• Aucun résultat trouvé

3. La phase chirurgicale

3.1. Le guide chirurgical

3.1.3. Fabrication d’un guide chirurgical

Dans une approche classique, nous verrons d’abord la méthode de fabrication indi- recte telle qu’elle est réalisée par le laboratoire Sicat®. Nous nous attacherons en- suite, plus dans l’idée d’un traitement implantaire « de A à Z » au cabinet dentaire, à la méthode de fabrication directe par la machine-outil CEREC®.

En fonction du type de guide choisi et du choix de la méthode de fabrication, nous avons vu précédemment que l’on pouvait utiliser au total cinq types de guides pro- posés par l’entreprise Sirona® : le Classic Guide® (conventionnel, direct, ou pour un édentement total), l’Optiguide®, et enfin le Cerec Guide®.

98

3.1.3.1. Les guides chirurgicaux issus de la méthode indi- recte

Par opposition aux guides directement fabriqués au cabinet, nous parlerons ici des guides que l’on obtient par le procédé de l’impression tridimensionnelle.

3.1.3.2.1 L’impression tridimensionnelle

Deux méthodes existent pour obtenir un objet par impression tridimensionnelle : la

stéréolithographie (SLA), et une autre technique similaire, le frittage sélectif par laser (SLS ou Selective Laser Sintering). En chirurgie implantaire guidée, la SLA

est la technique la plus fréquemment utilisée. On parle de « fabrication additivei » : cette méthode de fabrication commandée par ordinateur est largement utilisée dans

i Le terme précédemment employé était celui de « prototypage rapide ».

Fig. 84. Sur cette photo se mêlent ClassicGuide® (en haut à gauche), Optiguide® (en haut à droite), fabriqués au laboratoire Sicat®, et Cerec Guides, fabriqués au cabinet dentaire (Guides issus de cas cliniques du Dr Bertrand Dinahet).

99 l’industrie (domaine aéronautique, médical…) et permet d’obtenir un objet solide à partir d’un modèle numérique. Dans les deux cas, le logiciel de la machine va récu- pérer le fichier STL de l’objet 3D puis le découper en un nombre de strates corres- pondant à la résolution choisie. L’objet va ensuite être créé couche par couche à l’aide d’un laser.

La différence entre les deux techniques réside dans la nécessité d’une phase liquide (une cuve de résine polymérisable dans le cas de la SLA) ou non (création directe de l’objet par frittage d’une poudre dans le cas de la SLS).

Fig. 85. Schéma explicatif du procédé de la stéréolithographie (site internet de l’Insti- tut de Formation Technique Supérieur, Université de Reims)44.

Cette méthode d’impression 3D, utilisée pour la réalisation de guides chirurgicaux, va également être utilisée pour créer des modèles de travail issus d’empreintes nu- mériques. On notera que l’objet obtenu par la SLA sera translucide tandis que celui issu de la SLS sera opaque.

La pièce en résine réalisée, il ne reste plus qu’à placer les fûts métalliques corres- pondant aux canons de forage des instruments de forage pour obtenir le guide chi- rurgical tel qu’il sera utilisé par le chirurgien. Des douilles pour l’utilisation de cla- vettes ou vis de fixation peuvent également être placées si l’indication de leur utili- sation a été posée lors de la planification initiale.

100

3.1.3.2.2 Les guides chirurgicaux fabriqués par Sicat®

Dans le concept « CEREC meets GALILEOS »® que nous avons choisi d’étudier, la commande du guide chirurgical va se faire auprès de la société Sicat® qui va pro- duire deux types de guides : l’Optiguide® et le Classicguide®.

3.1.3.2.2.1 Les guides chirurgicaux ClassicGuide®

Ces guides sont transformés en guides chirurgicaux au laboratoire Sicat sur la base du guide radiologique et de l’aquisition radiographique tridimensionnelle réalisés au cabinet.

Leur appui sera dentaire ou muqueux, avec une possibilité de stabilisation par des clavettes d’ancrage ou par des mini-vis.

Pour la commande d’un guide chirurgical ClassicGuide®, il faudra envoyer 4 élé- ments : les données de planification 3D (format CD), le guide radiologique, le modèle en plâtre et les formulaires de commande.

