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L’utilisation première de l’imageur portal est la réalisation d’une image anatomique du patient afin de vérifier son positionnement sous le faisceau. Cependant, l’acquisition d’un cliché en cours de traitement contient, en plus de l’information morphologique du patient, une information sur le traitement administré, et il est possible d’utiliser l’EPID pour des applications de dosimétrie. Les informations reportées ici sont issues de l’article de revue d’Antonuk datant de 2002 (95), et des sections 14.3.2.2 et 40.1 du Handbook of Radiotherapy Physics : Theory and Practice (6).

La majorité des EPID sont aujourd’hui des détecteurs au silicium amorphe. Ils sont composés d’une fine couche en métal (généralement du cuivre) qui convertit les photons de haute énergie en électrons Compton, d’un écran phosphore (Gd2O2S:Tb) qui émet de la lumière visible par scintillation suite à l’ionisation due au passage des électrons, et d’une matrice de détection 2D avec des pixels de l’ordre de 500 μm. Un pixel, intégré dans le silicium amorphe, est un couple composé d’une photodiode et d’un transistor à effet de champ qui permet de contrôler la décharge de la photodiode. Le principal inconvénient de ces imageurs, pour les applications dosimétriques, est la présence du phosphore de densité électronique élevée qui rend l’EPID plus sensible que l’eau aux photons de basse énergie. Egalement, la profondeur équivalente de mesure est de 9 mm, donc dans le build-up où l’incertitude sur la mesure de la dose est plus importante car d’une part l’équilibre électronique longitudinal n’est pas établi et d’autre part le gradient de dose est important. La mesure est donc influencée par l’orientation du panneau par rapport à l’axe du faisceau. Des phénomènes de retard d’image (Image Lag) et de rémanence (Ghosting Effect) existent aussi. Enfin, le rétrodiffusé n’est pas homogène sur toute la surface puisque différentes pièces sont positionnées sous l’imageur, et en particulier le bras qui relie l’imageur à l’accélérateur.

A partir d’une acquisition, trois images différentes peuvent être produites :

- l’image brute. La valeur d’un pixel de l’image est proportionnelle à l’énergie déposée dans la

photodiode correspondante.

- l’image en niveau de gris, déterminée à partir de l’image brute à laquelle trois corrections sont

appliquées. En premier, les pixels défectueux sont corrigés par interpolation des pixels voisins (« pixel default map »). Puis l’image du bruit de fond (« Dark Field » ou « offset ») est soustraite. Et enfin, les différences de gain des couples photodiode-transistor sont corrigées. Pour cette dernière correction, l’image acquise pour la plus grande taille de champ est exploitée (image « Flood Field » ou gain), en considérant que celle-ci est acquise avec un faisceau homogène alors qu’en réalité le faisceau présente des « cornes ». Cette hypothèse est acceptable pour le repositionnement du patient, elle ne l’est pas pour les applications dosimétriques.

- l’image en dose, aussi appelée dose portale,qui correspond à la dose qui serait déposée à une profondeur de 9 mm dans un volume d’eau qui serait placé au niveau de l’EPID à la place de celui-ci. Il n’y a pas de proportionnalité entre l’image en niveau de gris et l’image en dose, d’une part à cause de la correction de gain qui repose sur l’hypothèse de faisceau homogène et d’autre part à cause des propriétés de l’EPID :

o l’EPID est composé de matériaux de numéros atomiques et de densité électroniques supérieurs à ceux de l’eau. L’énergie déposée par les photons de basse énergie dans le volume sensible correspondant à un pixel du détecteur est nettement plus importante que celle qui aurait été déposée dans ce même volume sensible positionné dans un volume d’eau. La réponse de l’EPID surestime la contribution des photons de basse énergie. Les photons de basses énergies qui atteignent le détecteur sont principalement les photons diffusés issus d’interactions dans le patient, dont la proportion par rapport aux photons

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primaires dépend de la taille de champ et de l’épaisseur du patient. De plus, la proportion du diffusé n’est pas homogène spatialement : elle est moins importante au centre du faisceau qu’en périphérie, et la forme de cette décroissance évolue avec la distance entre la sortie du patient et le détecteur.

o le retard d’image et la rémanence entraînent également des non linéarités entre la mesure en niveau de gris et la dose. La conséquence est une dépendance au débit de dose et, pour des faisceaux de petits nombre d’UM (< 10 UM), à la quantité de dose déposée.

o l’acquisition séquentielle de l’image, typique d’un capteur plan (96), peut aussi être à l’origine de non linéarité avec le débit de dose et la durée de l’irradiation.

