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La drosophile : un organisme mod` ele

3.3 Applications en biologie

4.1.1 La drosophile : un organisme mod` ele

Cette section est une introduction au mod`ele Drosophila melanogaster. En particulier, nous pr´esentons les principaux ´ev´enements ayant lieu pendant les stades pr´ecoces du d´eveloppement de la drosophile, tels que la cellularisation et les mouvements morphog´en´etiques (« g´en´erateurs de formes ») de la gastrulation.

4.1.1.1 Le cycle de vie de la drosophile

Le cycle de vie de la drosophile, de l’embryon `a l’insecte adulte, est illustr´e par le sch´ema 4.1. Apr`es la f´econdation, l’embryon subit une s´erie de divisions nucl´eaires aboutissant `a la formation d’un blastoderme syncitial. Apr`es la cellularisation et la formation du blastoderme cellulaire, les mouvements morphog´en´etiques de la gastrulation commencent et mettent en place les trois feuillets embryonnaires (endoderme, m´esoderme et ectoderme). Au bout d’environ 24 heures `a 25◦C, le d´eveloppement de l’embryon se termine par l’´eclosion d’une larve.

Dans ce travail, les exp´eriences ont ´et´e r´ealis´ees pour une temp´erature d’environ 19◦C. Les vitesses de d´eveloppement sont notablement plus lentes `a cette temp´erature (voir par exemple la section 4.3 pour la cellularisation). Sch´ematiquement, on peut consid´erer que la vitesse de d´eveloppement est deux fois plus lente `a 18◦C qu’`a 25◦C [170].

4.1.1.2 L’embryon de drosophile pr´ecoce

L’embryon de drosophile a globalement une forme d’ellipso¨ıde de r´evolution d’une longueur de 450-500mm pour un diam`etre de 150-200 mm (figure 4.2). Avant la cellularisation (voir para- graphe 4.1.1.3), la membrane plasmique contenant le volume cytoplasmique (les noyaux et les r´eserves vitellines) est entour´ee de la membrane vitelline constitu´ee de prot´eines r´eticul´ees. Cette membrane est recouverte d’une couche de cire qui l’imperm´eabilise et d’une couche protectrice plus ´epaisse, le chorion, qui r´egule les ´echanges gazeux. Le volume cytoplasmique est aussi appel´e vitellus (ou espace vitellin, ou yolk) et correspond au jaune de l’œuf. Il fournit les nutriments

1

Fig. 4.1 – Le cycle de vie de la drosophile.

D’apr`es [169]. Dans les exp´eriences pr´esent´ees, on s’int´eresse au d´eveloppement de l’em- bryon du blastoderme syncitial jusqu’au premier stade larvaire (courbe rouge). Plus pr´ecis´ement, la plupart des exp´eriences visualisent la cellularisation et la gastrulation (stades 5 `a 8, courbe orange).

micropyle

chorion

membrane vitelline membrane plasmique

450-500µm

150-200µm

Fig. 4.2 – Structure de l’embryon de drosophile.

D’apr`es flymove (http ://flymove.uni-muenster.de/). Le chorion (A) est la membrane la plus externe de l’embryon. En dessous se trouve la membrane vitelline (B) puis la membrane plasmique qui entoure le volume cytoplasmique avant la cellularisation.

pendant le d´eveloppement de l’embryon et est compos´e principalement de trois constituants : des v´esicules riches en prot´eines, des v´esicules riches en glycog`ene et des gouttelettes de lipides [171]. Le micropyle est une petite ouverture dans le chorion par lequel le spermatozo¨ıde p´en`etre pour fertiliser l’ovocyte. Il d´etermine la position du pˆole ant´erieur de l’embryon.

Par convention, lorsque l’embryon est repr´esent´e en coupe sagittale (voir la d´efinition des coupes dans la figure 4.3), il est toujours orient´e avec le pˆole ant´erieur `a gauche et le cˆot´e dorsal vers le haut. La morphologie caract´eristique de l’embryon permet de reconnaˆıtre facilement ses

Section para-sagittale Section sagittale

Section frontale

Fig. 4.3 – D´efinition des sections utilis´ees dans la suite de ce cha- pitre.D’apr`es [172]. Dans nos exp´eriences, l’embryon ´etant coll´e sur une face lat´erale (appendice E), une coupe sagittale ou parasagittale correspond `a un plan d’imagerie (perpendiculaire `a l’axe optique).

14 3 h 45 min – 4 h 30 min Extension de la bande germinale 8 14 3 h 35 min – 3 h 45 min Invagination des endodermes anterieurs et postérieurs 7 14 3 h 15 min – 3 h 35 min Invagination du sillon ventral Invagination du sillon céphalique 6 14 2 h 30 min – 3 h 15 min Cellularisation Blastoderme cellulaire 5 10-13 1 h 30 min – 2 h 30 min Blastoderme syncytial 4 Cycle de division mitotique Délai après la ponte

(à 22°C) Evénements

Stade

Gastrulation

Cellularisation

noyaux organisés en monocouche à la périphérie de l’embryon

vitellus

Fig. 4.4 – Stades de d´eveloppement pr´ecoce.