Fig. 86. Une partie de l’os frontal est ici reconstruite en céramique selon le procédé de la stéréolithographie : par couches successives, un laser vient polymériser une pâte composée de résine photosensible et de céramique (AFP, Pascal Lachenaud, 3D Ceram).

101 Ci-dessous, un exemple de guide radiologique ClassicGuide® direct transformé en guide chirurgical, avec pose de l’implant en lieu et place de 12 (Fig. 87a et 87b).

3.1.3.2.2.2 L’Optiguide®

Cette méthode se passe théoriquement de modèle en plâtre : un scan optique et les données radiologiques suffisent pour laisser au laboratoire le soin d’élaborer le guide. Cependant, il reste tout de même possible d’envoyer un modèle en plâtre qui sera scanné chez Sicat®.

Fig. 87a. Remplacement de 12 par un implant à l’aide d’un guide chirurgical ClassicGuide® direct (Cas clinique du Dr Frank Orlando).

102 Dans tous les cas, les techniciens du laboratoire vont travailler à partir du formulaire de commande édité à l’issue de la planification implantaire.

Ce type de guide est indiqué uniquement dans les cas où le support dentaire est fa- vorable. Cela peut se produire lorsque l’édentement concerne 1 à 2 dents, voire plus en cas de bon appui dentaire, préférentiellement en secteur encastré.

Dans les cas où l’appui dentaire n’est pas suffisant, ce guide peut permettre le pas- sage de forets guides, pour guider le praticien dans les premières étapes de la chi- rurgie (exemple : Fig. 88, le fût guide est désigné par la flèche).

Fig. 88. Exemple d’un Optiguide®, édentement intéres- sant 4 dents (Cas clinique du Dr Bertrand Dinahet).

103

Discussion à propos des guides chirurgicaux Sicat :

Avantages :

- Avantages liés à l’utilisation d’un guide chirurgical (détaillés plus précisé- ment au chapitre 6.1) : précision, temps économisé au fauteuil, suites opéra- toires amoindries si la chirurgie est réalisée sans lambeau.

- Discussion possible avec les techniciens de chez Sicat®, ainsi qu’avec des praticiens spécialistes dans le domaine de l’implantologie.

Inconvénients :

- La méthode de l’Optiguide® est séduisante mais elle nécessite des radio- graphies le plus possible exemptes d’artefacts métalliques. Ces derniers sont cependant fréquemment retrouvés dans la bouche du patient (couronne mé- tallique, inlay-core, etc).

- Le coût des guides chirurgicaux commandés chez Sicat® n’est pas négli- geable, ce procédé peut même s’avérer très onéreux. Par exemple, si on prend l’exemple du guide ClassicGuide® pour édenté complet, il en coûtera un total de presque 600 euros, répartis de la manière suivante :

- guide radiologique : 40 euros - frais de livraison : 15 euros

- réplique de la prothèse amovible par le prothésiste : 200 euros - coût du guide chirurgical élaboré chez Sicat : 330 euros

Cependant, il est important de noter que la pratique de l’art dentaire rentre dans une logique où le temps et l’argent sont bien corrélés entre eux : cet in- vestissement va être amorti par le temps économisé au placement de 6 à 8 implants, et transformé en valeur ajoutée par la précision gagnée, le temps et les suites opératoires amoindries pour le patient.

104

3.1.3.2. Les Guides chirurgicaux fabriqués directement au cabinet dentaire

L’emploi de résine thermoplastique pour la conception rapide d’un guide chirurgical a été décrit pour la première fois en 200545, via le système EZ-Stent® (Applied Den- tal). Auparavant, on les réalisait par moulage sous vide, de la même manière que l’on fabrique des gouttières par exemple.

Ce système ne faisait cependant pas appel à l’imagerie cone-beam : un forage était ré- alisé directement dans le modèle en plâtre, à main levée, à l’emplacement idéal (trajec- toire et position). Puis une tige guide était insérée pour valider ou invalider (et modi- fier) le forage (Fig. 89). La résine thermo- plastique EZ-stent®, qui contient un man- chon métallique, était ensuite réchauffée dans de l’eau chaude, puis déposée autour de la tige et étalée intimement sur les dents pour créer l’appui dentaire (Fig. 90b). Après refroidissement et stérilisation, le guide était prêt à l’emploi (Fig. 90c et d).

