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Les m´ ethodes d’imagerie du d´ eveloppement de la drosophile

3.3 Applications en biologie

4.1.3 Les m´ ethodes d’imagerie du d´ eveloppement de la drosophile

C’est en partie `a cause de la rapidit´e de son d´eveloppement ainsi que de son opacit´e que d’autres organismes, comme le poisson z`ebre Danio rerio, sont actuellement pr´ef´er´es `a la dro- sophile comme mod`eles pour l’´etude dynamique des mouvements morphog´en´etiques. A titre d’exemple, l’embryon de poisson z`ebre, qui est sensiblement plus transparent que celui de la dro- sophile, pr´esente une gastrulation qui dure plus de 4 heures, compar´e `a seulement 45 minutes chez la drosophile. Par cons´equent, l’´etude dynamique de la gastrulation de la drosophile a d’abord n´ecessit´e des m´ethodes indirectes comme l’extrapolation du mouvement `a partir d’images « sta- tiques » obtenues en microscopie ´electronique `a balayage [189] ou `a l’aide de coupes sophistiqu´ees d’embryons fix´es [190]. Plus r´ecemment, et malgr´e les limites des techniques d’imagerie conven- tionnelles, l’int´erˆet d’une approche dynamique in vivo a ´et´e d´emontr´e en utilisant la microscopie en lumi`ere transmise [180] ou la microscopie de fluorescence conventionnelle ou confocale (voir par exemple [178, 191, 192]). Cette derni`ere approche a pris son essor `a partir de 1995 avec l’introduction de souches transg´eniques de drosophile exprimant la GFP [193].

Pour visualiser correctement les mouvements morphog´en´etiques dans l’embryon, il est n´e- cessaire d’utiliser une technique satisfaisant principalement `a trois crit`eres : d’abord, elle doit fournir une description des mouvements r´esolue en trois dimensions. Ensuite, l’embryon ´etant tr`es diffusant, elle doit permettre d’obtenir des images en profondeur dans ce type de milieu. Enfin, elle doit ˆetre suffisamment peu invasive pour permettre de visualiser l’embryon sur le long terme sans perturber son d´eveloppement. Nous allons donc dans ce paragraphe ´evaluer les performances des diff´erentes techniques d’imagerie de l’embryon de drosophile selon ces trois crit`eres.

a La microscopie en lumi`ere transmise La microscopie en lumi`ere transmise a l’avantage d’ˆetre tr`es simple et peu on´ereuse `a mettre en œuvre. Elle est cependant difficile `a utiliser pour l’´etude de la gastrulation chez la drosophile du fait de l’opacit´e de l’embryon. Comme l’illustre la figure 4.7, avant la gastrulation, l’embryon apparaˆıt presque noir en lumi`ere transmise, `a l’exception d’une bande occup´ee par les noyaux `a la p´eriph´erie. On peut relier cette opacit´e centrale `a la pr´esence d’une forte densit´e de corps lipidiques microm´etriques en bordure du vitellus. En effet, comme on l’a vu dans la section 3.2.1.3, page 117, ces structures, qui induisent une forte diffusion de la lumi`ere visible (voir figure 4.11 et figure 1.11, page 23), sont s´egr´eg´ees `a la base de la r´egion des noyaux pendant la cellularisation, expliquant la transparence de la zone p´eriph´erique de l’embryon. Au d´ebut de la gastrulation, les corps lipidiques vont recoloniser les cellules [144] et on observe une opacification de la r´egion p´eriph´erique (figure 4.7-b).

D’autre part, cette technique ne permet pas d’obtenir une r´esolution tridimensionnelle sur un ´

t = 0 min

t = 30 min

(a)

(b)

Fig. 4.7 – L’embryon de drosophile en lumi`ere transmise.

(a), pendant la cellularisation, le vitellus est tr`es opaque mais la r´egion des noyaux est transparente. (b), au d´ebut de la gastrulation, les cellules s’opacifient `a cause de la recolonisation des corps lipidiques.

des mouvements : on verra un exemple des probl`emes rencontr´es pour la quantification dans la section 4.2.2. Ainsi, l’imagerie en lumi`ere transmise sera insuffisante pour obtenir les donn´ees n´ecessaires `a l’analyse du mouvement des tissus, notamment `a l’int´erieur de l’embryon.

b La microscopie de fluorescence `a un photon De la mˆeme fa¸con, l’imagerie conven- tionnelle de fluorescence est inadapt´ee pour obtenir des images r´esolues en trois dimensions dans les embryons (figure 4.9). La microscopie confocale permet d’obtenir ce sectionnement optique mais elle est limit´ee par la diffusion tr`es forte au centre de l’embryon (section 4.2.1). Elle est donc plus adapt´ee pour visualiser la surface de l’embryon [194, 195] qu’une coupe sagittale, pour laquelle la forte autofluorescence du vitellus et le caract`ere diffusant de l’embryon induisent un bruit de fond important. En outre, l’utilisation de la microscopie confocale `a un photon pose d’importants probl`emes de phototoxicit´e, surtout si l’on cherche `a suivre le d´eveloppement de l’embryon en 3 dimensions [23].

c La microscopie de fluorescence `a deux photons Ces arguments incitent `a utiliser pr´ef´erentiellement la microscopie 2PEF pour faire l’image des embryons de drosophile : en effet, Squirrell et al. [23] ont montr´e une tr`es nette r´eduction de la phototoxicit´e chez les embryons de hamster entre la microscopie 1PEF et 2PEF, notamment du fait de l’absorption r´eduite des esp`eces endog`enes.

