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2. AP et APA, au cœur de l’ETP des patients diabétiques précaires

2.2. Pratique physique du patient diabétique

2.3.5. Un exemple de cycle innovant d'APA dans le Nord Pas de Calais

Un réseau du Nord-Pas-de-Calais propose un cycle de 20 séances théoriques et pratiques d'APA (à raison de 2 séances par semaine) encadrées par un EMS à des patients atteints en particulier de diabète.1 Ce cycle éducatif respecte les recommandations du PNAPS

avec une éducation via l'APA. Au travers d'entretiens réalisés par Nathalie Barth dans le cadre de sa thèse de doctorat de STAPS1 avec des patients ayant participé au cycle, nous allons voir

les changements qui se produisent chez les patients au fil des séances.

2.3.5.1. Vers un comportement autodéterminé

2.3.5.1.1. Soutien de la motivation autonome

La mise en situation pratique va permettre au patient d'intégrer les bénéfices de l'AP bien plus qu'avec une simple information puisqu'il ressent directement le changement dans son corps.

« Me sentir mieux dans mon corps déjà, me bouger plus facilement, me relever plus

facilement si je tombe, parce que ça peut m'arriver, descendre plus facilement les escaliers puis me sentir plus à l'aise finalement. C'est grâce au sport tout ça, grâce aux dispositifs »

(Claire, 60 ans).1

« Le taux, il monte, enfin il descend surtout, au moins, c'est clair » (Blandine, 66 ans, diabétique de puis 1998).1

Un nouveau rapport à l'AP se créé. Les sensations de bien-être physique et moral juste après la pratique justifient les efforts engagés et les expériences positives d'APA peuvent renforcer la motivation intrinsèque à la pratique.

« On s'amuse bien, il y a une bonne ambiance, c'est vraiment sympa alors, quelle que

2.3.5.1.2. Soutien du besoin d'affiliation

Le cycle d'APA va permettre aux patients de nouer de nouvelles relations sociales et de rompre ainsi avec l'isolement. Une entraide et un soutien réciproque se créent.

« On s'aide entre nous, on se soutient, on se comprend, il n'y a personne qui critique

ou qui regarde de travers » (Odile, 60 ans)1

Le groupe offre une convivialité et une stimulation, les personnes se motivant entre elles.

« S'il n'y avait pas les copines franchement, ça ferait longtemps que je ne viendrais

plus, et même avant hein ! Je ne sais pas si j'étais seule, peut être que j'aurais abandonné aussi. Au moins on se motive, sinon, on a toujours des bonnes excuses, la fatigue, les enfants, la pluie... » (Patricia, 72 ans, diabétique depuis 1990).1

2.3.5.1.3. Soutien du besoin de compétence

Via la pratique physique adaptée, le patient va prendre conscience de ses capacités à pratiquer une AP. Après le cycle de 20 séances, les patients découvrent qu'ils sont capables de faire davantage que ce qu'ils pensaient.1

« Ce qui m'a étonné, c'est que je puisse jouer au basket » (Francine, 55 ans).1

« Ces 20 séances m'ont montré que j'étais encore capable de réaliser quelque chose (en parlant de l'AP) et que je pouvais enchaîner » (Christian, 79 ans).1

Le sentiment d'auto-efficacité se trouve renforcé et les patients seront plus à même de persévérer dans la pratique.

« Faire de l'activité physique m'a redonné confiance en mon corps. Je suis moins

essoufflée et je me rends compte que je suis plus leste. (…) » (Brigitte, 57 ans).1

2.3.5.2. Une modification des représentations

Après le cycle d'APA, un changement significatif des représentations et conceptions de la pratique d'une APA s'opère. Les patients, en ayant expérimenté l'APA, font une distinction entre l'APA qu'on leur propose et le sport qui leur faisait peur.1 « Le sport que je fais maintenant, c'est un sport adapté, ce n'est pas du sport comme tous les jeunes, ce n'est pas de la compétition, c'est de l'activité physique » (Guy 63 ans, diabétique depuis 1980).1

2.3.5.3. De la rupture biographique à une reconstruction biographique

L'APA peut contribuer à la « rupture biographique ». Grâce à l'APA, il y a une prise de conscience de la maladie et de son évolution sur le long terme.1

« Je suis tombée en crise. F. (l'EMS) était là, il m'a donné une briquette, un gâteau. Avec lui,

ce n'est pas pareil, c'est du concret quoi ! » (Blandine, 66 ans, diabétique de puis 1998).1

L'AP va favoriser une remise en sensations et une maîtrise de son corps, ce qui participe à une reconstruction biographique avec la maladie en induisant la notion de contrôle possible, de prise en main de la maladie.