Adapt´e de [143]. Les images pr´esent´ees sont obtenues en lumi`ere transmise (voir sec- tion 4.1.3).

polarit´es (dorso-ventrale et ant´ero-post´erieure). Par la suite, la plupart des coupes optiques de l’embryon correspondront `a des coupes sagittales ou `a des coupes para-sagittales.

ceux d´efinis dans la r´ef´erence [143]. La figure 4.4 pr´esente les stades 4 `a 8, allant du blastoderme syncitial `a la fin de la gastrulation. Nous allons maintenant d´ecrire plus pr´ecis´ement les deux ph´enom`enes principaux se produisant pendant ces stades : la cellularisation et la gastrulation. 4.1.1.3 La cellularisation

Le d´eveloppement de l’embryon jusqu’au stade 4 aboutit `a la formation d’un blastoderme syncitial, c’est-`a-dire d’un ensemble de noyaux (6000 pour la lign´ee somatique) organis´es en une monocouche `a la p´eriph´erie de l’embryon et constituant avec le vitellus une unique cellule. L’embryon ne devient v´eritablement multicellulaire qu’au cours du stade 5 du d´eveloppement, o`u intervient la cellularisation.

La cellularisation est le processus dynamique d’invagination entre les noyaux de la membrane plasmique entourant l’embryon, qui aboutit `a la formation simultan´ee d’environ 6000 cellules [173] organis´ees en monocouche le long de la membrane vitelline. L’embryon passe ainsi du stade de blastoderme syncitial `a celui de blastoderme cellulaire.

plasmique membrane plasmique apex base axe apico-basal vitellus

phase 1

phase 2

phase 3

phase 4

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

Fig. 4.5 – Les ´etapes de la cellularisation.

Adapt´e de [174]. La cellularisation est le processus d’invagination de la membrane plas- mique entre les noyaux (en rouge) pour former des cellules individualis´ees. Les micro- tubules (en orange) polym´erisent depuis le centrosome (en jaune) et semblent servir de guide `a la croissance des membranes. Le r´eseau d’actine (en bleu-vert) forme au ni- veau du front d’invagination un r´eseau hexagonal parall`ele `a la surface de l’embryon. Ce r´eseau entoure chaque noyau d’un anneau d’actine suppos´e contractile.

L’invagination du front de cellularisation (not´e IFC dans la suite) entre chaque noyau s’effec- tue en plusieurs phases de vitesses diff´erentes. Nous suivrons dans la suite l’analyse de Lecuit & Wieschaus [175] qui distinguent quatre phases : elles sont d´ecrites sur la figure 4.5. La phase 1 dure environ 10 minutes1 et correspond `a la mise en place du canal d’invagination (figure 4.5-a).

Pendant les trois phases suivantes, durant chacune 20 minutes environ, les membranes invaginent entre les noyaux `a vitesse croissante. Pendant la phase 2, le front d’invagination se d´eplace de quelques microns de fa¸con tr`es lente jusqu’`a atteindre la partie apicale des noyaux (figure 4.5-b). La vitesse de l’IFC devient alors plus rapide (phase 3) tandis que les noyaux s’allongent. Lorsque le front d´epasse la base des noyaux (figure 4.5-c et d), sa vitesse double (phase 4). Pendant cette derni`ere phase, les cellules doublent de longueur. A la fin de la cellularisation (figure 4.5-e), les cellules se referment mais il reste toujours un petit orifice qui laisse en contact le cytoplasme cellulaire et le vitellus. La vitesse du processus de cellularisation est tr`es sensible `a la temp´erature dans la gamme de temp´erature physiologique (18-30◦C) et double par exemple entre 18 et 25◦C (figure 4.22) [176].

Durant la cellularisation, les microtubules polym´erisent depuis le centrosome et servent de guide et de support `a la croissance des membranes. L’actine est pr´esente au niveau de l’IFC et forme un r´eseau hexagonal parall`ele `a la surface embryonnaire, entourant d’un anneau suppos´e contractile chaque noyau [173, 176]. Il existe diff´erentes hypoth`eses pour expliquer l’origine de la force qui engendre l’invagination des membranes [177, 178]. Dans tous les cas, le processus de cellularisation est tr`es sensible `a une perturbation du cytosquelette [173, 176, 178]. La pertur- bation par une drogue de la dynamique des filaments d’actine ou des microtubules entraˆıne un ralentissement voire mˆeme l’arrˆet total du front d’invagination [178].

Cette double sensibilit´e `a la temp´erature et `a l’int´egrit´e du cytosquelette font de la cellulari- sation une sonde id´eale des perturbations instantan´ees de la dynamique du d´eveloppement li´ees au processus d’imagerie. Elle sera donc utilis´ee dans cette optique `a la section 4.3.

4.1.1.4 La gastrulation

La gastrulation est l’un des ´ev´enements les plus pr´ecoces du d´eveloppement d’un orga- nisme multicellulaire. Pendant cette p´eriode, l’embryon subit les premiers mouvements mor- phog´en´etiques qui vont le transformer d’un amas ou d’une monocouche de cellules en une struc- ture tridimensionnelle `a plusieurs feuillets (ectoderme2, m´esoderme3 et endoderme4 pour les organismes triploblastiques comme la drosophile).

