• Aucun résultat trouvé

Eléments explicatifs de l’évolution des régimes alimentaires

De façon générale on caractérise les évolutions de la consommation comme étant la résultante de deux effets : L’effet conjoint des prix des produits animaux à la consommation et du revenu des ménages. En effet les produits animaux représentent près de la moitié de la dépense alimentaire des ménages et 7% du total des dépenses. Ce poids significatif peut expliquer une partie de la sensibilité des consommateurs aux variations de prix et de revenu.

Celui de l’évolution des comportements de consommation. Selon plusieurs critères de type sociologiques ou générationnels la consommation peut varier indépendamment d’une variation de prix. Les messages ayant trait aux aspects nutritionnels, aux impacts environnementaux, au tourisme ou encore à l’éthique animale peuvent par exemple changer les préférences de certains consommateurs. D’autres éléments tels que les lieux de consommation (consommation à domicile ou hors-domicile) ou encore les évolutions du goût ont également un effet sur la structure des consommations (snacking, plats transformés, plats cuisinés, praticité, etc.). Sans résume de façon synthétique les déterminants, qu’il qualifie comme « non-économiques », de la consommation de protéines animales (Sans, 2002). Premièrement, il existe un effet des variables démographiques sur la consommation qu’il convient de souligner :

- L’âge moyen de la population à un effet sur les consommations dans la mesure où le revenu des seniors est souvent plus élevé que la moyenne. Ceci est un déterminant indirectement économique mais les préférences de consommation peuvent également varier avec l’âge.

- Suivant les générations les niveaux de consommation de certain produits varient en fonction du niveau de sensibilité à certains messages (sur la santé, le bien-être animal, etc.) ou encore suivant la perception du produit consommé.

- La taille et la composition des ménages ont un effet sur les modes de consommations. En effet selon l’INSEE (Insee, 2015) la part d’alimentation à domicile des ménages avec enfant est supérieure à celle des ménages sans enfant.

Deuxièmement certains facteurs sociologiques peuvent avoir une influence sur la consommation :

- Les préoccupations pour la santé paraissent être un point essentiel qui peut conduire à modifier la structure des consommations. En revanche les crises sanitaires ne semblent pas avoir d’effet durable sur les consommations du panier de produits animaux total (Insee, 2015). En France lors de de la crise de la vache folle la viande de bœuf a été substituée par de la viande de cheval et de volaille.

- Le temps consacré à l’alimentation et à l’achat de produits peut avoir un effet fort notamment sur la nature des produits consommés. En effet on constate parfois l’abandon de produits frais comme le bœuf à bouillir au profit de produits plus pratiques et rapides à cuisiner comme la viande hachée ou surgelée. - La diversité des choix proposée et l’internationalisation de la consommation conduisent aussi à modifier

les pratiques alimentaires.

- Enfin les consommateurs cherchent à être informés sur le mode ou le lieu de production des produits afin d’être en mesure de faire des arbitrages sociaux dans leur consommation. Les produits sous appellation, l’agriculture biologique, les labels ou encore les modes de consommation de type commerce équitable.

Compte-tenu du peu de données harmonisées et de situations différentes pour ces paramètres au sein des différents pays, ces effets sont particulièrement difficiles à analyser à une échelle européenne. Selon Combris (Combris, 1997) qui observait déjà une saturation de la consommation de produits animaux en France, ces évolutions semblent marquer le début d’une phase concurrence accrue entre les différentes viandes et s’accompagne d’une hétérogénéité plus marquée des comportements de consommation relativement à la période précédente (1960-1980). Plusieurs éléments de réponse sont détaillés pour la France et l’Europe au niveau du chapitre 5.6 qui étudie l’hypothèse d’une « désanimalisation » de la consommation dans plusieurs pays européens dont la France et au niveau du chapitre 5.7 qui étudie entre autres les propensions à payer des consommateurs pour plusieurs attributs de qualité des produits, l’efficacité économique de ce type d’approche.

57

AB)

Les produits animaux présentent un panel diversifié de qualités suivant les différentes méthodes de production, de transformation, de conservation et de mode de commercialisation. Face à la saturation de la consommation de produits animaux observée depuis trente ans, une stratégie peut consister à valoriser ses productions en les faisant reconnaître par un signe de qualité. Les données de consommation étant assez peu nombreuses, l’analyse portera sur le chiffre d’affaire et la production de produits sous signe officiel d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO). Les productions labellisées faisant l’objet d’un lien au territoire (IGP et AOP) sont analysées dans un premier temps et les productions issues de l’agriculture biologique (AB) dans un second temps.

