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Expérience 1a : effets du nombre de syllabes et de la fréquence de la première lettre

Chapitre 3 La syllabe dans la production écrite : Données expérimentales

2. Dissociation et hiérarchie entre l’activation syllabique et les traitements graphomoteurs

2.1. Expérience 1a : effets du nombre de syllabes et de la fréquence de la première lettre

L’h poth se selo la uelle la s lla e est u e u it de t aite e t g apho oteu est e d sa o d a e les tudes po ta t su l’u it de p og a atio ot i e. Ces t a au o t e t ue les odules post-orthographiques traitent des unités de la taille de la lettre (Hulstijn & van Galen, 1983 ; Teulings et al., 1983), ce qui est par ailleurs rapporté dans le modèle de van Galen (1991). En outre, l’h poth se de la s lla e o e u it de p og a atio ot i e se le gale e t i o pati le avec les études montrant un effet du nombre de syllabes, car cette hypothèse implique que l’e se le des s lla es d’u ot soit programmé au i eau oteu e a o t de l’e utio , e ui est en contradiction avec les travaux montrant que seule la première lettre des mots est traitée en a o t de l’e utio (par ex., Hulstijn & van Galen, 1983). L’o je tif de ette p e i e e p ie e était donc de déterminer si la syllabe est impliquée ou non lors de la programmation graphomotrice. Nous faisio s l’h poth se ue o , et ue l’a ti atio des s lla es est u p o essus disso i du traitement graphomoteur.

L’effet du o e de s lla es a t a ipul afi de ett e e ide e l’a ti atio s lla i ue. Il appa aît e effet ue les s lla es d’u ot so t a ti es e a o t de la alisatio g apho ot i e du mot ; de ce fait, la production de mots contenant davantage de syllabes entraîne des latences plus longues (Lambert et al., 2008). La fréquence de la première lettre des mots a été manipulée afin de mettre en évidence les traitements graphomoteurs. En effet, des travaux ont montré que seule la p e i e lett e d’u ot se ait p og a e a a t la t a s iptio de e ot (Hulstijn & van Galen, 1983 ; van der Plaats & van Galen, 1990). En outre, le déroulement de la programmation motrice varie avec la pratique : après plusieurs essais, un symbole est programmé plus rapidement que lors

84 de la première réalisation (Hulstijn & van Galen, 1988 ; Portier, Hylkema, Meulenbroek, & van Galen, 1991 ; Portier, van Galen, & Meulenbroek, 1990). La familiarité des unités entraîne ainsi une di i utio des late es d’i itialisatio . D’aut e pa t, la vitesse de sélection des allographes, qui est le p e ie odule de t aite e t g apho oteu , se le d pe d e de leu f ue e d’o u e e dans la langue (Black et al., 1989).

L’e p ie e p se tait u desig o thogo al, a e pou fa teu s le o e de s lla es s. syllabes) et la fréquence de la première lettre (fréquente vs. peu fréquente). L’h poth se g ale tait ue les fa teu s efl ta t l’a ti atio s lla i ue et les p o essus g apho oteu s ’i te agi aie t pas.

Une tâche de triple copie a été demandée aux participants, qui devaient copier les mots avec leur écriture habituelle. Un effet du nombre de syllabes était attendu sur les latences inter-copies, les mots de 3 syllabes devant entraîner des latences plus longues que les mots de 2 syllabes. Un effet de fréquence de la première lettre était attendu sur ces mêmes latences inter-copies, les mots commençant par une lettre peu fréquente devant entraîner des latences plus longues que les mots o e ça t pa u e lett e f ue te. E out e, ous a o s fait l’h poth se ue l’effet du o e de s lla es et l’effet de f ue ce de la première lettre des mots seraient additifs, traduisant une indépendance des processus syllabiques et graphomoteurs.

2.1.1. Méthode

Participants. Vingt-si tudia ts de l’Université de Poitiers (19 femmes, 7 hommes) ont participé

à cette expérience. Tous étaient de langue maternelle française, et avaient une vision normale ou o ig e. Les do es d’u pa ti ipa t ’o t pas t a al s es a il a ha g de ode d’ itu e au ou s de la tâ he de ajus ule à i us ule . L’âge o e des pa ti ipa ts do t les données ont été analysées était de 25;4 ans. Vingt étaient droitiers.

