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3.3 M´ ethodes d’Optimisation Topologique

3.3.3 M´ ethode d’Homog´ en´ eisation

Comme le termetopologie, le concept d’homog´en´eisation est utilis´e dans beau-coup de domaines scientifiques : en m´edecine, en chimie, en m´ecanique, en ma-th´ematique6. Bien que l’utilisation d’une approche par homog´en´eisation peut-ˆetre l´eg`erement diff´erente d’un domaine `a un autre, la philosophie de base reste iden-tique. Sp´ecifiquement, en science des mat´eriaux ou en ph´enom´enologie, l’homo-g´en´eisation est la proc´edure qui consiste `a ´etablir une harmonie, une coh´erence parfaite, de mani`ere continue dans des milieux physiques : ainsi, on transforme un domaineh´et´erog`enec’est-`a-dire constitu´e de diff´erents ´el´ements aux propri´et´es phy-siques (conductivit´e, perm´eabilit´e, . . . ) distinctes (appel´e phases) en un domaine moyenn´e correspondant dont la caract´eristique physique est dite homog´en´eis´ee ou effective, voir la Figure3.4.

Les th´eories de l’homog´en´eisation sont tr`es utiles dans la mod´elisation des ph´ e-nom`enes de la r´ealit´e physique. En effet, elles permettent de se ramener `a des domaines d’´etudes o`u les m´ethodes classiques fonctionnent comme nous le verrons dans ce qui suit. Ainsi, elles facilitent la justification de l’existence et la r´ egula-rit´e des solutions des EDPs. Autrement, dans les milieux fortement h´et´erog`enes les inclusions (de trous ou de mati`eres) induisent des sauts de discontinuit´es des

6. De plus chaque branche des math´ematiques utilisent ce concept plus ou moins diff´ erem-ment : par exemple en alg`ebre : espace homog`enes, en analyse classique : fonctions homog`enes, les EDPs : homog´en´eisation des op´erateurs diff´erentiels.

Figure3.4 – Le principe de la m´ethode d’homog´en´eisation : On obtient une struc-ture moyenn´ee (milieu effectif) `a partir d’un melange h´et´erog`ene multi-phase.

propri´et´es des mat´eriaux ce qui affecte les solutions calcul´ees de ces EDPs. En parti-culier dans les milieux non-uniformes, les solutions g´en´er´ees peuvent-ˆetre oscillantes (autour de la solution calcul´ee sur le domaine homog`ene), voir les travaux de Ben-soussan, Lions et Papanicolaou [123] de Tartar [125,126]. Le lecteur peut se r´ef´erer aussi au document [127] qui pr´esente des d´etails sur les op´erateurs diff´erentiels et les th´eor`emes de convergences associ´es. En g´en´eral, on consid`ere des structures dites p´eriodiqueso`u le domaine structural global est compos´e des duplications par similitude d’une cellule ´el´ementaire ; par exemple, une cellule ´el´ementaire rectangu-laire de dimensionεdans toutes les directions, comme repr´esent´e sur la Figure 3.5.

Dans ce cas, le milieu est dit de p´eriode ε (en g´en´eral ε∈]0,1[). De plus, dans un milieu p´eriodique, la correspondance du syst`eme de coordonn´ees des deux milieux est la plus simple. Par exemple dans R2 : si on note par RM(O,i,j) un syst`eme de coordonn´ees du milieu effectif, alors un rep`ere associ´e aux coordonn´ees micro-scopiques est Rm(O, I, J) ; avec I= (1/ε)i et J= (1/ε)j, voir la Figure 3.4. Cela simplifie ´enorm´ement les expressions du d´eveloppement asymptotique des vecteurs champ et potentiel magn´etique ou du d´eplacement en m´ecanique [123, 127, 81].

Les hypoth`eses pour faire de l’approximation par homog´en´eisation requi`erent que cette quantit´e soit n´egligeable devant les dimensions g´eom´etriques globales du domaine consid´er´e. Ces milieux p´eriodiques sont fondamentaux dans beaucoup de th´eories math´ematiques bas´ees sur l’homog´en´eisation. Notamment, c’est le cadre id´eal des d´eveloppements asymptotiques du vecteur de d´eplacement (solution de la condition d’´equilibre des charges appliqu´ees `a la structure) dans les probl`emes de m´ecanique et du vecteur potentiel en magn´etostatique (solution d’EDPs Maxwell).

En particulier, dans les probl`emes d’´electromagn´etisme les vecteurs param`etres des propri´et´es physiques des milieux (ou mat´eriaux) et potentiel magn´etiqueA, on fait

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le d´eveloppement `a deux ´echelles suivant : Aε(x) =

+

i=0

εiAi(x,x

ε), (3.15)

o`u les Ai(x, y) sont des fonctions de 2 variables avec x pour l’analyse du compor-tement macroscopique (milieu homog´en´eis´e) ety pour l’analyse du comportement microscopique (milieu h´et´erog`ene). Ces fonctions Ai(x, y) sontε-p´eriodiques en la variable y (ces fonctions sont aussi oscillantes). De mani`ere analogue, on fait un d´eveloppement des param`etres magn´etiques p intervenant dans les lois constitu-tives des mat´eriaux, qui sera not´epε(aussi p´eriodique en la deuxi`eme composante).

Rappelons que dans les milieux inhomog`enes les param`etres p etpε sont des ten-seurs (d’ordre d×d dans Rd, pour d= 2,3).

