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4. Caractéristiques physiologiques

4.2 Croissance et dissémination

4.2.4 Croissance in vivo dans les macrophages

C’est un fait bien établi que Map est un parasite intracellulaire facultatif qui a l’habileté de survivre et de se répliquer dans les vésicules des macrophages (Zurbrick et Czuprynski, 1987; Bannantine et Stabel, 2002; Tooker et al., 2002; Rumsey et al., 2006). Les macrophages sont des cellules du système immunitaire qui ingèrent les bactéries et autres particules étrangères par le processus de la phagocytose pour les détruire et les éliminer. Une vésicule enveloppe alors la bactérie suite à la phagocytose. Une fois rendue à maturation, la vésicule devient un phagosome dont le contenu commence à s’acidifier progressivement. Des lysosomes viendront se fusionner

avec ce dernier afin de digérer son contenu par les enzymes lysosomales (Tooker et al., 2002; Janeway et al., 2003). Par différents mécanismes encore mal compris, certaines bactéries comme

Mycobacterium ssp., Salmonella enterica serovar Typhi (S. typhimurium) et Listeria monocytogenes, ont développé les mécanismes nécessaires pour éviter la dégradation par les

macrophages (Abshire et al. 1993; Chastellier et al., 1994; Tooker et al., 2002). La principale hypothèse émise est que les mycobactéries ont la capacité d’arrêter la maturation de la vésicule et ainsi empêcher la fusion des lysosomes (Bannantine et Stabel, 2002; Tooker et Coussens, 2004; Rumsey et al., 2006). L’une des caractéristiques de Map est de perdre sa paroi cellulaire lorsqu’elle est soumise aux lysosomes ou encore à une thérapie aux antibiotiques. Sous cette forme, Map peut persister dans un macrophage et résister pendant une longue période puisqu’il n’est plus reconnu par le système immunitaire (Beran et al., 2006). La dépendance de Map pour la mycobactine est une contrainte pour sa survie. Lors d’une infection, les cytokines peuvent causer une limitation de la concentration intracellulaire en fer dans le macrophage, ce qui diminue le taux de croissance de la bactérie (Harris et Barletta, 2001). Les mycobactéries produisent alors les deux sidérophores discutés précédemment, la mycobactine et l’exochéline. Puisque Map ne produit pas de mycobactine, il dépend donc de la production de l’exochéline pour survivre. Cependant, le récepteur de la transferrine (protéine du transport du fer) chez l’hôte joue également un rôle important dans la survie du pathogène (Tooker et al., 2002). Ce récepteur est constamment recyclé entre la membrane plasmique du macrophage et du phagosome, permettant le transport de la transferrine et d’autres nutriments. La transferrine, une fois dans le phagosome, libère son fer dû au pH acide du milieu. Donc, ce processus continu, entre la transferrine et son récepteur, fournit le fer nécessaire pour la survie de la bactérie. Comme mentionné plus haut, il a été démontré que certaines souches de mycobactéries peuvent perdre leur dépendance à la mycobactine lorsque la concentration en fer est assez élevée (Lambrecht et Collins, 1992).

4.3 Séquençage du génome de Map

En 2005, un groupe de chercheurs du département de microbiologie de l’Université du Minnesota aux États-Unis a été en mesure de séquencer le génome complet de Map (Li et al., 2005). La souche utilisée dans cette étude était M. avium ssp. paratuberculosis K-10. Son génome est constitué d’un chromosome circulaire possédant environ 4 830 Kbp et un contenu en G+C de

69,3%. Ces quelques 4 830 000 bp codent pour 4 350 cadres de lecture ouvert (ORF), 45 ARNt et un opéron ARNr. Environ 1,5 % (72,2 Kbp) de son génome est constitué de séquences d’ADN répétées. L’analyse génomique a mis en évidence 17 copies de la séquence d’insertion IS900. De plus, 16 nouveaux éléments d’insertion ont été identifiés. Map K-10 possède des gènes avec des longueurs qui s'étendent de 114 pb (un gène codant pour une sous unité ribosomale) à 19 155 pb (peptide synthétase). L’ensemble de ces gènes représentent 91,5% du génome entier de Map (Li