Fig. 90a Fig. 90b Fig. 89. L’EZ-stent® dans son aspect

105 C’est à partir de ce constat et de cet exemple que l’on peut mesurer l’importance des progrès accomplis grâce à l’avènement du cone-beam en cabinet dentaire, puisque nous sommes passés d’un guide chirurgical issu d’une planification « à la main » à une planification totalement corrélée à l’os sous-jacent. Si cette corrélation de don- nées tridimensionnelles radiologiques avec la planification prothétique est possible de manière très intuitive et facilitée depuis plus d’une vingtaine d’années (depuis la création du logiciel Simplant en 1993), le concept « CEREC Meets GALILEOS », asso- cié à la production d’un Cerec Guide®, nous apporte une solution très intéressante car réalisable directement au cabinet (« chairside »). Une étude menée par Ritter et al. en 2009 a montré que la procédure de correspondance entre des données radio- logiques issues d’un cone-beam avec des surfaces enregistrées à partir d’une caméra optique intrabuccale était une procédure précise46.

Nous avons vu précédemment que l’on pouvait planifier la position d’un implant et partir sur la production d’un guide chirurgical Cerec Guide® en exportant les don- nées issues de GALILEOS® Implant vers le logiciel CEREC SW®.

Après cette exportation des données (passage d’un fichier .cmg à un fichier .dxd), l’ouverture de ce fichier par le logiciel CEREC SW® fait apparaître à l’écran le corps de guidage, visible dans son bloc par transparence (Fig. 91).

106 Le bloc que l’on va utiliser pour fabriquer le corps de guidage est un bloc pré-percé, objectivable par un cylindre rouge sur la visualisation. Sa taille doit correspondre à la taille du corps de référence utilisé initialement (Fig. 92), par exemple un bloc de taille M si on a utilisé un corps de référence de taille M.

107 Le bloc peut alors être fixé à son emplacement dans la chambre d’usinage de la ma- chine-outil CEREC® : l’opération va durer une dizaine de minutes, et nécessiter l’emploi de deux fraises de 20mm (non pas celles de 12mm) (Fig. 93).

Fig. 93 Fig. 92

108 Après l’usinage, la petite tige reliant le corps de perçage au reste du bloc est décou- pée. Le corps de référence peut alors être remplacé par le corps de perçage. Sur une maquette en résine thermoplastique (Fig 94), on va le coller avec une colle adaptée à un usage intraoral, de type cyanoacrylate médical, tandis que sur une maquette en résine de type Duroc Clear®, le fabricant conseille l’utilisation d’un adhésif de type Heal Bond Duo SE®, appliqué sur les deux pièces à assembler.

Les excès de résine sous le trou de perçage doivent être retirés. On peut le faire avec un scalpel, ou simplement en utilisant un bistouri circulaire que l’on utilise en cas de chirurgie sans lambeau (« flapless », voir chapitre suivant), à un faible nombre de tours par minute (Fig. 95). On notera qu’il est préférable de réaliser le collage avant de retirer l’excès de résine, pour éviter toute déformation de la maquette en résine, empêchant la bonne insertion du corps de perçage47,48.

Après cette étape, le guide est prêt à l’emploi. Il conviendra, en dernier lieu, de véri- fier que le guide se positionne bien en bouche, sans basculement ni jeu.

Fig. 95 (Photographie : www.cerecdoctors.com)

109 Avantages du Cerec Guide® :

- intéressant dans les cas d’édentements unitaires, pour lesquels son faible coût (environ 40 euros de consommables) et sa simplicité de réalisation peu- vent être vecteurs de la généralisation de l’acte implantaire dans l’activité omnipratique ;

- absence de délai de fabrication, par rapport à un guide chirurgical usiné par stéréolithographie ;

- relativement peu de temps nécessaire à sa fabrication ;

- intéressant dans les cas d’édentation-implantation immédiate ; - possibilité de chirurgie flapless (vue dans le chapitre suivant).

