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Evolution des prix à la consommation en Europe

comparaison européenne et un focus sur la France

1.3.4 Evolution des prix à la consommation en Europe

La grande distribution a également un impact important sur les prix des produits animaux payés par les consommateurs. Or si l’écart entre le prix de l’industrie et le prix agricole s’est accru ces trois dernières années, il semblerait que l’écart en France entre le prix de l’industrie et le prix à la consommation se soit également accru (2016) pour les filières porcine (jambon), bovine et volaille au moins. Cependant, les comptes moyens des rayons alimentaires font apparaitre une marge brute comprise entre 23% pour les produits laitiers et 33% pour la charcuterie mais une marge nette (avant répartition de l’impôt) négative pour le rayon boucherie, légèrement positive pour les produits laitiers et de 8 à 9% pour les volailles et la charcuterie (2016).

Néanmoins, il nous semble important d’observer la dynamique des prix sur longue période. En effet, les distributeurs peuvent ajuster sur longue période des variations conjoncturelles de prix de la matière première de sorte que les prix à la consommation fluctuent moins que les prix à la production. De plus, les prix des produits vendus au consommateur final ne peuvent pas intégrer pleinement les variations de prix des matières premières. En effet, le coût d’achat des produits animaux n’est qu’une fraction du coût de mise en vente de ces produits de la grande distribution (les autres coûts étant principalement le coût du travail, le coût du capital, le coût en énergie). Si, par exemple, la part des coûts d’achats de produits animaux dans les coûts de production associés à la vente de ces produits représente 50%, alors une baisse de 10% des produits animaux pourra générer une baisse de 5% du prix de vente fixé par le distributeur si celui-ci répercute pleinement la variation du prix, à taux de marge constant.

1.3.4.1 Evolution des prix à la consommation des produits alimentaires

Nous menons ici une analyse de long terme sur l’évolution des prix alimentaires relatifs, plus précisément des indices de prix à la consommation harmonisés (IPCH) des produits alimentaires corrigés de l’inflation générale. Une hausse des prix alimentaires relatifs correspond donc à une hausse plus rapide des prix alimentaires que le prix moyen de l’ensemble de l’économie ou à une baisse moins rapide des prix alimentaires que celle observée pour le prix moyen de l’ensemble de l’économie. Ces indices sont calculés à partir de prix relevés dans l’ensemble des circuits de vente, et à ce titre ne reflètent qu’imparfaitement l’évolution des prix dans la grande distribution. A noter également que les données disponibles impliquent que les graphiques ont pour base 100 l’année 1996 pour chaque pays. On compare donc les résultats des années suivantes par rapport à cette référence, l’année 1996, pour chaque pays.

L’évolution des prix à la consommation des produits alimentaires en France, entre janvier 1996 et janvier 2016, est représentée sur la figure 1.3.3.a, ainsi que les évolutions de prix pour l’Allemagne et la Zone Euro. Durant ces vingt dernières années, on constate une augmentation des prix à la consommation (corrigés de l’inflation générale) en France. Or cette inflation est beaucoup moins présente dans la Zone Euro, voire presque nul pour le cas de l’Allemagne. A titre d’exemple, on observe qu’en janvier 2016, les prix à la consommation des produits alimentaires sont plus élevés de 3.94% par rapport à janvier 1996. Le début des années 2000 est particulièrement impacté par cette hausse des prix. S’en suit des périodes de relative baisse des prix entre 2004 et 2008, et plus récemment depuis 2009. Cette forte variabilité des prix s’explique principalement par un cadre réglementaire en perpétuelle évolution au cours de ces vingt dernières années et finalement assez peu par les variations des prix agricoles et des prix des transformateurs. Il convient donc d’avoir à l’esprit que le cadre réglementaire dans le secteur de la distribution peut fortement influer sur l’intensité concurrentielle entre distributeurs (Biscourp et al., 2013).

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(a) (b)

(c) (d)

Notes : Indices des prix à la consommation harmonisés (IPCH) des produits alimentaires corrigés de l’inflation générale, base 1996. Zone Euro (EA11-2000, EA12-2006, EA13-2007, EA15-2008, EA16-2010, EA17-2013, EA18-2014, EA19). Source : Eurostat,

http://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database, Base de données par thème\Economie et finances\Prix (prc)\Indice des prix à la consommation harmonisés (IPCH).

Au cours de l’été 1996, la France adopte deux réglementations qui vont distordre fortement la concurrence dans le secteur de la distribution : la loi Raffarin30 et la Loi Galland31. La Loi Raffarin est votée afin de limiter l’ouverture

de nouvelles grandes surfaces, ce qui a eu pour effet de favoriser les distributeurs en place et freiner le développement des hard discounters allemands sur le territoire français. En parallèle est adoptée la Loi Galland dont l’objectif premier est d’assurer un équilibre des rapports de force dans les négociations commerciales entre distributeurs et fournisseurs. Parmi les mesures introduites, il est définit un nouveau seuil de revente à perte qui va conduire indirectement à une déconnexion du prix d’achat sur facture et du prix réellement payé par le distributeur. Cette différence correspondant aux « marges arrières ». Les distributeurs et fournisseurs ne négocient plus alors sur le prix sur facture, mais sur le montant des « marges arrières » qui ne peuvent être répercutées aux consommateurs sous peine de revente à perte.