1.2.8.1 Différenciation des produits par l’origine géographique ou la composition traditionnelle

Mis à part les produits issus de l’agriculture biologique, traités dans la section suivante (1.2.9), trois types de signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) reconnus à l'échelle européenne pour l'étiquetage des produits alimentaires 24 :

« L’appellation d’origine protégée (AOP) désigne un produit dont toutes les étapes de fabrication (la production, la transformation et l'élaboration) sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique, qui donne ses caractéristiques au produit ». Il s’agit de la déclinaison au niveau communautaire

de l’appellation d'origine contrôlée (AOC) française.

« L’indication géographique protégée (IGP) désigne un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroule au moins sa production ou sa transformation selon des conditions bien déterminées. C’est un signe européen qui protège le nom du produit dans toute l’Union européenne. »

« La spécialité traditionnelle garantie (STG) protège une recette traditionnelle. »

L'intérêt de ces signes de qualités est double. Il permet d'abord de garantir au consommateur l'origine géographique d'un produit et/ou son mode de fabrication et c'est ensuite un bon moyen pour les filières de valoriser et d'ancrer des productions et des savoirs à un territoire donné, empêchant ainsi leur délocalisation. Afin de modérer ce propos on peut toutefois remarquer que les IGP ne garantissent pas que l’ensemble de la filière de production soit associée à un territoire mais uniquement la production ou la transformation. Hors une large majorité des produits SIQO de l’UE sont classés IGP. Enfin les STG mettent en valeur la composition traditionnelle d’un produit ou son mode de production traditionnel qui s’ils peuvent être localement ancrés (Jambon Serrano, Mozzarella, moules de bouchot…) ne sont pas produits dans une zone géographique délimitée. Il existe aussi une procédure de certification de produits venant de pays n’appartenant pas à l’Union Européenne sous des contraintes de protection des indications géographiques dans le pays d’origine. Ainsi le café de Colombie possède une IGP reconnue par l’Union Européenne et quatre produits animaux en provenance d’Andorre, de Chine, de la Norvège et du Viêt-Nam ont une IGP. Ainsi, consommer un produit SIQO ne signifie pas nécessairement consommer au sein d’un marché exclusivement communautaire. Ces produits sont toutefois marginaux au regard du nombre de certifications intra-européennes. Enfin, des produits pouvant servir pour l’alimentation animale peuvent également faire l’objet d’une certification comme le foin de Crau en France. 1.2.8.1.1 Portrait des productions animales sous AOP, IGP et STG par pays de l’UE

La liste de l’ensemble des produits sous appellation d’origine ou indication géographique est disponible à partir de la base de données DOOR25. Un rapport de la Commission Européenne (2012) détaille l’évolution des

productions et ventes de produits AOP/IGP entre les années 2005 et 2010. Une synthèse de ces deux éléments est présentée ci-après.

En 2015, on compte en Europe 289 produits AOP, 281 produits IGP et 24 produits STG pour l’ensemble des produits d’origine animale. La plupart des AOP sont des fromages (64%) tandis que les viandes et abats frais et les produits à base de viande se répartissent équitablement l’essentiel des IGP (respectivement 38% et 43%).

24http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/1509-al-siqo-dep-bd.pdf 25http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/list.html?locale=fr

58 Entre 1996 et 2014, le nombre d’AOP/IGP a plus que doublé, principalement du fait des nouvelles IGP pour les viandes (figure 1.2.12). En effet, le nombre de SIQO pour la viande fraîche a plus que doublé entre 2005 et 2014 tandis que leur production a suivi une croissance de 20% entre 2005 et 2010. Une part non-négligeable des hausses des ventes vient donc d’une offre de produit qui s’agrandit et non d’une demande spécifique sur un seul produit.

En 2015, la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal détiennent la majorité des appellations sous signe de qualité de l’Union Européenne (figure 1.2.12). On constate de fait que le nombre de certification n’implique pas nécessairement un grand volume de production ou de vente mais exprime plutôt un potentiel de développement des produits ou bien une volonté de protéger sa production d’une concurrence externe. En effet 73% des ventes viennent uniquement de la France et de l’Italie uniquement, et 18% proviennent de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Espagne.

