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Autres structures visibles en microscopie THG

3.2 Identification des structures biologiques donnant un fort signal THG

3.2.2 Autres structures visibles en microscopie THG

Jusqu’ici nous avons montr´e que deux conditions distinctes ´etaient n´ecessaires pour obtenir un signal important en microscopie par g´en´eration de troisi`eme harmonique :

– d’une part, il faut que les structures observ´ees aient une taille comparable `a celle du volume focal. Si l’on cherche `a visualiser des corps lipidiques de petite taille (100-300 nm), leur signal sera plus faible et donc plus proche de celui d’autres structures.

– d’autre part, il faut que les propri´et´es optiques des structures observ´ees soient tr`es diff´erentes de celles du milieu environnant.

Ceci peut se produire par exemple dans le cas de structures tr`es denses (paragraphe 3.2.2.1) ou dans le cas de mol´ecules dont la polarisabilit´e non lin´eaire est exalt´ee par la proximit´e de r´esonances `a un, deux ou trois photons (paragraphe 3.2.2.2).

3.2.2.1 Structures solides amorphes ou cristallines

La g´en´eration de troisi`eme harmonique par des structures denses a initialement ´et´e d´ecrite par Oron et al. [91, 92], dans le cas de spicules d’oursin (structures cristallines compos´ees de calcite) ou de cystolithes (agr´egats calcaires, amorphes, que l’on peut trouver dans les feuilles de certains arbres). Ces structures `a base de carbonate de calcium produisent un contraste important du fait de leur densit´e et ´eventuellement, dans le cas des structures cristallines, du fait de leur bir´efringence qui peut permettre d’obtenir l’accord de phase dans l’´echantillon (figure 3.29-a).

On peut ´etudier la structure de ces objets en s’int´eressant `a la polarisation de l’onde har- monique obtenue en diff´erents points : les auteurs montrent qu’ils peuvent par cette m´ethode cartographier les directions privil´egi´ees de diff´erents biocristaux.

(a)

(b)

Fig. 3.29 – Imagerie de concr´etions calciques en microscopie THG.

(a), images d’un cystolithe extraites de la r´ef´erence [92]. Chaque image a une taille de 70mm × 70 mm. L’image en noir et blanc du signal THG a ´et´e superpos´ee `a une image en couleur r´esolue en polarisation. (b), reconstitution tridimensionnelle d’un otolithe de poisson-z`ebre ˆag´e de 48h. Barre d’´echelle, 10mm. Longueur d’onde d’excitation, 1180 nm. Temps d’acquisition, 350 ms par plan et 18 s pour l’image 3D.

b

a1

a2

Fig. 3.30 – Granules d’amidon en microscopie multiphotonique.

Structure (a1) et image de microscopie ´electronique (a2) d’un granule d’amidon en coupe. Images adapt´ees du site : www.cheng.cam.ac.uk/research/groups/polymer/RMP/nitin/Starchstructure.html. (b), image combin´ee SHG (vert) et THG (violet) du bord d’une graine de soja [40]. Au bord, la THG r´ev`ele la pr´esence de corps lipidiques tandis que vers le centre, le signal provient principalement de granules d’amidon dont la structure semi-cristalline permet la cr´eation d’un important signal de seconde harmonique [60]. Nous avons ´egalement observ´e un fort signal de troisi`eme harmonique au bord des granules et au niveau de leur craquelure centrale. Barre d’´echelle, 25mm. Longueur d’onde d’excitation, 1180 nm. Temps d’acquisition, 3.7 s.

De mˆeme, nous avons observ´e l’´emission de troisi`eme harmonique par un otolithe pr´esent dans l’oreille interne de la larve de poisson-z`ebre (figure 3.29-b). L’otolithe est une concr´etion calcique semi-cristalline, servant `a l’´equilibration du poisson17.

Finalement dans les plantes, on d´etecte dans les tissus qui en contiennent (graines, germes) les contours des granules d’amidon qui forment des structures semi-cristallines concentriques avec une craquelure centrale. Encore une fois, nous avons expliqu´e ce contraste par la forte densit´e de ces structures.

