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Chapitre 2 Recension des écrits

2.2 Dystrophie myotonique de type 1

2.2.4 Facteurs influençant l’adoption d’un comportement d’autogestion

Pour assurer l’efficacité des interventions d’ÉTP, les infirmières doivent connaître les différents facteurs pouvant influencer l’adoption, le maintien ou l’abandon d’un comportement d’autogestion, soit les facteurs prédisposants, facilitants ou de renforcement (diagnostic éducationnel et organisationnel). La faible motivation des personnes avec la DM1 a été soulevée par plusieurs auteurs comme faisant partie du tableau clinique de la maladie, celle-ci étant en lien avec les atteintes cognitives (Gallais, 2010; Harper, 2001; Harper, van Engelen, Eymard, Rogers, & Wilcox, 2002; van der Werf et al., 2003). Or, aucune étude n’a explicitement documenté les facteurs pouvant prédisposer la personne avec la DM1 à adopter un comportement d’autogestion. Néanmoins, nous pouvons explorer la motivation de la personne avec la DM1 à travers des facteurs les prédisposant à adopter des comportements d’autogestion tels que leurs besoins, leurs connaissances, leur niveau de littératie en santé et leurs croyances. Deux études qualitatives (Ontario et Québec) ont fait ressortir que les participants avec la DM1 percevaient des besoins relatifs à leur participation sociale et à leur autogestion (Chouinard, Gagnon, Lavoie, et al., 2009; LaDonna & Venance, 2015). Plus particulièrement, elles aimeraient se sentir valorisées, être perçues comme des membres utiles pour la société, réaliser davantage de loisirs, s’accomplir dans un emploi et être proactives dans la gestion de leur santé.

Les connaissances des personnes avec la DM1 sur leur maladie ont été documentées dans trois études (Faulkner & Kingston, 1998; Laberge et al., 2010; LaDonna et al., 2015). Il ressort de ces études que les personnes avec la DM1 ont de bonnes connaissances de base de la maladie (maladie héréditaire, manifestations les plus

courantes), mais n’ont pas les connaissances spécifiques pour déterminer si un problème de santé est lié ou non à la DM1 et pour bien comprendre les aspects génétiques de la maladie. Les connaissances spécifiques aux aspects liés à l’autogestion n’ont pas fait l’objet d’une étude spécifique.

La littératie en santé se rapporte à la capacité pour une personne de trouver, de comprendre, d’évaluer et d’utiliser de l’information liée à la santé de sorte à prendre une décision éclairée dans diverses situations pour maintenir ou améliorer sa qualité de la vie (Association canadienne de santé publique, 2014; Sørensen et al., 2013). Actuellement, aucune étude n’a documenté le niveau de littératie en santé des personnes avec la DM1. Toutefois, LaDonna et al. (2015) ont soumis l’hypothèse que leur littératie en santé serait compromise. Ces auteurs appuient cette hypothèse sur la présence d’atteintes cognitives, d’une apathie et d’un faible niveau d’éducation souvent présents chez les personnes avec la DM1. Une littératie en santé compromise peut entraver la capacité de la personne de participer à la prise de décision partagée (Charles, Gafni, & Whelan, 1997).

Aucune étude n’a porté spécifiquement sur les croyances des personnes avec la DM1 et leurs répercussions. Quelques fausses croyances ont cependant été identifiées, telles que la croyance qu’un dispositif d’assistance respiratoire pouvait aider à diminuer les problèmes liés à la dysphagie (LaDonna et al., 2015) ou encore que la pratique d’activité physique pouvait endommager les tissus musculaires ou nerveux (LaDonna et al., 2015; Schillings et al., 2007). Pourtant, l’efficacité de l’exercice aérobique est reconnue pour améliorer en toute sécurité la santé cardiovasculaire, l’endurance et les activités de la vie quotidienne chez cette population (Orngreen, Olsen, & Vissing, 2005; Roussel, Hébert, & Duchesne, 2020);