Figure 1.2.12. Nombre de produits sous signe de qualité (AOP, IGP ou STG) enregistrés par catégorie de produits en 2015 et évolution du nombre de produits AOP ou IGP en Union Européenne entre 1996 et 2014 par type de produits

Source : base de données DOOR - http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/list.html?locale=fr

Les produits animaux représentent environ deux tiers des ventes de produits alimentaires sous signe de qualité (hors vin et spiritueux) et totalisent 11 milliards d’euros de ventes en 2010. A titre indicatif, les ventes de vins européens avec AOP se chiffrent à 30 milliards d’euros la même année. Suivant les catégories, les produits avec SIQO ont un poids variable par rapport au total produit (tableau 1.2.2).

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 no m br e d e S IQ O Foin

Huiles et matières grasses (beurre, margarine, huiles, etc.)

Autres produits d'origine animale (œufs, miel, produits laitiers sauf beurre, etc.) Fromages

Produits à base de viande (cuits, salés, fumés, etc.)

Viande (et abats) frais

0 100 200 300 400 500 1996 2005 2014 no m br e d e S IQ O Produits halieutiques Autre produits animaux Fromages

Produits à base de viande Viande (et abats) frais

59 d'aliment en 2010 – source : INRA d’après Chever et al. (Chever et al., 2012)

Fromages Produits à base de viande

Viande et

abats frais halieutiques Produits

Autres produits

animaux Vins Spiritueux

Autres SIQO Italie 3 426 1 871 s 0 s 5 690 134 685 France 1 571 356 531 s 49 15 714 2 094 538 Allemagne 50 706 0 s 0 2 277 76 2 619 Royaume Uni 87 s 491 s s 13 4 434 482 Espagne 186 166 163 35 4 3 502 207 315 Autriche 89 s 0 0 0 734 58 50 Portugal 12 3 12 0 0 1 082 4 46 Grèce s 0 0 s s 203 102 753 Irlande s s 0 s 0 0 578 29 Autres pays 886 0 s 0 s 691 453 515 UE 27 6 307 3 157 1 244 443 71 30 376 8 149 6 032 s : confidentiel

La production de produits AOP/IGP est destinée principalement au marché national même si environ 20% de celle-ci est exportée vers le marché communautaire ce qui reste une part conséquente du total. La part de la production exportée hors Union est quant à elle assez faible sauf dans le cas des fromages où elle représente 8% de la production (tableau 1.2.3). Le poids de ces produits dans la production européenne totale est faible sauf dans le cas des fromages où elle atteint 9,6% (tableau 1.2.4). Le détail par pays n’est toutefois pas disponible.

Tableau 1.2.3. Part des ventes de produits sous SIQO par destination en 2010 – source : (Chever et al., 2012)

Viande et abats frais Produits à base de viande Fromages

Total des ventes (Millions €) 1 244 3 157 6 307

Marché national 84% 83% 74%

Export Intra UE 16% 13% 18%

Export Extra UE 0% 4% 8%

Tableau 1.2.4. Poids des productions de produits sous signe de qualité de l’Union Européenne en 2010 – source : (Chever

et al., 2012)

Fromages Produits à base de viande abats frais Viande et halieutiques Produits

Production SIQO (kt) 865.6 346.3 253.0 111

Part de le production totale (%) 9.6% 2.8% 1.3% n.d.

Prix (siqo) / Prix (non-siqo)* 1.59 1.80 1.16 1.16

* En 2010 les ventes de fromages sous protection géographique ont rapporté 1,59 fois la valeur de la même quantité vendue de fromages sans certification

Les données disponibles soulignent aussi que le nombre d’AOP/IGP n’est pas nécessairement corrélé au volume des ventes. Par exemple en 2010, les ventes de fromages de l’Italie se chiffraient à 3,4 milliards d’euros pour 40 fromages sous appellation AOP ou IGP tandis qu’en France les ventes s’établissaient à 1,6 milliards d’euros pour 47 AOP ou IGP fromagères. Ainsi l’Italie détient 54% du chiffre d’affaires des fromages sous AOP/IGP pour seulement 21% des appellations (tableau 1.2.5).