3.2.2.2 Structures exalt´ees par r´esonance

D`es 2002, Yelin et al. [149] montrent que les structures visibles dans les images obtenues par microscopie de troisi`eme harmonique d´ependent de la longueur d’onde d’excitation : en comparant l’image d’une cellule pour des longueurs d’onde excitatrices de 1500, 1230 et 810 nm, les auteurs soulignent que certaines organelles ne sont visibles que pour la troisi`eme longueur d’onde18. Plus r´ecemment, Clay et al. [99] ont montr´e sur la gamme de longueur d’onde du laser titane-saphir que les variations des susceptibilit´es χ(3) de nombreuses mol´ecules ´etaient corr´el´ees `

a leurs spectres d’absorption `a un, deux ou trois photons, ce qui sugg`ere une forte influence des r´esonances sur l’efficacit´e de cr´eation du signal THG.

Dans de nombreux tissus, on peut d´etecter un signal important de structures qui pr´esentent une absorption `a deux ou trois photons dans la gamme de longueur d’onde consid´er´ee. Barzda et al. [100] ´etudient dans des cardiomyocytes le signal THG provenant des mitochondries pour une excitation `a 810 ou 1064 nm. Les auteurs attribuent la pr´esence de ce signal `a la structure quasi- cristalline des prot´eines dans la membrane des mitochondries, mais les bandes d’absorption autour de 400 nm des h´emoprot´eines qu’elles contiennent peuvent ´egalement ˆetre un facteur d’exaltation, comme le montrent les mesures r´ealis´ees par Clay et al. sur l’h´emoglobine [99].

Pour notre part, nous avons d´etect´e un fort signal THG dans des structures analogues, les plastes, pr´esents notamment dans les tissus verts des plantes. Ces structures sont elles aussi tr`es organis´ees et contiennent des pigments tels que la chlorophylle (pour les chloroplastes)19, tr`es absorbante autour de 400 nm et ´emettant une fluorescence intense autour de 650-700 nm (voir figure 3.31). L’absorption vers 400 nm (r´esonance `a trois photons) et l’organisation cristalline de la chlorophylle expliquent l’existence d’un fort signal THG, que l’on peut d´etecter en mˆeme temps que la fluorescence des chloroplastes qui est facilement excitable `a 1.18mm.

En illuminant un ensemble de plastes de fa¸con r´ep´etitive, on s’aper¸coit que le signal THG s’att´enue tr`es rapidement alors que le signal de fluorescence d´ecroˆıt peu : il est probable que, via une absorption multiphoton de la chlorophylle, l’´energie d´epos´ee dans les plastes lors de l’imagerie induise une d´esorganisation de leur structure. Ceci implique qu’une partie du signal

17Pour la petite histoire, l’otolithe permet par ailleurs de d´eterminer l’age des poissons. En effet les concr´etions

calciques successives, d´epos´ees selon un rythme circadien, forment des cercles alternativement clairs et sombres :

comme un tronc d’arbre, l’otolithe constitue donc une v´eritable archive biologique utilis´ee pour appr´ehender

l’´ecologie des poissons. . .

18Notons qu’entre ces longueurs d’onde, la r´esolution de l’image change, ce qui peut aussi faire varier le signal

relatif de diff´erentes structures par des effets purement g´eom´etriques (chapitre 2).

19La situation est analogue pour les chromoplastes, qui ont une structure du mˆeme type et accumulent eux des

200 300 400 500 600 700 1000 10000 100000 Absorpt ion (OD/ M/c m ) 600 700 800 0,0 0,5 1,0 Fluores cence (u.a.) Longueur d'onde (nm) a1 a2 b

Fig. 3.31 – Structure des chloroplastes et propri´et´es de la chloro- phylle.

(a1), spectre d’absorption et (a2), spectre d’´emission de la chlorophylle. Source : http ://omlc.ogi.edu/spectra/PhotochemCAD. (b), structure d’un chloroplaste. La chlorophylle est localis´ee dans les membranes des thylaco¨ıdes. Figure adapt´ee de http ://www.snv.jussieu.fr/bmedia/Chloroplaste/index.html. 0 40 80 0,1 1 2PEF THG THG/(2PEF)2 Si gnal m esuré (u.a.) Nombre d'images a1 a2 b 20 µm THG 2PEF

Fig. 3.32 – Images de chloroplastes en microscopie THG.

(a1), image THG et (a2), image de fluorescence de chloroplastes pr`es de la nervure centrale d’une feuille d’Arabidopsis. Barre d’´echelle, 20mm. Temps d’acquisition, 1.6 s. Longueur d’onde : 1180 nm, ouverture num´erique 0.6. (b), variation du signal total dans la zone encadr´ee sur la figure (a1) en fonction du nombre d’images effectu´ees : la courbe repr´esentant le signal THG normalis´e par le carr´e du signal de fluorescence d´ecroˆıt d’abord brusquement, indiquant que le signal THG chute plus vite que ne l’explique le blanchiment des mol´ecules, probablement `a cause de la d´esorganisation des structures du plaste. La courbe atteint ensuite un palier, qui indique que la chute du signal est alors corr´el´ee au blanchiment.

