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Effet de la diffusion et de l’absorption du milieu

2.3 Caract` ere directionnel de l’´ emission et efficacit´ e de d´ etection

2.3.2 Effet de la diffusion et de l’absorption du milieu

2.3.2.1 Etude th´´ eorique

Nous avons vu dans la section pr´ec´edente qu’il ´etait en g´en´eral impossible de d´etecter un signal THG intrins`equement rayonn´e vers l’arri`ere. Dans une g´eom´etrie d’´epicollection, le signal d´etect´e sera donc constitu´e par les photons harmoniques qui ont ´et´e diffus´es au sein du tissu et redirig´es vers la surface. Afin d’estimer l’efficacit´e de ce ph´enom`ene de r´etrodiffusion, il faut consid´erer les propri´et´es optiques des tissus biologiques : la table 1.2 (page 23) donne une estimation du libre parcours de diffusion et du coefficient d’anisotropie de diffusion dans diff´erents tissus. Elle montre notamment que dans la plupart des cas, la diffusion au sein des tissus est fortement anisotrope et dirig´ee vers l’avant. Ainsi, apr`es un ´ev`enement de diffusion, la direction de propagation du photon n’est pas al´eatoire mais fortement corr´el´ee avec sa pr´ec´edente direction.

Pour que les photons harmoniques soient redirig´es `a l’oppos´e de leur direction d’origine, il faut donc que plusieurs ´ev`enements de diffusion se produisent. Pour estimer le nombre N de diffusions n´ecessaires, estimons d’abord le nombre d’´ev`enements au bout duquel les photons ont perdu la m´emoire de leur direction initiale : si θ0 = 0 est l’angle initial de propagation du photon

et θn celui apr`es n ´ev`enements de diffusion, on a :

hcos θni ≈ gncos θ0 ≈ (1 − n(1 − g)) (2.25) si l’on suppose que g ≈ 1.

Lorsque les photons ont compl`etement perdu la m´emoire de leur direction initiale, on a statistiquement : hcos θni = 0, ce qui se produit donc pour un nombre de diffusions N ≈ 1/(1−g). Le photon a alors parcouru en moyenne dans la direction initiale une distance :

lt= ls

1 − g (2.26)

lt est appel´ee longueur de transport et pour g ≈ 0.9 (voir 1.2), elle est de l’ordre de 10 × ls.

θ0=0 θ1 θn ls lt 〈θ〉=0

Fig. 2.48 – Diffusions multiples au sein d’un tissu.

On peut donc se ramener au cas d’une diffusion isotrope en consid´erant que le photon change al´eatoirement de direction tous les lt (figure 2.48) [119] : comme les photons THG sont initiale- ment cr´e´es en z = z0 vers l’avant, ils parcourent tout d’abord une distance moyenne lt dans la direction de propagation du faisceau excitateur. Ensuite, leurs directions deviennent al´eatoires et ils sont diffus´es de fa¸con isotrope par le tissu avec un libre parcours de diffusion lt. Tout se passe donc comme si les photons rayonnaient de fa¸con isotrope `a partir d’une source situ´ee `a la profondeur z0 + lt (figure 2.49). La diffusion peut donc rediriger une partie significative du signal THG vers l’objectif de focalisation. Dans le cas analogue de la microscopie CARS, Evans et al. montrent par exemple une efficacit´e de collecte d’environ 40% pour une ´emulsion de lipides non absorbants `a la fr´equence du signal CARS, et de 15% dans la peau de souris d’apr`es des simulations Monte-Carlo de la propagation dans le tissu [120].

On peut estimer que la distance moyenne parcourue avant que les photons ne sortent du tissu est de l’ordre de quelques lt, et au minimum de 2z0+ 2lt. La premi`ere cons´equence de ce r´esultat est que le signal THG d´etect´e en ´epicollection est enti`erement constitu´e de photons en r´egime diffusif, dont la position et l’orientation `a la sortie du tissu sont al´eatoires. Ainsi, et contrairement au cas de la fluorescence, mˆeme dans le cas o`u l’on fait l’image d’un plan juste en dessous de la surface du tissu, le champ de vue de l’objectif d´eterminera de fa¸con critique l’efficacit´e de d´etection du signal [13] (figure 2.49).