« Quand on a des incidents de santé, on perd la maîtrise. Sentir qu'on est capable à nouveau

de dominer, de faire de son corps ce que l'on veut, c'est plus important que l'image » (Brigitte,

57 ans).1

Le rapport au corps du patient évolue au fil des séances et l'AP permet de découvrir des sensations corporelles nouvelles.

« J'avais des courbatures, je sentais que mon corps réagissait, c'était nouveau ça pour

moi (…) Le sport, ça m'a appris au début à me rendre compte de mon corps, de ses sensations » (Paul, 61 ans, diabétique depuis 1984).1

L'APA peut même devenir un élément central de la biographie du patient et l'engagement dans une pratique physique régulière, dans une « carrière de pratiquant d'APA » peut aider la personne à se reconstruire, à donner un sens à sa vie.

« L'activité physique, c'est un besoin, c'est ma soupape, heureusement que je l'ai » (Adrien, 68 ans, diabétique depuis 1986).1

2.3.5.4. La poursuite de la carrière de pratiquant d'APA

Parmi les patients qui ont suivi ce dispositif, la quasi totalité soit 17 personnes sur 18 se sont engagés dans une AP régulière en dehors des dispositifs de soins médicaux. Cette réussite importante est une conséquence des bénéfices sur les compétences d’auto-soins et d'adaptation de l'intervention ainsi que du soutien des besoins fondamentaux.1 C'est également

une conséquence du relais particulièrement efficient entre le cadre médical et une association sportive qui a été créée par l'EMS du cycle éducatif.

« On a fait du sport à l'hôpital avec F., j'ai fait 21 séances et puis après, il a formé

l’association donc depuis ce temps là, je suis dans l'association » (Denise, 51 ans, sans

profession, obésité depuis l’enfance).1

Figure 19 : Organisation des dispositifs d’éducation du Nord-Pas-de-Calais1

2.3.5.5. Une prise en main de la gestion de la maladie

Le cycle d'APA, outre d'orienter les patients vers une « carrière de pratiquant d'APA » a également un impact sur la gestion globale de la maladie. Le maintien d'une APA est associé à une modification des autres habitudes de vie notamment l'équilibre alimentaire et l'observance du traitement thérapeutique. Le fait de pratiquer une APA est généralement associé à une meilleure mise en œuvre de ces recommandations. Les restrictions alimentaires pourtant globalement connues par le patient dès le début de la prise en charge de sa pathologie, sont souvent davantage respectées suite à l'engagement dans une APA.1

L'AP est un des piliers de la prise en charge du diabète de type 2 grâce à son action sur la régulation de la glycémie, sur les facteurs de risques cardiovasculaires ainsi que sur le bien- être du patient.

Cependant, l'engagement dans une pratique physique n'est pas évidente pour des patients non sensibilisés à l'AP et fragilisés par la maladie.

Le PNAPS recommande l'intégration de cycles éducatifs d'APA au projet global d'ETP afin de développer chez le patient des compétences motrices mais également psychosociales qui faciliteront l'engagement dans une APA régulière. Un relais efficient entre les structures médicalisées et les associations proposant de l'APA est également nécessaire afin que l'engagement perdure.

Or, dans les réseaux de santé français, une offre d'APA n'est pas toujours incluse dans l'ETP et lorsque c'est le cas elle est trop souvent envisagée selon une approche spontanéiste avec l'utilisation de supports cognitifs voire d'une séance d'initiation que dans une réelle optique de reconstruction d'une autonomie en AP.

Bien que dans l'agglomération grenobloise il n'y ait pas de réseau santé diabète, l'offre d'ETP pour les patients diabétiques de type 2 y est cependant organisée et performante. On peut toutefois déplorer qu'il n'y ait pas de cycle d'APA mis en place au sein de ses structures et que l'éducation à l'AP se fasse plus dans une approche spontanéiste comme c'est également le cas dans la majorité des réseaux santé. De nombreuses associations sportives sont susceptibles de prendre en charge les patients dans un cadre adapté mais du fait du manque de passerelle entre les structures médicalisées et associatives et du changement de forme et de cadre de pratique qui peut inquiéter les patients ce relais n'est pas très efficace.

C'est au vu des possibilités éducatives que laisse entrevoir l''analyse d'un cycle d'APA réalisé selon une approche interventionniste que nous avons choisi de proposer la construction d'un cycle d'APA utilisant une AP atypique dans le domaine de l'ETP, l'escalade.

3. L'escalade : Une APA outil d'ETP dans la prise en