et al., 2005; Sohal et al., 2007). Son génome code pour l’ensemble complet des enzymes de

nombreux sentiers métaboliques dont la glycolyse, la voie des pentoses phosphate, le cycle de Krebs et ces voies secondaires. Cependant, il y a certains gènes et sentiers métaboliques qui sont absents comme celui de la production de l’uréase7. Tel que mentionné, un caractère phénotypique de Map est son incapacité à produire de la mycobactine en laboratoire. L’importance du fer dans le transport des électrons et dans plusieurs sentiers métaboliques oblige la cellule à acquérir le fer par différentes voies. Un ensemble de gènes (locus mbt) est responsable de la production de la mycobactine et de l’acquisition du fer chez M. tuberculosis (Quadri et al., 1998). Un ensemble homologue de ces gènes a aussi été identifié chez Map ainsi que chez d’autres mycobactéries. Cependant, en comparant son génome avec celui de M. tuberculosis et M. avium, plusieurs différences ont été identifiées. Chez M. tuberculosis, deux gènes sont placés en aval du locus mbt l’un à côté de l’autre, mais sur des brins opposés. Chez Map et M. avium, il y a un saut d’environ 6 000 pb entre ces deux gènes. Toutefois, M. avium est capable de synthétiser la mycobactine, ce qui suggère que le saut de paires de base n’est pas le facteur limitant à la production de ce sidérophore chez Map. De plus, une mutation de changement de cadre est observée chez Map dans les gènes mbtB et mbtE, mais absente chez M. tuberculosis. M. avium a aussi ce genre de mutation dans son gène mbtB sans pour le moins empêcher la production de mycobactine. La cause possible de l’incapacité à produire la mycobactine par Map ne semble donc pas due à cette mutation, mais bien par une délétion dans le gène mbtA. Chez Map, ce gène produit un polypeptide de 400 acides aminés comparé à 565 et 551 chez M. tuberculosis et M. avium, respectivement. Il a ainsi été suggéré que le produit de ce gène, MbtA, initialiserait la cascade de réaction dans la synthèse de la mycobactine et qu’il serait le facteur prépondérant dans la dépendance à la mycobactine de Map puisque la protéine est tronquée. Cependant, cette

7 L’uréase est une enzyme qui hydrolyse l’urée en gaz carbonique et en ammonium. Elle est induite lorsque qu’il y a

un manque d’azote ammoniacal et requiert du nickel comme co-facteur pour son fonctionnement. Elle pourrait aussi intervenir dans la pathogénicité de certaines souches bactériennes (Pelmont, 1993; Burne et Chen, 2000).

hypothèse reste à vérifier. L’étude d’écrite ci-haut pourrait bien être la pierre angulaire de recherches futures basées sur la génétique, la virulence et la physiologie de Map dans le but de produire une nouvelle génération de tests de diagnostic pour la paratuberculose (Li et al., 2005).

4.3.1 La séquence d’insertion IS900

Map contient plusieurs copies (entre 14 et 20) de la séquence d’insertion IS900 dans son génome (Green et al., 1989; Collins, 1997; Doran et al., 1997; Naser et al., 1998; Bull et al., 2000; Hermon-Taylor et al., 2000; Legrand et al., 2000). Cette séquence d’insertion, décrite par McFadden et al. (1987) et Green et al. (1989), est très utilisée en génie génétique afin de détecter, par méthode PCR, la présence de Map (Green et al., 1989; Legrand et al., 2000; Bull et al., 2000; Jayarao et al., 2004). Les séquences d’insertion sont des « jumping genes ». Elles ont la capacité de s'insérer facilement dans divers organismes et de provoquer des modifications génétiques. De par leur nature, elles ne sont pas de bonne cible pour l'identification car elles ne sont pas conservées.