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Stimuli. Le matériel comprenait 28 mots, dont 14 étaient des mots de 2 syllabes et 14 des mots

de 3 syllabes (voir Annexe II. Afi d’o se e les t aite e ts g apho oteu s, la fréquence positionnelle de la première lettre de ces mots a été contrastée : la moitié des mots (7 de 2 et 7 de 3 syllabes) comportait une première lettre fréquente en position initiale (d, l, p, a, s, ou e) (M = 76040 opm1, ET = 22034)(par ex., distant, scarabée , l’aut e oiti o po tait u e p e i e lett e de asse fréquence en position initiale (b, g, ou v) (M = 14403, ET = 3939)(par ex., billard, vagabond). La fréquence moyenne des premières lettres fréquentes et peu fréquentes était significativement différente, t(12) = 7,29, p < .001. Le nombre moyen de traits de la première lettre ne différait pas entre les deux groupes, t < 1.

Afin de contrôler au mieux les effets de programmation graphomotrice, les premières unités des mots ont été contrôlées, dans la mesure du possible. Par conséquent, les mots de 2 et 3 syllabes commençant par une même lettre ont été appariés également sur le premier bigramme (par ex.,

plongeon / placenta ; billard / bigoudi). La fréquence et le nombre moyen de traits du premier

ig a e ’ taie t pas diff e ts e t e les ots o e ça t pa u e lett e f ue te et les ots commençant par une lettre peu fréquente, ts < 1. De même, le nombre moyen de traits du premier trigramme, le nombre moyen de lettres de la première syllabe, et la fréquence syllabique positionnelle de la première syllabe ne différaient pas entre les mots commençant par une lettre fréquente et les mots commençant par une lettre peu fréquente, ts < 1.

Tous les mots étaient composés de 7 ou 8 lettres. Les mots de 2 et 3 syllabes commençant par la même lettre et le même bigramme étaient appariés sur le nombre de lettres. Tous les mots étaient des noms communs ou des adjectifs et aucun ne comportait de e muet. Une analyse de la variance a t o duite pou s’assu er que la fréquence lexicale ne différait pas entre les 4 conditions expérimentales, Fs < 1.

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Dispositif expérimental. Un ordinateur portable, une tablette (WACOM© Intuos3 A5 PTZ-631) sur

laquelle était posée une feuille de papier, et un stylo numérique à encre (WACOM© InkPen Intuos3)

ont été utilisés. Sur la feuille, 3 zones étaient tracées (voir Figure 9) : une case départ (grise) sur la partie gauche de la feuille, trois traits horizontaux de 40 mm séparés de 7 mm tracés sur une même lig e pou la opie, ai si u’u e ase de fi (blanche) sur la partie droite de la feuille. Ce schéma était répété 4 fois sur une feuille pour permettre la copie de 4 items sur une même feuille de passation.

Procédure. L’e p ie e a o sist e u e tâ he de t iple opie voir Chapitre 4, Méthodologie

expérimentale, p. 72). La passation a été effectuée en petits groupes de 3 à 7 personnes. Les postes de travail (ordinateur + tablette + stylo) ont été installés de sorte que chaque participant ne puisse voir aucun autre écran que le sien, et de façon à isoler chaque participant dans la salle de passation. L’e p i e tateu a it tout t pe de d pla e e t pe da t la passatio , afi de e pas pe tu e inopportunément les participants.

Les consignes, données oralement, étaient les suivantes : « vous pouvez voir posée sur la tablette une feuille comportant des cases et des lignes. La première ase est g is e, ’est la ase de d pa t. Vous pose ez ot e st lo su ette ase pou o e e . Cela fe a appa aît e à l’ a u ot ue vous devrez copier. Vous copierez ce mot 3 fois à la suite sur les 3 traits prévus à cet effet, avec votre écriture habituelle. A la fin des 3 copies, vous appuierez sur la case blanche en fin de ligne. Une croix appa aît a à l’ a , ous i di ua t ue ous a ez fi i l’essai. Vous pou ez passe au ot sui ant,

Figure 9. Schéma des zones pour un essai sur la feuille de passation de l'expérience 1a.