Les facteurs facilitant ou limitant la réalisation d’un comportement d’autogestion sont liés aux habiletés des personnes, ou aux compétences psychosociales (World Health Organization, 2003a) et aux ressources du système de santé (Green & Kreuter, 2005). Les habiletés cognitives comprennent la capacité d’une personne à prendre des décisions, à résoudre des problèmes, à avoir une pensée critique et à s’autoévaluer (World Health Organization, 2003a). Selon plusieurs études, les habiletés cognitives des personnes avec la DM1 présentant le phénotype adulte peuvent être altérées, résultant de diverses atteintes,

telles qu’un fonctionnement intellectuel dans la limite normale de la population (Colombo, Perini, Miotti, Armani, & Angelini, 1992; Jean, Richer, & Mathieu, 2007; Sistiaga et al., 2010), un déclin progressif du fonctionnement intellectuel avec le temps (Gallais, Gagnon, Mathieu, & Richer, 2017; Jean et al., 2007) et une atteinte des fonctions exécutives (Meola et al., 2003; Modoni et al., 2004; Sistiaga et al., 2010). Il est reconnu qu’une atteinte de ces fonctions entraine chez cette population des difficultés de flexibilité mentale (Meola et al., 2003; Sistiaga et al., 2010), de la persévération4 (Harper, 2001; Meola et al., 2003), des difficultés dans la planification (Meola et al., 2003; Sistiaga et al., 2010), une faible autocritique (Bird, Follett, & Griep, 1983) et une difficulté avec le raisonnement logique à partir d’éléments abstraits (Antonini et al., 2006; Meola et al., 2003; Sistiaga et al., 2010). Sont également associés à l’atteinte des fonctions exécutives la présence d’apathie (Gallais et al., 2015; van der Werf et al., 2003), le manque d’initiative (Bostrom & Ahlstrom, 2004; LaDonna, 2011) et une faible motivation (van der Werf et al., 2003). La mémoire serait également altérée chez les personnes avec la DM1 (Antonini et al., 2006; Meola et al., 2003; Modoni et al., 2004; Sansone et al., 2007; Smith, McMullen, Jensen, Carter, & Molton, 2014), ce qui peut limiter les capacités d’apprentissage et l’adoption d’un comportement d’autogestion.

Les habiletés émotionnelles concernent la gestion du stress et la régulation des émotions (World Health Organization, 2003a). Or, une méta-analyse récente (van der Velden et al., 2019), incluant 1 267 personnes avec la DM1 réparties dans 36 études, a démontré une prévalence de 18 % de symptômes dépressifs, 19 % de symptômes anxieux et 55 % d’apathie. Ces prévalences sont toutes supérieures à celles observées chez des personnes en santé. Ces chercheurs ont néanmoins émis l’hypothèse que la réponse émotionnelle dépressive pourrait être atténuée par une indifférence émotionnelle induite par l’apathie.

Les habiletés sociales réfèrent à la capacité d’une personne à obtenir du soutien social (Fonte, Apostolidis, & Lagouanelle-Simeoni, 2014; World Health Organization, 2003b). Plusieurs études documentent les difficultés rencontrées dans les interactions sociales des personnes avec la DM1. Ces difficultés peuvent découler, entre autres, d’un

4 La persévération est la tendance pour une personne à maintenir ou à répéter le même comportement, la

dysfonctionnement de la théorie de l’esprit (Kobayakawa, Tsuruya, & Kawamura, 2012). Cette dernière permet d’interpréter, de prédire et d’anticiper les comportements d’autrui et s’avère essentielle aux interactions sociales (Frith & Frith, 1999). Les résultats de l’étude de Kobayakawa et al. (2012) indiquent que non seulement les décodages verbaux et visuels sont affectés dans la DM1, mais également la compréhension des états mentaux des autres personnes. Ainsi, les personnes avec la DM1 auraient de la difficulté à reconnaitre des émotions négatives telles que la peur, la surprise, la colère ou le dégoût chez une autre personne (Kobayakawa, Tsuruya, Takeda, Suzuki, & Kawamura, 2010; Winblad, Lindberg, & Hansen, 2006). De plus, les habiletés sociales pourraient être compromises par la présence d’une rigidité cognitive (Meola et al., 2003; Sansone et al., 2007; Sistiaga et al., 2010), d’une apathie (Gallais et al., 2015; van der Werf et al., 2003), de certains troubles de la personnalité tels qu’une personnalité impulsive (Meola et al., 2003), dépendante (Peric et al., 2014), paranoïde (Peric et al., 2014; Sistiaga et al., 2010), agressive/sadique (Sistiaga et al., 2010), passive (Delaporte, 1998) et antisociale (Sistiaga et al., 2010). Finalement, une altération du langage (Meola et al., 2003; Modoni et al., 2008) pourrait limiter la personne avec la DM1 dans ses communications avec autrui.

