celle du ME10. De plus, il a été démontré que le pH du milieu fait aussi varier la valeur z. En effet, la valeur z de B. coagulans dans un tampon McIlvaine varie de 8,9 à 10,5 °C lorsque le pH fluctue de 7 à 4.