60 Tableau 1.2.5. Comparaison entre chiffre d'affaires des AOP/IGP et nombre d'AOP/IGP enregistrées en 2010 pour les cinq

premiers pays détenteurs d'appellation d'origine en Union européenne - source : INRA d'après DOOR et Chever et al. (Chever et al., 2012)

Fromages Produits à base de viande Viande et abats frais

Chiffre

d'affaires d'AOP/IGP Nombre d'affaires Chiffre d'AOP/IGP Nombre d'affaires Chiffre d'AOP/IGP Nombre

Italie 3 426 40 1 871 33 France 1 571 47 356 6 531 58 Allemagne 50 6 706 9 Royaume Uni 87 13 1 491 11 Espagne 186 25 166 13 163 14 UE27 6307 194 3157 112 1244 119

Chiffre d’affaire en millions d’euros

1.2.8.1.2 Productions animales sous AOP, IGP et STG par type de produits 1.2.8.1.2.1 Fromage IGP / AOP (Classe 1.3):

L’Italie, la France et la Grèce sont les acteurs majoritaires de la production de fromage IGP/AOP en totalisant près de 90% des volumes vendus. En particulier les ventes de fromages SIQO italiens qui devancent celles de fromages français et représentent près d’un tiers des ventes totales de produits animaux sous signe de qualité. On compte parmi les plus exportés le Parmigiano Reggiano, le Grana Padano, le Gorgonzola ou encore la

Mozarella (STG). Les fromages français certifiés les plus vendus sont le Comté, le Roquefort et le Reblochon. La

Grèce, quant à elle, vend majoritairement de la Feta. On remarque qu’à l’exception de cette dernière l’ensemble de ces fromages sont fait à partir de lait de vache. Dans le cas de la France ce sont majoritairement des fromages produits à partir de systèmes de montagne.

Si le poids des produits protégés géographiquement est plutôt limité à l’échelle de l’Union Européenne (10% de la production totale) une analyse par pays montre qu’il est significatif en Italie (38%) et majoritaire en Grèce (54%).

Les ventes de fromages AOP/IGP sont passées de 853 à 865 kt entre 2005 et 2010 marquant une évolution faible sur la période (+1%). En revanche la hausse des prix dans les différentes régions n’a pas affecté le chiffre d’affaire qui lui a augmenté de 20% sur la période ce qui est le signe d’une demande grandissante confrontée à des difficultés d’accroissement de l’offre.

1.2.8.1.2.2 Produits à base de viande (Classe 1.2)

Les produits à base de viande sont dans une très large majorité des appellations utilisant la viande de porc comme matière première. On distingue deux catégories dans les produits à base de viande :

- Les viandes salées ou fumées, ce type de produit représente près des deux tiers de la production de la classe 1.2. avec notamment les jambons et les saucissons.

- Les viandes cuites, comme le pâté, le foie gras ou les rillettes

C’est le deuxième poste de vente le plus important pour les protections géographiques alimentaires. L’Italie, l’Allemagne et la France sont les premiers producteurs et représentent environ 60% du chiffre d’affaire total de l’Union européenne pour cette catégorie de produits. En 2010 on compte 3,2 milliards d’euros de chiffre d’affaire pour les produits à base de viande soit 346 000 tonnes de produits vendus.

Par rapport à l’ensemble des produits à base de viande la proportion d’IGP et d’AOP est assez faible (2,8%) mais on constate cependant que c’est la catégorie où le nombre d’appellation a crû le plus rapidement entre 1996 et 2015. En Italie cette proportion atteint 26% de la production nationale.

61 Fin 2014 on dénombre 147 produits de viande et abats frais. Parmi ces produits enregistrés en viande on compte notamment 44 SIQO en Ovin, 41 en Bovin, 38 en Volailles et 11 en Porc. Les productions de viande et abats frais sont faibles en comparaison du total de la production européenne (1,3%) mais le nombre de SIQO a cru de 50% sur la période 2005-2015. Le secteur des viandes de bœuf a réalisé près de la moitié des ventes en 2010 même si une partie de ce chiffre est lié à un prix au kilo plus élevé que les autres viandes.

Pour l’ensemble de ces viandes 95% des ventes sont concentrées en France, au Royaume Uni et en Espagne. La plupart des poulets AOP/IGP vendus sont d’origine française tandis que les viandes de bœufs et de mouton sont réparties entre pays même si le Royaume-Uni maintient sa place de leader dans le secteur des viandes de ruminants sous signe de qualité.

1.2.8.1.2.4 Produits halieutiques (Classe 1.7)

Ce secteur est le plus faible des productions animales sous signe de qualité. Le Royaume Uni et la France réalisent la majorité des ventes en 2010 avec très peu de produits. Entre 2010 et 2014 le nombre de SIQO enregistrées pour les poissons est toutefois passé de 11 à 37 et passera au minimum à 42 fin 2015. Le nombre de poissons vendus sous signe de qualité pourrait donc évoluer prochainement augmentant ainsi la concurrence avec le poisson importé.