Ainsi, pour déduire l’image en dose à partir de l’image en niveau de gris, des corrections tenant compte de la taille de champ, de l’épaisseur du patient ou de son anatomie réelle, de la distance entre la sortie du patient et le détecteur, du débit de dose, du nombre d’UM et de la durée d’irradiation doivent être appliquées. Cette opération est donc délicate et repose sur un étalonnage dosimétrique de l’EPID basé sur des mesures acquises dans différentes conditions, avec une chambre d’ionisation placée dans un volume d’eau positionné au niveau de l’EPID.

Les mesures réalisées avec l’imageur portal pendant l’irradiation du traitement permettent une évaluation de la dose délivrée au patient. Les différentes approches vont être très brièvement décrites ici, les informations complètes peuvent être trouvées dans l’article de revue de W. Van Elmpt sur l’utilisation des EPID pour la dosimétrie, datant de 2008 (67). Des travaux plus récentes sont également résumés par McCurdy en 2013 (97). Trois méthodes existent :

- la première méthode est une comparaison au niveau de l’EPID. Deux stratégies sont possibles. L’image en niveau de gris peut être prédite à l’aide d’un logiciel dédié non commercial (simulation de Monte-Carlo par exemple) et comparée à l’image acquise par l’EPID. Ou bien l’image acquise par l’EPID en niveaux de gris est convertie en image en dose, comme décrit précédemment, puis comparée à la dose prédite par le TPS.

- une autre approche consiste à calculer la dose dans le patient par rétroprojection de la mesure obtenue au niveau de l’imageur portal. Cette méthode est appelée méthode de rétroprojection ou encore dosimétrie in vivo de sortie. La première étape consiste à convertir l’image en niveau de gris en image de dose. Puis cette dose est rétroprojetée, pour obtenir la dose à une profondeur donnée dans le patient ou dans un fantôme, tenant compte de l’effet de l’inverse carré des distances, de l’atténuation et de la diffusion des photons dans le patient.

- enfin, la dernière approche consiste à déterminer la fluence délivrée par l’accélérateur pour ensuite reconstruire la dose en 3D dans le patient. Deux approches sont possibles. La première exploite l’image intégrée et consiste à estimer, à partir de l’image en dose au niveau du détecteur, la fluence primaire atteignant le détecteur, par exemple à l’aide d’un calcul itératif de la contribution des photons diffusés dans le patient ou par calcul Monte-Carlo. Cette fluence primaire est dans un second temps rétroprojetée par correction de l’inverse carré des distances et de l’atténuation à travers le patient, à l’aide des données anatomiques du patient, pour obtenir la fluence délivrée par l’accélérateur en amont du patient. Les données anatomiques utilisées sont soit celles du scanner de référence soit celles du CBCT du jour. Le dépôt de dose en 3D dans le patient est alors calculé, soit à l’aide du TPS, soit en utilisant d’autres algorithmes de dépôt de dose. La deuxième approche exploite les « images instantanées » en niveau de gris et consiste à déterminer la forme du champ d’irradiation à chaque instant. La fluence primaire intégrée peut donc être déterminée et utilisée pour effectuer le calcul de dose 3D.