Chez l’embryon de drosophile, la gastrulation d´ebute d`es la fin de la cellularisation, apr`es environ 3 heures de d´eveloppement, et dure typiquement 45 minutes, du stade 6 au stade 8 de d´eveloppement (figure 4.4). Les principaux mouvements morphog´en´etiques de la gastrulation sont l’invagination du sillon ventral, la formation du sillon c´ephalique, l’invagination des en- dodermes post´erieur et ant´erieur et l’extension de la bande germinale. Ces mouvements sont sch´ematis´es dans la figure 4.6-b et illustr´es par plusieurs images de microscopie ´electronique `a balayage (figure 4.6-a). Notons que presque tous les mouvements morphog´en´etiques de la gastru- lation s’effectuent sans division cellulaire. En effet, la division cellulaire ne reprend qu’en fin de gastrulation. Par cons´equent, nous pouvons consid´erer que ces mouvements s’effectuent `a nombre constant de cellules.

Nous allons bri`evement d´ecrire ces mouvements ainsi que leur enchaˆınement temporel. Une

2L’ectoderme est `a l’origine principalement de l’´epiderme et du syst`eme nerveux.

3Le m´esoderme est `a l’origine principalement des muscles, du cœur, des gonades et d’autres tissus conjonctifs.

stade 5 stade 6 stade 7 stade 8 mésoderme amnioserosa endoderme (tube digestif) neuroectoderme (système nerveux) épiderme lignée germinale (cellules polaires) extension de la bande germinale sillon céphalique sillons dorsaux secondaires

B

A

ventre dos postérieur antérieur sillon ventral sillon céphalique sillon céphalique

Fig. 4.6 – Les ´etapes de la gastrulation.

Adapt´e de [169] et Flybase (http ://flybase.bio.indiana.edu/). A, vues lat´erales en micro- scopie ´electronique `a balayage. B, sch´ema des mouvements morphog´en´etiques aux stades correspondants. Les diff´erents feuillets sont repr´esent´es par des couleurs distinctes.

description pr´ecise des mouvements morphog´en´etiques de la gastrulation chez l’embryon de dro- sophile est disponible dans la r´ef´erence [179]. Tous les mouvements d´ecrits et illustr´es dans ce paragraphe apparaissent de mani`ere parfaitement reproductible d’un embryon sur l’autre.

a L’invagination du sillon ventral Chez la drosophile, l’invagination du sillon ventral est le premier mouvement morphog´en´etique de la gastrulation. Elle est `a l’origine de la formation du m´esoderme5. Suivant directement la fin de la cellularisation des cellules ventrales, une bande d’environ 18 cellules de large et 60 cellules de long situ´ee dans la r´egion ventrale de l’embryon subit une s´equence de d´eformations cellulaires produisant une invagination (figure 4.6-stade 6). Les cellules invagin´ees forment alors un tube vers l’int´erieur de l’embryon (figure 4.6-stade 7), puis se dispersent et forment une couche monocellulaire qui tapisse l’ectoderme (figure 4.6-stade 8).

b La formation du sillon c´ephalique Quasi-simultan´ement `a l’invagination du sillon ven- tral (stade 6) se forme le sillon c´ephalique s´eparant une r´egion ant´erieure (c´ephalique) et une r´egion post´erieure de l’embryon (figure 4.6 - stade 6). Il se situe `a environ 2/3 de la longueur de l’embryon par rapport au pˆole post´erieur. Ce sillon prend naissance de chaque cˆot´e de l’em- bryon, au milieu des faces lat´erales, et s’´etend ventralement et dorsalement pour former un sillon perpendiculaire `a l’axe ant´ero-post´erieur.

c L’invagination de l’endoderme post´erieur L’endoderme post´erieur est internalis´e avec les cellules polaires (lign´ee germinale) par une invagination ayant lieu au pˆole post´erieur de l’embryon `a partir de la fin de l’invagination du sillon ventral et simultan´ement au d´ebut de l’extension de la bande germinale [179, 143]. Cette invagination concerne une bande centr´ee sur le pˆole post´erieur de vingt cellules le long de l’axe dorso-ventral et de dix cellules lat´erales. d L’extension de la bande germinale L’extension de la bande germinale est le mouvement le plus spectaculaire de la gastrulation chez l’embryon de drosophile. Selon l’axe ant´ero-post´erieur, la bande germinale correspond `a la r´egion qui s’´etend du pˆole post´erieur au sillon c´ephalique. Selon l’axe dorso-ventral, toutes les cellules participent `a la bande germinale `a l’exception des plus dorsales. L’extension de la bande germinale commence lors de l’invagination de l’endoderme post´erieur (stade 7). Pendant cette phase d’extension, cette bande s’´etend de 2.5 fois sa longueur suivant l’axe ant´ero-post´erieur [180] et sa largeur diminue de moiti´e. L’extension s’effectue prin- cipalement vers le pˆole post´erieur et remonte du cˆot´e dorsal pour se propager ant´erieurement (fl`eche grise de la figure 4.6-B au stade 8).