Une personne doit posséder certaines habiletés motrices pour performer dans une tâche. Or, une atteinte des habiletés visuoconstructives (Meola et al., 2003; Sansone et al., 2007; Sistiaga et al., 2010); la présence de faiblesses musculaires (Kierkegaard, Harms- Ringdahl, Widén Holmqvist, & Tollbäck, 2009), d’un trouble de l’équilibre (Smith et al., 2014) et de myotonie (Harper, 2001; Heatwole et al., 2012) sont des facteurs pouvant limiter l’autonomie de la personne avec la DM1 dans la réalisation de ses activités.

Parmi les ressources du système de santé agissant comme facteur facilitant, la CMNMJ du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du SLSJ a développé une organisation des soins et des services autour d’infirmières ayant un rôle d’intervenante pivot avec une fonction de gestion de cas (Chouinard et al., 2015; Gagnon, Chouinard, Lavoie, & Champagne, 2010; Lavoie, 2010). Cependant, aucune étude n’a exploré comment ceci pouvait faciliter ou non l’autogestion des personnes avec la DM1 de leur santé et, plus particulièrement, comment le processus éducationnel était réalisé par les professionnels de la santé pour soutenir cette autogestion.

Les facteurs de renforcement qui peuvent contribuer au maintien, à la répétition ou à l’élimination du comportement sont le soutien social, l’influence des pairs, les conseils et les rétroactions des professionnels de la santé ainsi que les conséquences physiques, émotionnelles et sociales du comportement (Green & Kreuter, 2005). Tel que présenté précédemment, les réseaux de soutien familial et social des personnes avec la DM1 apparaissent limités; alors, peu de personnes de leur entourage peuvent les soutenir dans l’adoption, le maintien d’un comportement d’autogestion ou la cessation d’un comportement défavorable. De plus, le grand public et la plupart des prestataires de soins de santé connaissent peu cette maladie rare (LaDonna et al., 2015). Dans la région du SLSJ, l’organisme Dystrophie Musculaire Canada (DMC) offre des services pour soutenir l’autonomie et la participation sociale des personnes avec une maladie neuromusculaire (DMC, n. d.), mais aucun groupe de soutien formel n’y est offert.

2.2.5 Conséquences des problèmes de santé et incapacités sur la qualité de vie des personnes avec la DM1

La présence d’atteintes multisystémiques observée chez les personnes avec la DM1 a une incidence significative sur les plans physique, émotionnel et social, compromettant par le fait même leur qualité de vie (diagnostic social) (Kobayakawa et al., 2010; Laberge et al., 2013). Cela s’explique notamment par : 1) une altération du bien-être physique (Bostrom & Ahlstrom, 2004; Cup et al., 2011; Gagnon, 2007; Gagnon et al., 2008) et psychosocial (Cardol et al., 2002); 2) un isolement social (Antonini et al., 2006; Cup et al., 2011; Laberge et al., 2007; Natterlund, Gunnarsson, & Ahlstrom, 2000); 3) une diminution des opportunités de s’accomplir (Chouinard, Gagnon, Lavoie, et al., 2009); 4) une stigmatisation de la part de la population générale (Cup et al., 2011; Lavoie, Chouinard, Gagnon, & Bouchard, 2009; Portwood, Wicks, Lieberman, & Fowler, 1984); 5) un faible taux d’emploi (Andries et al., 1997; Fowler et al., 1997; Landfeldt et al., 2019) et d’éducation (Veillette, Perron, Mathieu, Prévost, & Hébert, 1992); 6) une altération de l’apparence physique (Bostrom & Ahlstrom, 2004; Harper, 2001; LaDonna & Venance, 2015; Landfeldt et al., 2019; Lord, 2004); et 7) une vision défaitiste de l’avenir (Bostrom & Ahlstrom, 2004; Chouinard, Gagnon, Lavoie, et al., 2009).

2.2.6 Capacité et ressources de la Clinique des maladies neuromusculaires de