Suite à l’introduction de ces lois, on constate une hausse notable des prix des produits alimentaires en France que l’on n’observe peu ou pas dans d’autres pays européens (voir figure 1.3.3. b, c et d). Plusieurs lois ont été introduites depuis pour corriger les effets néfastes de la loi Galland. La Loi Dutreil II32 et la loi Châtel33 ont ainsi

redéfinit le seuil de revente à perte (introduction des prix dits « double net » et « triple net », respectivement) afin de limiter l’existence des marges arrières. Courant 2008, la Loi de Modernisation de l’Economie34 a quant à elle

permit de différencier le cadre de la négociation commerciales (i.e., les conditions générales de vente) selon les 30https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000193678 31https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000560166 32https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000452052 33https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000606011 34https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019283050

76 catégories de fournisseurs. Toutes ces inflexions du cadre réglementaire ont permis de restaurer une concurrence plus saine entre distributeurs et ont participé à l’inflexion des prix à la consommation des biens alimentaires au cours de ces dernières années35. Début 2016, on constate ainsi une convergence des évolutions

de prix entre la France et ses voisins européens.

1.3.4.2 Evolution des prix à la consommation des produits animaux

Malheureusement, nous n’avons pas de séries de prix par type de produits animaux pour les différents pays européens. Les données à disposition pour une telle comparaison concernent l’indice de prix à la consommation pour la catégorie « Viande » et l’indice de prix à la consommation pour la catégorie « Lait, Fromages et Œufs ». Quelle que soit la « catégorie », l’évolution des prix suit l’inflation sur longue période dans la Zone Euro (voir figure 1.3.4.a et figure 1.3.5.a). Pour les 10 pays sélectionnés, l’année 2008, marquée par une forte hausse des prix des matières premières, se traduit par une hausse importante des prix du « Lait, Fromages et Œufs » et, dans une moindre mesure, des prix de la « viande ». Le Royaume-Uni, pays importateur net en productions animales, se distingue par une forte hausse des prix des produits d’origine animale en 2008 (figure 1.3.4.b et figure 1.3.5.b). Rappelons qu’à partir d’août 2007, la livre sterling s’est fortement dépréciée vis-à-vis des autres monnaies (son taux de change effectif nominal a baissé de plus de 11 % en 2009, voir (Langumier, 2010))36. Si

une dépréciation peut être bénéfique pour les exportations, elle peut avoir des effets inflationnistes sur le marché domestique car cela peut renchérir le prix des biens importés. Cela peut expliquer cette hausse des prix des produits d’origine animale chez nos voisins britanniques. Notons que l’Italie, également importateur net en productions animales mais membre de la Zone Euro, n’a pas connu une forte hausse de prix de ses produits animaux.

Si la Zone Euro connait une relative stabilité des prix de la viande sur 20 ans, la tendance est clairement à la hausse sur longue période en France, contrairement aux pays comme le Danemark, l’Irlande et les Pays-Bas qui se distinguent par une baisse relative importante des prix de la viande. Les prix de la viande devraient baisser en tendance étant donné les tendances de baisse de la consommation de viande dans le temps. D’autres facteurs explicatifs sont donc à rechercher pour expliquer l’importante hausse des prix en France par rapport aux autres pays européens. La situation hexagonale peut s’expliquer par un essoufflement des gains de productivité dans les industries des filières animales et une hausse de la qualité des produits offerts aux consommateurs. La situation de moins en moins concurrentielle dans le secteur de la distribution ainsi que le faible développement du Hard Discount en France peuvent également contribuer à cette hausse relative des prix de la viande. En particulier, le fait que la distribution soit très concentrée au niveau local peut conférer un certain pouvoir de marché à la grande distribution (Turolla, 2016). Cela pourrait ainsi expliquer l’absence de transfert aux consommateurs des baisses de prix de production quand elles ont lieu. Néanmoins, des analyses précises sont requises pour déterminer la contribution de ces différents facteurs explicatifs potentiels.

L’évolution des prix relatifs à la consommation de « Lait, Fromages et Œufs » en Europe est différente de celle observée pour les viandes pour la France et le Danemark (voir figure 1.3.5). La France se caractérise par une baisse des prix relatifs des « Lait, Fromages et Œufs », contrairement au Danemark. La tendance à la baisse des prix dans ce secteur est liée à la baisse des prix du lait engendré par les réformes successives de la politique laitière européenne depuis la fin des années 1990. Alors que l’impact de la flambée des prix des matières premières sur le prix du lait est bien marqué en 2008 pour l’ensemble des pays, l’impact des réformes de la politique laitière l’est moins. On peut ainsi observer des effets plus ou moins forts sur les prix à la consommation entre pays en raison d’un impact de la réforme différencié selon les produits finaux et le profil de consommation. Enfin, les différences d’évolution peuvent également être expliquées par des niveaux d’inflation différents d’un pays à l’autre, les indices de prix présentés étant des prix déflatés.

35 Parmi les facteurs explicatifs de cette baisse en France, il convient de souligner l’importance de la « guerre des prix » initiée par

l’enseigne Géant Casino en 2013.

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(a) (b)

(c) (d)

Notes : Indices des prix à la consommation harmonisés (IPCH) de la viande corrigée de l’inflation générale, base 1996. Zone euro (EA11-2000, EA12- 2006, EA13-2007, EA15-2008, EA16-2010, EA17-2013, EA18-2014, EA19). Source : Eurostat, Base de données par thème\Economie et finances\Prix (prc)\Indice des prix à la consommation harmonisés (IPCH), http://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database.

Figure 1.3.5. Evolution des prix relatifs à la consommation de « Lait, Fromages et Œufs » par pays

(a) (b)

(c) (d)

Notes : Indices des prix à la consommation harmonisés (IPCH) du « Lait, Fromages et Œufs » corrigés de l’inflation générale, base 1996. Zone Euro (EA11-2000, EA12-2006, EA13-2007, EA15-2008, EA16-2010, EA17-2013, EA18-2014, EA19). Source : Eurostat, Base de données par thème\Economie et finances\Prix (prc)\Indice des prix à la consommation harmonisés (IPCH), http://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database.

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1.3.5 Evolution des prix à la consommation et à la production des produits issus