Copie 1

Copie 2

Copie 3

87 avec la même procédure : case départ, 3 copies du même mot, case de fin. Dès que vous o e e ez à i e, le ot a dispa aît e de l’ a . Vous ’a ez do pas à e e i ega de l’ a pe da t la opie d’u ot. »

La consigne concernant les pauses entre les mots a été particulièrement insistante : « vous copiez le mot 3 fois sa s fai e d’a t e t e ha ue opie. Ne revenez pas en arrière. Vous devez rester o e t pe da t les opies d’u e ot. Il e faut pas pe d e de te ps pe da t l’ iture. Vous ne devez regarder que votre feuille, et ne faire impérativement aucun arrêt pendant un essai. Vous pourrez faire une pause après avoir appuyé sur la case blanche, lorsque la croix est affichée sur l’ a de l’o di ateu . »

Enfin, une précision concernant le déroulement matériel de la tâche concluait la consigne : « Une fois que vous aurez rempli la feuille, vous retirerez cette feuille, pour continuer sur la suivante. Avant de o e e , il au a u e phase d’e t aî e e t pou ous fa ilia ise avec la tâche. Il y aura une feuille à remplir, donc 4 mots. Si vous avez des questions, vous pourrez les poser pendant la phase d’e t aî e e t.»

Ap s a oi po du au e tuelles uestio s des pa ti ipa ts, l’e p i e tateu la çait le début de la tâche ia u o di ateu eli à l’e se le des o di ateu s e p i e tau . L’e p i e tateu estait p se t da s la salle pe da t la passatio , i di ua t au pa ti ipa ts de

este sile ieu e s’ils a aie t fi i l’e p ie e.

Données. Les latences inter-copies ont été collectées (voir Chapitre 4, Variables dépendantes,

p. 75). Les latences précédant les copies avec erreurs, telles que des erreurs orthographiques, des ratures, ou des oublis du mot, les données contenant des erreurs matérielles, telles que des p o l es d’e e da s le st lo ou d’e egist e e t, et les do es au-delà de 2,5 écarts-types au- dessus et au-dessous de la moyenne par participant par condition et par item ont été retirées des analyses (3,9% des observations).

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Figure 10. Effet du nombre de syllabes sur les latences (en ms) en fonction de la fréquence de la première lettre des mots dans l'expérience 1a.

2.1.2. Résultats

Les latences moyennes en fonction du Nombre de syllabes et de la Fréquence de la première lettre sont représentées sur la Figure 10. Le modèle statistique comprenait le Nombre de syllabes (2 vs. 3 syllabes), la Fréquence de la première lettre (Fréquente vs. Peu f ue te , et l’i te a tio Nombre de syllabes x Fréquence de la première lettre comme effets fixes.

L’effet du No e de s lla es est sig ifi atif, F(1, 24) = 6,26, p = .02. Les latences précédant les mots de 3 syllabes (M = 526, ET = 126) sont plus longues que les latences précédant les mots de 2 syllabes (M = 505, ET = 110. L’effet de la F ue e de la p e i e lett e est sig ifi atif,

F(1, 24) = 5,96, p = .02. Les latences précédant les mots commençant par une lettre fréquente sont

plus courtes (M = 507, ET = 114) que les latences précédant les mots commençant par une lettre peu fréquente (M = 523, ET = 123. L’i te a tio e t e le No e de s llabes et la Fréquence de la p e i e lett e ’est pas sig ifi ati e, F < 1.

470 480 490 500 510 520 530 540

Fréquente Peu Fréquente

La te n ce s en m s

Fréquence de la première lettre

2 syllabes

89 2.1.3. Discussion

Cette e p ie e isait à o t e ue les effets li s à l’a ti atio des s lla es et les effets li s au t aite e t g apho oteu so t disso i s. L’effet du o e de s lla es et l’effet de f ue e de la première lettre étaient donc supposés influencer la durée des latences inter-copies, sans interagir l’u a e l’aut e.

L’effet du o e de s lla es su les late es a été répliqué (Lambert et al., 2008). Les latences p da t l’ itu e de ots de s lla es taie t plus ou tes e o e e de 21 ms) que celles p da t l’ itu e de ots de s lla es. Les s lla es d’u ot se aie t ai si a ti es a a t l’e utio g apho ot i e de ce mot.

L’effet de f ue e de la p e i e lett e a également montré que les mots commençant par des lettres plus fréquentes entraînaient des latences plus courtes (en moyenne de 16 ms). Cet effet indique que la première lettre des mots a été effectivement programmée entièrement avant l’e utio ot i e1. Ce résultat est par ailleurs cohérent avec ceux de Portier et al. (1991), qui

suggèrent que des unités plus fréquemment écrites sont programmées plus rapidement que des u it s oi s f ue e t ites, et a e l’h poth se de Black et al. (1989), qui suggèrent que la vitesse de sélection des allographes dépend de la fréquence des lettres.