D’autre part, mˆeme pour de faibles profondeurs d’imagerie, le trajet parcouru par les photons harmoniques dans le tissu est grand (au moins 1000-1500mm pour des valeurs typiques de ls =

50mm et g = 0.9 et une faible profondeur d’imagerie). L’absorption du tissu `a la fr´equence harmonique devient donc un param`etre crucial pour l’efficacit´e de d´etection du signal THG.

Dans le cas d’une ´emission isotrope, au moins jusqu’`a des profondeurs interm´ediaires, le rayonnement initialement ´emis vers l’arri`ere, et qui traverse donc une faible ´epaisseur de tissu (typiquement 0-100mm soit 0-2ls), va constituer une part importante du signal d´etect´e. Pour ce rayonnement, si l’on consid`ere un libre parcours d’absorption labs de l’ordre du millim`etre (mati`ere blanche du cerveau par exemple), l’absorption est n´egligeable : la perte de signal qui lui est due est de l’ordre de 10 `a 15% (50% pour labs = 200mm). Par contre, elle produit des effets tr`es importants, mˆeme pour des coefficients d’absorption relativement faibles, dans le cas du signal r´etrodiffus´e qui parcourt une vingtaine de longueurs de diffusion dans le tissu : en effet avec les mˆemes param`etres que pr´ec´edemment, on trouve une att´enuation de 70% de la lumi`ere collect´ee pour labs = 1000mm, et de 99.8% pour labs = 200mm.

Champ de vue objectif lt ls (a) Champ de vue objectif (b) THG Fluo

Fig. 2.49 – Importance du champ de vue pour collecter la lumi`ere multidiffus´ee.

(a), dans le cas de la THG, `a cause des diffusions multiples, le signal semble provenir d’une source ´etendue donc l’efficacit´e de d´etection d´epend fortement de la taille du champ de vue (cˆone vert, traits pointill´es). (b), dans le cas de la fluorescence, ceci reste vrai pour les photons initialement ´emis vers l’avant. Par contre, `a faible profondeur, les photons ´emis vers l’arri`ere sont le plus souvent balistiques ou serpentiles, et leur efficacit´e de d´etection d´epend presque uniquement de l’ouverture num´erique de l’objectif (cˆone rouge, traits pleins).

En microscopie de fluorescence `a deux photons, intrins`equement isotrope, il est donc possible de collecter un signal balistique, au moins `a faible profondeur, mˆeme pour un tissu fortement absorbant `a la longueur d’onde du signal. Au contraire, en microscopie THG, il sera impossible de d´etecter un signal r´etrodiffus´e d`es que le libre parcours d’absorption est inf´erieur `a une dizaine de libres parcours de diffusion (figure 2.50).

Champ de vue objectif (a) Champ de vue objectif (b) THG Fluo

Fig. 2.50 – Influence de l’absorption du signal sur l’efficacit´e de d´etection.

(a), dans le cas de la THG, tr`es peu de photons ressortent du tissu apr`es un long trajet de r´etrodiffusion d`es que l’absorption devient mod´er´ee. (b), dans le cas de la fluorescence, `a faible profondeur, le tissu perd sont rˆole de miroir diffusant, d’o`u une chute du signal total. Par contre, les photons balistiques ou serpentiles ´emis vers l’arri`ere restent d´etectables pour une absorption et une profondeur d’imagerie mod´er´ees.