IS900 est le premier exemple de séquence d’insertion caractérisé chez les mycobactéries (Green

et al., 1989; Legrand et al., 2000; Harris et Barletta, 2001). Elle est composée de 1 451 pb (avec

un contenu en G+C de 66%) et elle possède des répétions inversées de part et d’autre de cet élément. Elle comprend également un cadre de lecture ouvert (ORF 1 197 pb) nécessaire à l’expression d’une séquence de 399 acides aminés homologue à la séquence d’insertion IS110 de

Streptomyces coelicolor A3 (Green et al., 1989; Doranet al., 1997; Legrand et al., 2000). Cette

séquence de 399 acides aminés correspond à la transposase8 p43 (46,5 kDa; Doran et al., 1997;

Naser et al., 1998). De plus, les gènes codants pour les transposases de IS900 et de IS901 identifiées chez M. avium (Legrand et al., 2000) ont une homologie de 60% et leur similarité en acides aminés est de 49%.

L’homologie de IS900 avec IS902 (Pagnout et al., 2006) est de 60% et 50% en acides aminés (Harris et Barletta, 2001). IS900 possèdent un second ORF sur le brin complémentaire à celui de la transposase, nommé hed (host expression dependent; Doran et al., 1997). La protéine encodée

8 La transposase est l’enzyme qui catalyse l’insertion d’un transposon (fragment mobile d’ADN) à un niveau site

(Hed) contient une région hydrophobe de neuf acides aminés ayant une homologie significative avec d’autres protéines de procaryotes et d’eucaryotes impliquées dans le transport de divers éléments essentiels (Harris et Barletta, 2001). Le gène hed, pour être fonctionnel, a besoin d’un promoteur, d’un site de liaison du ribosome (RBS) et d’un codon d’arrêt lors de son insertion dans le génome de Map. Cet élément vise des événements d’initialisation de la traduction en s’insérant entre le RBS et un codon de départ d’un gène. Ceci aligne le codon d’initiation du gène

hed à côté d'un RBS fonctionnel et probablement en aval d’un promoteur actif, conduisant à

l'expression de la protéine Hed (Doran et al., 1997). Cette protéine serait impliquée dans la pathogénicité de Map et de Mycobacterium silviticus (Doran et al., 1994).

En 1998, un fragment BamH19 de 3,2 kpb de Map contenant les 1 451 pb de la séquence d’insertion IS900 a été cloné dans deux plasmides (pcDNA II et pNEZ6.3) qui ont par la suite été introduits dans E. coli et M. smegmatis (mycobactérie à croissance rapide sans dépendance à la mycobactine; Naser et al., 1998). Une croissance lente de la bactérie recombinante M. smegmatis en milieu liquide Middlebrook 7H9 additionné d’OADC a été observée. La croissance rapide est restaurée lorsque la mycobactine ferrique J est ajoutée au milieu. Par contre, aucun effet sur la vitesse de croissance n’a été observé chez le E. coli recombinant. Lors des premières expressions de la protéine p43 (transposase) chez E. coli recombinant, l’expression a été immédiatement observée, à l’aide des anticorps anti-p43, ce qui empêche la transposition du fragment BamH1 et donc nuit à la croissance. Cependant, cette protéine est absente chez M. smegmatis recombinant. Ceci suggère que la séquence d’insertion IS900, ou bien les protéines encodées dans les gènes qu’il contient, est impliquée dans la dépendance à la mycobactine et probablement responsable du taux lent de croissance de M. avium ssp. paratuberculosis (Naser et al., 1998; Legrand et al., 2000).

Un article paru en 2002 rapporte la présence de la séquence d’insertion IS900 chez une autre espèce de mycobactérie isolée de vaches laitières en santé (Englund et al., 2002). L’analyse de l’ARNr 16S indique que cette bactérie serait Mycobacterieum cookii. La séquence d’insertion identifiée aurait une similitude de 94% avec la séquence en acides nucléiques d’IS900 de Map. Des résultats similaires ont été observés dans l’étude de Cousins et al. (1999). L’analyse des

ARNr 16S a démontré 70 % d’identité entre la séquence d’insertion retrouvée chez

Mycobacterium scrofulaceum et IS900. Ces résultats de recherche démontrent bien que IS900

n’est pas une cible adéquate pour la détection de Map par méthode PCR (Englund et al., 2002). Compte tenu de la nature mobile des éléments d’insertion, ceci n’a rien de surprenant.