L’o se atio de es deu effets a o fi , d’u e pa t, l’h poth se selo la uelle la s llabe est u e u it fo tio elle de la p odu tio ite, et d’aut e pa t, ue les p op i t s o thog aphi ues des mots, telles que la fréquence de leurs lettres, influencent également la programmation du mot. E out e, et o e atte du, es deu effets ’i te agissaie t pas, l’effet de f ue e de la première lettre étant observé aussi bien pour les mots de 2 que pour les mots de 3 syllabes. L’additi it de es deu effets laissait ai si pe se ue la s lla e ’est pas u e u it li e au traitements graphomoteurs.

1 Une expérience a été menée, faisant varier la fréquence du 1er

bigramme des mots tout en maintenant constante la fréquence de la première lettre. Les résultats o t o t ue la late e ’ tait pas se si le à la f ue e du er

bigramme, e ui o fi e ue seule la p e i e lett e des ots est p og a e e a o t de l’e utio (Hulstijn & van Galen, 1983). Cette e p ie e, ’appo ta t pas d’ l e t suppl e tai e o e a t la s lla e, ’a pas t appo t e da s la thèse.

90 Toutefois, da s ette p e i e e p ie e, ha ue opie du ot ’a pas t as u e pa l’e p i e tateu . Les pa ti ipa ts a aie t do la possi ilit de oi e u’ils a aie t it p de e t. L’effet du o e de s lla es o se su les latences pourrait ainsi être dû au fait que les participants relisaie t les ots u’ils enaient d’ i e, pou effe tue u o t le orthographique, ou même calligraphique (monitoring). De ce fait, cette relecture serait d’auta t plus longue que le mot concerné contiendrait de syllabes, dans la mesure où un effet du nombre de syllabes a été mis en évidence en reconnaissance de mots écrits (par ex., Ferrand & New, 2003 ; Stenneken et al., 2007). Cependant, le même effet du nombre de syllabes a été observé par Lambert et al. (2008), alo s ue l’e p i entateur cachait au fur et à mesure les mots écrits. L’effet du nombre de syllabes ne semble donc pas pouvoir être imputé à la relecture des mots. Cependant, afin de s’assu e ue cet effet ’ tait pas dû à la ele tu e de e ui e ait d’ t e it, ous avons mené une analyse supplémentaire.

Pou ela, la du e e t e la fi d’ itu e de la de i e opie et l’appui da s la ase de fi d’essai a été analysée (voir Figure 9). Le début de cette mesure était défini par la fin du tracé de la dernière copie et la fi d fi ie pa l’appui e ase de fi . “i les pa ti ipa ts elisaie t e u’ils e aie t d’ i e, et si e o t le tait se si le au o e de s lla es des ots, u effet du o e de syllabes devrait être observé également sur cette durée. En revanche, si les participants activaient les s lla es de faço a ti ip e su l’ itu e, alo s l’effet du o e de s lla es e de ait pas t e observé sur cette durée.

L’effet du o e de s lla es su la du e e fi d’essai a t test da s u od le o p enant les intercepts aléatoires des participants et des items. Ce modèle ne convergeant pas, les intercepts des items ont été retirés du modèle. Les résultats présentés ont donc été obtenus dans un modèle ’i t g a t ue les i te epts des participants, avec pour seul facteur fixe le nombre de syllabes. L’effet du o e de s lla es ’ tait pas sig ifi atif, F(1, 672) = 1,82, p = .18.

91 Ce résultat confirme ue la du e e fi d’essai ’est pas se si le à l’effet du o e de s lla es. L’effet o te u su les latences inter-copies ne semble donc pas imputable à une relecture des mots qui ont été écrits, mais bien à un processus de préparation du mot à écrire.

E o lusio , ette e p ie e a o fi ue les effets de l’a ti atio s lla i ue et les effets du traitement graphomoteur sont dissociés. La syllabe ne semble donc pas être une unité impliquée dans la programmation graphomotrice de la production écrite des mots. Pour renforcer cette i te p tatio , u e aut e e p ie e a t e e, do t l’o je tif tait de montrer que les syllabes sont activées en amont de la programmation graphomotrice.

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2.2. Expérience 1b : étude des locii des effets du nombre de syllabes et de