2.3.2.2 Confirmation exp´erimentale

Nous avons tout d’abord quantifi´e l’influence de la diffusion du signal THG sur l’efficacit´e de d´etection en utilisant un ´echantillon constitu´e de billes microm´etriques de polystyr`ene immobi- lis´ees dans un gel d’agarose `a 3% en masse, d’une ´epaisseur z de 3-4 mm : ces billes servent `a la fois `a induire la diffusion du milieu, qui peut ˆetre ajust´ee en fonction de leur concentration, et `

a produire une source de signal THG r´epartie dans l’ensemble de l’´echantillon. Les gels utilis´es sont suffisament minces pour qu’il soit possible de d´etecter un signal en transmission. Nous avons donc d’abord mesur´e le signal THG collect´e en transmission et en ´epid´etection pour diff´erentes valeurs du rapport z/ls.

Les r´esultats obtenus sont pr´esent´es sur la figure 2.51 : pour de faibles valeurs de z/ls, le signal d´etect´e en ´epicollection est n´egligeable par rapport `a celui collect´e en transmission. Ceci confirme pour cet ´echantillon que le signal d´etect´e est bien un signal r´etrodiffus´e, qui doit ˆetre faible pour z/ls ≈ 1 − 2. En effet, le gel n’est pas assez ´epais pour que le signal puisse ˆetre redirig´e vers la surface avant de le traverser (soit lt> z). De plus, comme lsest grand, si certains photons sont r´etrodiffus´es, leur point de sortie du tissu sera ´eloign´e de l’axe optique de l’objectif, donc leur probabilit´e de d´etection sera faible. Enfin, comme le signal THG est peu diffus´e, il est efficacement d´etect´e en transmission. Quand z/ls augmente, l’ensemble de ces facteurs tend `a faire augmenter le rapport des puissances d´etect´ees en ´epi et en transmission, qui atteint dans cette exp´erience 30-35% pour z/ls ≈ 100 (objectif de focalisation 60x, 0.8NA).

D’autre part, nous avons cherch´e `a d´eterminer l’influence du champ de vue de l’objectif de focalisation utilis´e : si l’on compare sur la figure 2.51 le signal obtenu pour deux objectifs de

0 20 40 60 80 100 0.00 0.25 0.50 0.75 1.00

z/l

s epi /tran s 20×, 0.8 NA 60×, 0.8 NA

z

epi trans

Fig. 2.51 – Epid´etection du signal r´etrodiffus´e dans un ´echantillon mod`ele.

L’´echantillon ´etudi´e est un gel d’agarose d’´epaisseur e contenant des billes de polystyr`ene `

a diff´erentes concentrations. Le signal THG est cr´e´e `a une profondeur e − z << z dans le gel et collect´e `a travers l’objectif de focalisation (epi) ou en transmission (trans). Le rapport epi/trans est quantifi´e pour deux objectifs (60x, champ de vue de 300mm et 20x, champ de vue de 1000mm) en fonction de z/ls. L’´epid´etection est plus efficace pour un milieu ´epais et diffusant et un objectif de grand champ de vue.

mˆeme ouverture num´erique (0.8) mais dont l’un poss`ede un champ de vue de 330mm (objectif 60x) de diam`etre contre 1000mm (objectif 20x) pour l’autre, on constate effectivement une nette diff´erence d’efficacit´e de d´etection du signal r´etrodiffus´e : le gain sur l’efficacit´e de d´etection, entre les deux objectifs, est typiquement d’un facteur 2-313.

Finalement, nous avons v´erifi´e sur un tissu biologique la possibilit´e de d´etecter un signal THG r´etrodiffus´e : pour cela, nous avons fait l’image du bord d’un poumon de souris fraˆıchement excis´e et lav´e. A la surface du poumon, le signal THG provient principalement de structures de taille microm´etrique (chapitre 3). Nous avons mesur´e les signaux THG en transmission et en ´