La fluorescence endog`ene du vitellus (et, en dessous de 750 nm, des mitochondries entourant les noyaux) permet d’envisager une imagerie sans marquage de l’embryon. Cependant, comme elle n’est significative que pour des courtes longueurs d’onde d’excitation (figure 4.8)7, elle s’accom- pagne d’une phototoxicit´e importante empˆechant le d´eveloppement de l’embryon. Ceci concorde avec de nombreuses ´etudes attestant de la toxicit´e de l’imagerie 2PEF prolong´ee dans la gamme 750-850 nm [196, 197, 198].

Ainsi, il est n´ecessaire pour visualiser l’embryon en microscopie 2PEF d’utiliser un marquage

7L’origine de cette fluorescence n’est pas document´ee dans la litt´erature. D’apr`es les spectres d’excitation et de

fluorescence que nous avons obtenus (figures 4.8 et 4.9, et r´ef´erence [48]), nous l’avons attribu´ee majoritairement

400 450 500 550 600 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 750 nm 820 nm 900 nm Longueur d'onde (nm) Si gn al d e fl uo re sc en ce ( u. a. ) 720 750 780 810 840 870 900 1E-3 0,01 0,1 1 F luo res cen ce en do gène/ G FP (u .a .) Longueur d'onde (nm) (a) (b) (c)

Fig. 4.8 – Fluorescence endog`ene de l’embryon de drosophile.

(a), le spectre d’´emission de la fluorescence endog`ene du vitellus que nous avons mesur´e pour diff´erentes longueurs d’onde d’excitation, tr`es proche des spectres du NADH publi´es par Huang et al. [53] (spectre du NAD(P)H excit´e `a 750 nm, rond et triangles, et de diff´erentes flavines, traits+points, courbe b), incite `a attribuer la majeure partie de la fluorescence d´etect´ee `a cette mol´ecule. Corroborant cette analyse, l’efficacit´e d’excitation (ici compar´ee `a celle de la e-GFP dans un embryon transg´enique dont les noyaux sont marqu´es avec cette prot´eine) chute nettement lorsque la longueur d’onde d’excitation augmente (courbe c). Une fraction tr`es faible de fluorescence subsiste cependant au del`a de 850nm, attribuable partiellement `a un marquage GFP non sp´ecifique ainsi peut-ˆetre qu’`a d’autres composants non identifi´es.

qui est le plus souvent une prot´eine fluorescente comme la e-GFP8 (figure 4.9).

Cette m´ethode de visualisation est tr`es bien adapt´ee pour visualiser le d´eveloppement de l’embryon, et permet d’obtenir des r´esultats spectaculaires sur l’ensemble de l’embryon dans un contexte transg´enique [35]. Cependant, elle est essentiellement limit´ee par la n´ecessit´e de marquer l’embryon pour disposer d’une source de contraste utilisable. Ce marquage introduit deux difficult´es : d’une part, il restreint ce type d’imagerie `a des lign´ees transg´eniques, ce qui pose probl`eme dans un contexte o`u l’on cherche entre autres `a faire l’image de mutants parfois complexes pour lesquels de telles lign´ees n’existent pas toujours9. D’autre part, ces marquages sont sp´ecifiques d’un type de structure et ne sont g´en´eralement pas r´epartis dans l’ensemble de l’embryon : ainsi certaines r´egions ne seront-elle pas visibles.

Pour ces deux raisons, il est pr´ef´erable de disposer d’une technique ne requ´erant aucun mar- quage. C’est dans ce contexte que nous avons d´evelopp´e l’imagerie de l’embryon par microscopie THG.

8enhanced GFP, prot´eine la plus utilis´ee dans les souches transg´eniques de drosophile. Voir par exemple

http://flybase.bio.indiana.edu/

9Notons d’autre part qu’un marquage par injection, bien que possible [191] est tr`es d´elicat car la membrane

vitelline entourant l’embryon forme une barri`ere imp´en´etrable pour le colorant et son percement entraˆıne souvent

720nm 810nm 900nm (a) (b) (c) (d) 455-495nm 1PEF 2PEF 2PEF 2PEF

Fig. 4.9 – Visualisation d’un embryon de drosophile exprimant une GFP localis´ee dans les noyaux.

(a), visualisation en microscopie de fluorescence conventionnelle. La forte autofluores- cence du vitellus est d’intensit´e comparable `a la celle de la GFP. (b-d), microscopie 2PEF avec diff´erentes longueurs d’onde d’excitation. Pour les courtes longueurs d’onde (720 nm), on d´etecte essentiellement le signal d’autofluorescence du vitellus, des mito- chondries qui dessinent le contour des noyaux, ainsi que de la membrane vitelline. Pour les grandes longueurs d’onde au contraire, la fluorescence endog`ene est pratiquement inexistante et on visualise les noyaux marqu´es par la GFP.

Fig. 4.10 – Visualisation d’un embryon de drosophile sauvage en mi- croscopie THG.

Embryon d´echorionn´e (voir appendice E), en cours de cellularisation. Le signal provenant des corps lipidiques permet de visualiser la position du front de cellularisation (fl`eche noire) et d´elimite le contour des noyaux (fl`eche blanche). Un signal provient ´egalement de structures de quelques microns pr´esentes dans le vitellus (fl`eche grise). Barre d’´echelle, 50mm. Longueur d’onde d’excitation 1180 nm, puissance 100 mW, ouverture num´erique 0.6, temps d’acquisition 3 s.

4.2

Imagerie THG du d´eveloppement des embryons de