THG est attribuable `a l’organisation g´eom´etrique des pigments dans les plastes. Cependant apr`es que le signal a chut´e de moiti´e, sa diminution devient plus lente. Si l’on suppose que le signal de fluorescence varie avec le nombre de mol´ecules non blanchies, le signal THG (coh´erent) doit d´ecroˆıtre comme le carr´e du signal de fluorescence, ce que l’on confirme exp´erimentalement (figure 3.32-b, croix). 250 500 750 1000 10 100 1000 10000 D ensit é opt ique (u.a.) Longueur d'onde (nm) (c) (a) (b)

Fig. 3.33 – Images de m´elanosomes en microscopie THG.

Image de microscopie THG (violet) et SHG (jaune) d’une larve de poisson-z`ebre ˆag´ee de 48 h (b). Barre d’´echelle, 20mm, longueur d’onde d’excitation, 1180 nm, dur´ee d’acquisi- tion, 14 s par image et 2 min pour l’image compl`ete (10 plans s´epar´es de 2mm). La zone imag´ee est repr´esent´ee sur la figure (a) (image adapt´ee de [150]). Nous avons attribu´e le fort signal THG au niveau de l’´epiderme aux m´elanosomes (fl`eche rouge) du fait de la forte absorption de la m´elanine `a deux et trois photons. On d´etecte ´egalement un petit signal (environ un ordre de grandeur plus faible, fl`eche verte) au niveau de la bordure des muscles. L’absorption de la m´elanine est illustr´ee sur la courbe (c) d´ecrivant son spectre d’absorption `a un photon dans la peau (source :http ://www.omlc.ogi.edu/spectra/). La courbe est en unit´es arbitraires car la densit´e optique d´epend beaucoup du type de tissu consid´er´e.

Enfin, nous avons observ´e ´egalement un signal THG que nous avons attribu´e aux m´elanosomes de la larve de poisson-z`ebre. Les m´elanosomes, v´esicules lipidiques contenant la m´elanine [151], sont responsables de la pigmentation de la peau chez les animaux. Chez le poisson-z`ebre, cette pigmentation apparaˆıt tr`es tˆot (figure 3.33-b, embryon ˆag´e de 48 h). La forte absorption dans l’UV et le visible de la m´elanine (figure 3.33-c) peut expliquer l’exaltation du signal THG d´etect´e au niveau de l’´epiderme.

Cette exaltation du signal THG a pour contrepartie des effets phototoxiques tr`es importants : comme on l’a vu dans le cas des plastes, une importante absorption multiphotonique peut induire une d´esorganisation des structures, voire des effets photodestructifs plus importants dans les tissus [35, 82, 152, 153, 154]. Une des difficult´es de la microscopie THG est qu’elle n´ecessite une forte intensit´e excitatrice (voir chapitre 1), ce qui fait qu’une absorption mˆeme mod´er´ee peut conduire `a un important d´epˆot d’´energie dans l’´echantillon. On verra au chapitre 4, section 4.3,

l’influence de l’absorption multiphotonique sur les dommages induits dans le cas de l’embryon de drosophile.

Ainsi, il est difficile en pratique d’exploiter ces exaltations, en particulier pour l’imagerie pro- long´ee, sans induire de photodommages et il convient d’ˆetre tr`es prudent sur les doses d’exposition des tissus.

3.2.3

Conclusion

En conclusion, nous avons vu dans cette section que les sources de contraste d´ependent beaucoup des tissus ´etudi´es et de la longueur d’onde d’excitation utilis´ee. On peut cependant r´esumer les propri´et´es des structures donnant un fort signal :

- elles ont une composition tr`es diff´erente du milieu environnant. - elles sont g´en´eralement denses, voire semi-cristallines20.

- leur susceptibilit´e non lin´eaire peut ´eventuellement ˆetre exalt´ee par la pr´esence de r´esonances `

a un, deux ou trois photons.

Il faut enfin noter que la taille des structures mises en jeu influe ´egalement beaucoup sur leur visibilit´e : ainsi si l’on cherche `a observer des structures de tr`es petite taille (200nm ou moins) dans un environnement en contenant d’autres, plus grandes, on risque de perdre en s´electivit´e.