En 25 ans de recherche, les techniques de dosimétries in vivo portal se sont largement répandues et diversifiées et présentent des résultats prometteurs. L’équipe du Netherland Cancer Institute (NKI) est particulièrement active sur le sujet et pratique la dosimétrie in vivo portal en routine clinique pour les traitements modulés ou non depuis déjà plusieurs années (98–101). Au niveau national, la SFPM a publié

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fin 2014 un avis sur cette thématique (102). L’équipe de physique médicale de l’Institut Curie est pionnière sur cet axe de recherche. Un formalisme de rétroprojection a été établi (103), évalué (104, 105) et est maintenant utilisé en routine clinique (106). Ces travaux ont conduit à la création du logiciel EpiGray commercialisé par la société DosiSoft. Trois autres solutions sont également proposées par les constructeurs : Dosimetry Check (MathResolutions) (82), PerFraction (SunNuclear) (107) et iViewDose (Elekta) issu des travaux du NKI (108).

Cependant, dans la majorité des techniques utilisées, le facteur limitant est la première étape qui consiste à convertir l’image en niveau de gris en image en dose. L’EPID est loin d’être un dosimètre idéal, et cela tout simplement car il n’a pas été conçu dans cette optique et que ses caractéristiques ont été optimisées pour réaliser des images de repositionnement de bonne qualité. Avec le développement des imageurs RX additionnels, qui assurent le repositionnement du patient, il est possible d’imaginer de remplacer l’imageur portal par un détecteur dédié à la dosimétrie in vivo, qui ne présenterait pas les inconvénients des détecteurs actuels au silicium amorphe. Différentes approches sont présentées dans la littérature (109–111). Un autre point limitant est le manque de précision du positionnement de l’EPID : la position de l’imageur par rapport au centre du faisceau varie avec l’angle de rotation du bras.

Egalement, la mesure avec l’imageur portal étant réalisée sous le patient, il est difficile de séparer, en cas d’erreur détectée, la contribution du changement d’anatomie du patient et celle de l’erreur de fluence délivrée par l’accélérateur. Aussi, nous avons vu que les solutions de dosimétrie in vivo portale les plus récentes passent par une étape de détermination de la fluence délivrée par l’accélérateur avant d’en déduire la dose délivrée en 3D dans le patient. On comprend donc que, en parallèle du développement de la dosimétrie in vivo portale, l’idée d’utiliser un détecteur dédié au contrôle du faisceau s’est également développée. Ce nouveau type de détecteur est solidaire de l’accélérateur, placé au niveau de la sortie de la tête, en amont du patient. Utilisés sans imageur RX additionnel, ces deux détecteurs jouent des rôles complémentaires : le détecteur amont permet de détecter une déviation des caractéristiques du faisceau, et l’imageur portal permet alors de détecter une déviation de l’anatomie du patient. Avec l’imageur RX additionnel, il est possible soit d’utiliser les deux détecteurs, pour faire un contrôle redondant, soit d’utiliser l’un ou l’autre seulement. Le chapitre suivant va être dédié à la présentation détaillée de ce type de détecteur, appelé détecteur amont, avant de présenter le projet qui a été l’objet de la thèse : le projet TraDeRa.

1.3. Conclusion du chapitre

La première partie de ce chapitre d’introduction a été consacrée à la présentation du faisceau de photons clinique. Le fonctionnement de l’accélérateur permettant son obtention a été expliqué et les éléments présents dans la tête d’irradiation ont été décrits. Après un bref rappel sur les interactions rayonnement matière, sur les grandeurs dosimétriques et sur la mesure de la dose, le faisceau de photons a été décrit. Les différentes composantes du faisceau en sortie d’accélérateur ont été présentées, et les formalismes permettant de caractériser le faisceau en dose absolue et en dose relative ont été introduits.

La deuxième partie du chapitre a ensuite été consacrée aux contrôles mis en place pour prévenir la survenue d’incident. Ils ont été divisés en trois catégories : ceux effectués par l’accélérateur lui-même, ceux demandés par la législation française et ceux spécifiques aux traitements modulés en intensité, préconisés par les sociétés savantes.

Nous allons maintenant nous intéresser aux détecteurs positionnés en sortie d’accélérateur, dédiés au suivi en ligne et en temps réel de la fluence délivrée par l’accélérateur, dont le besoin est apparu avec la démocratisation de la pratique des traitements modulés.

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Chapitre 2

Le projet TraDeRa : développement d’un détecteur amont

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