Limites du Cerec Guide :

- même si la procédure en elle-même est peu onéreuse, elle nécessite évidem- ment un fort investissement initial en terme de matériel (usineuse, unité d’empreinte optique, cone-beam, blocs…) et en terme de temps ;

- Limité dans les cas d’édentement multiple supérieurs à 2 dents manquantes contiguës, en raison du volume qu’occupent les corps de référence (Fig. 96). On dépassera rarement 4 à 5 corps de référence sur deux hémi-arcades ;

Fig. 96. Il est ici impossible de placer un corps de référence supplémentaire en distal ou en mésial de l’édentement, à cause de la place occupée par les branches du « T » des corps de référence.

110 - A partir d’un nombre d’implants à poser supérieur à 2 ou 3, le rapport coût/bénéfice du procédé Cerec Guide® (coût des blocs et des corps de réfé- rence) baisse au profit d’un procédé de chirurgie guidée comme l’Opti- guide® ;

- Le guide n’offre pas la possibilité de positionner l’implant : il permet seule- ment le passage de l’ensemble des forets. Cette étape limitante peut alors entraîner une légère variation de la position de l’implant, en comparaison avec une chirurgie entièrement guidée, comme retrouvée sur les guides chi- rurgicaux Sicat® par exemple, mais aussi la grande majorité des guides créées par stéréolithographie (guides chirurgicaux Navigator® (Biomet 3i®), guides chirurgicaux NobelGuide® (NobelBiocare®)…) ;

- Méthode assez « artisanale », autant dans sa réalisation que dans son aspect final ;

- Méthode encore peu documentée en études cliniques rapportant la préci- sion de l’usinage d’un corps de guidage dans des blocs CEREC®, ou encore la précision finale dans la pose de l’implant, où il est vivement conseillé par exemple d’étendre la résine à un nombre important de dents sur l’hémi-ar- cade, pour ne pas avoir de problèmes liés à la stabilité du guide.

3.1.3.3. Une nouvelle perspective en matière de guide chi- rurgical usiné au cabinet : le Cerec Guide 2

L’IDS (International Dental Show) 2015 à Cologne a été l’occasion pour Sirona® de présenter l’évolution, et peut-être le rempla- çant du Cerec Guide® : le Cerec Guide 2® (Fig. 97). Testé récemment et pour la pre- mière fois en France par le Dr Bertrand DI- NAHET, Il fait appel à la nouvelle version du

logiciel CEREC SW (la 4.4) et s’appuie sur les mêmes bases que son prédécesseur : Fig. 97. Cerec Guide 2®.

111 une empreinte optique corrélée à une radiographie 3D (les étapes de la planification implantaire sont exactement les mêmes : sélection et mise en place virtuelle de l’im- plant, réglage de la valeur D2, etc). La différence se situe au niveau de sa fabrication (Figures 98), qui voit son usinage entièrement réalisé par la machine-outil CEREC® dans de nouveaux blocs (Cerec Guide Bloc® de plus grande taille), laissant pour la première fois le « design » du guide au praticien. Cette méthode promet donc de se passer entièrement des modèles en plâtre, ainsi que des corps de référence/corps de perçage.

Une première limite est à noter : pour l’instant, cette technique ne permet que la conception d’un guide pour implantation unitaire. Ceci est lié au nombre d’axes (3) des usineuses de cabinet actuelles qui n’autorise pas le perçage de plusieurs orifices de forage.

Au laboratoire, la MCX5 et ses 5 axes peut, elle, repousser cette limite.

Fig. 98a. Empreinte optique. Fig. 98b. Réglage de l’épaisseur du guide.

112

Remarque :

Cette technique de guide chirurgical dont le design se fait directement sur l’empreinte optique est également possible depuis peu via le logiciel 3shape® Implant StudioTM, du concurrent TRIOS® (Fig. 98h).

Fig. 98f et g. Vue clinique après usinage : cuillère de forage (98f) et foret terminal (98g) en place.

Fig. 98h Fig. Fig. 98e. Vue du guide dans son bloc

113