epid´etection, en utilisant l’objectif 20x `a grand champ de vue pour la focalisation du faisceau. La figure 2.52 pr´esente les r´esultats obtenus pour une excitation `a une longueur d’onde de 1.18mm. En transmission, le signal est surtout important sur le bord du tissu : d’une part, comme le montre la figure 2.51(a), la profondeur de tissu travers´ee par le faisceau excitateur au centre du tissu est plus importante, donc le signal est moins efficacement cr´e´e que sur le bord, o`u le faisceau est focalis´e en surface. D’autre part, comme le bord du tissu est tr`es raide, une partie du signal THG, dirig´ee vers l’avant, peut sortir du tissu et se propager sans diffusion jusqu’au condenseur, o`u elle est d´etect´ee avec une meilleure efficacit´e qu’au centre o`u l’ensemble du signal subit des diffusions multiples avant d’ˆetre d´etect´e14.

Au contraire, en ´epid´etection, le centre du tissu fournit plus de signal que le bord. Ceci est

13Pour des photons enti`erement en r´egime diffusif, l’efficacit´e de collecte est proportionnelle au carr´e du champ

de vue. Ceci correspondrait dans notre cas `a un gain d’un facteur 9 entre les deux objectifs. Une partie du champ

de vue est donc certainement diaphragm´ee au niveau du chemin d’´epid´etection.

14Le tissu a en effet une ´epaisseur totale d’environ 800mm, soit nettement sup´erieure `a la longueur de diffusion

epi trans (a) (b) trans-THG (c) 50 µm epi-THG ~800µm

Fig. 2.52 – Epid´etection du signal r´etrodiffus´e dans un ´echantillon biologique.

(a), g´eom´etrie du poumon de souris visualis´e dans cette exp´erience. Le plan imag´e se situe une dizaine de microns en dessous de la surface de l’´echantillon, dont l’´epaisseur est d’environ 800mm. (b), image THG obtenue en ´epid´etection et (c), en transmission, acquises simultan´ement. Les profils en dessous des images sont les profils de signal THG selon la direction horizontale dans les deux cadres noirs.

coh´erent avec l’hypoth`ese d’un signal r´etrodiffus´e : la r´etrodiffusion sera plus efficace au centre du tissu, o`u le milieu peut ˆetre consid´er´e comme semi-infini, que sur le bord o`u une partie des photons va s’´echapper avant d’ˆetre redirig´ee vers l’arri`ere. Cet effet est d’autant plus remarquable que la diffusion plus importante du faisceau excitateur au centre aurait dˆu produire une variation oppos´ee. Cette r´epartition du signal THG confirme donc l’hypoth`ese d’un signal r´etrodiffus´e.

Cette r´etrodiffusion est possible car le poumon est un tissu clair, peu vascularis´e, et dont l’absorption est donc r´eduite autour de 400 nm. Au contraire, dans le foie qui est lui tr`es vascu- laris´e, nous n’avons pas pu d´etecter de signal en ´epicollection, mˆeme en surface du tissu : cette observation confirme ´egalement l’absence de signal THG intrins`equement rayonn´e vers l’arri`ere.

2.3.3

R´ecapitulatif

On peut finalement r´esumer les propri´et´es directionnelles du rayonnement THG et leurs cons´equences sur la d´etection du signal :

- Pour des objets de taille sup´erieure `a une centaine de nanom`etres, la cr´eation du signal se fait tr`es majoritairement vers l’avant. Comme les objets di´electriques de quelques dizaines de nanom`etres donnent un signal tr`es faible, il n’y a pas de signal THG intrins`equement dirig´e vers l’arri`ere dans les tissus biologiques.

et d´etect´ee dans une g´eom´etrie d’´epicollection. La d´etection sera d’autant plus efficace que le champ de vue de l’objectif utilis´e est important.

- Cette r´etrodiffusion n’est possible que si le tissu n’est pas ou tr`es faiblement absorbant `a la fr´equence harmonique. Pour une excitation autour de 1.2mm, la fr´equence THG correspond aux bandes d’absorption des h´emoprot´eines (h´emoglobine, myoglobine, cytochromes...) donc il sera n´ecessaire entre autres de travailler sur des tissus peu vascularis´es ou exsanguin´es.