Ensuite, le couple (pε, Aε) est inject´e dans l’´equation de Maxwell-Amp`ere (voir le chapitre 2). On trouve le mod`ele suivant prenant en compte les deux niveaux d’´evolution des processus ´electromagn´etiques dans le domaine structurel ´etudi´e :

−∇ ×[ν(pε)B(Aε)M(pε)] +J(pε) = 0, dans Ω, Aε = 0, sur ∂Ω.

(3.16) Le mod`ele effectif correspondant `a (3.16) est celui satisfait par la limite sui-vante :

(pε, Aε)−→

ε0 (p, A) dans L(Ω)×H10(Ω). (3.17) Les th´eor`emes de convergence de la suite (pε, Aε)ε>0, d’existence de la limite homo-g´en´eis´ee (p, A) ainsi que de plus amples d´etails sur les d´eveloppements asymp-totiques ont ´et´e propos´es par Bensoussan, Lions et Papanicolaou [123], Senchez-Palencia [124], Tartar [125, 126], Jikov, Kozlov et Oleinik [127]. Ces analyses ne feront pas l’objet du pr´esent manuscrit, et par suite les quantit´es (p, A) calcul´ees sur le domaine relax´e seront not´ees simplement sans l’exposant ´etoil´e (). N´ ean-moins, nous sommes int´eress´es par l’application de la m´ethode d’homog´en´eisation pour la d´etermination de la topologie optimale du domaine de conception Ωv.

L’utilisation d’une approche par homog´en´eisation des mat´eriaux pour l’optimi-sation topologique a ´et´e connue grˆace au travaux de Murat et Tartar [128, 129], Bendsøe, Kikuchi, Suzuki et leurs co-auteurs [130,131,51], Hassani et Hinton [132]

et surtout avec les contributions de Allaire [133,81]. Le passage de l’´echelle micro-scopique multi-phase `a une ´echelle macroscopique effective ´equivalente offre beau-coup plus de degr´e de libert´e aux designers en apportant davantage de solutions aux difficult´es rencontr´ees en optimisation de forme classique telles que : la non-existence de solution, l’impossibilit´e de variation continue des fronti`eres (difficult´e avec les interfaces due `a l’extreme h´et´erog´en´eit´e du milieu), manque de justification rigoureuse des r´esultats de convergence, etc. D´esormais, le domaine relax´e obtenu par homog´en´eisation, est plus vaste et contient `a la fois des solutions faites de ma-t´eriaux purs et aussi de solutions en mat´eriaux composites. De plus, on peut aussi effectuer des calculs de d´eriv´ees sans soucis de continuit´e du domaine d’´etude : cela autorise la faisabilit´e des m´ethodes bas´ees sur les algorithmes de type gra-dient. Par la suite, consid´erons notre probl`eme de conception optimale bi-phase :

Figure 3.5 – Milieu h´et´erog`ene ε-p´eriodique `a deux phases.

lorsque l’on dispose de deux mat´eriaux un faible ou mou et l’autre fort ou solide de param`etre caract´eristique `a l’´echelle microscopique pmin et pmax7 respectivement, dans ce cas le probl`eme d’optimisation topologique (3.1) se r´eduit `a la recherche de la distribution optimale de ces mat´eriaux dans Ωv`a travers les valeurs des para-m`etres{pmin,pmax}en chaque pointxde Ω. Le principe d’homog´en´eisation consiste

`

a relaxer ce couple de param`etres en consid´erant continˆument toutes les quantit´es interm´ediaires entre pmin et pmax : c’est-`a-dire que l’on travaillera d´esormais sur le segment [pmin, pmax]. Le domaine d’´etude devient plus grande autorisant des formes topologiques admissibles th´eoriquement qui peuvent ne pas ˆetre r´ealisables en pratique. Cela n´ecessite l’introduction de deux nouvelles fonctions ρ et g, qui seront employ´ees pour param´etrer la r´epartition du «m´elange» d´esign´e par sa propri´et´e caract´eristique homog´en´eis´eep dans le domaine `a topologie variable Ωv. Ainsi, la relation suivante est ´etablie :

p(x) =g(ρ(x))[pmin,pmax],∀x∈Ωv. (3.18) Dans (3.18), les fonctions g et ρ sont monotones et de mˆeme sens de variation (g´en´eralement croissantes). En suivant l’id´ee originale de Bendsøe [134, 52], la fonction g est appel´e Sch´ema d’Interpolation de Mat´eriaux (SIM) ou en anglais Material Interpolation Scheme (MIS) ; et on prend la variable fonctionnelleρ dans [0,1]. Avec de telles consid´erations, le probl`eme inhomog`ene original devient un

7. Ici, contrairement aux probl`emes purement m´ecaniques, le param`etrepminpeut-ˆetre pour le mat´eriau mou comme pour le mat´eriau solide. En effet, pour notre probl`eme d’´electromagn´etisme, en consid´erant la r´eluctivit´e magn´etique ν qui est une propri´et´e caract´eristique des mat´eriaux ferromagn´etiques, inverse de la perm´eabilit´e magn´etiqueμ, elle vaut en valeur relative par exemple 1 pour l’air (mou ou vide) et 1/1000 pour le fer.

3.3. M´ethodes d’Optimisation Topologique 73 vrai probl`eme d’optimisation binaire ; o`u l’on a :

ρ(x)∈ {0,1}, ∀x∈Ωv, tel que : ρ(x) =

Dans ce cas, la fonction ρ se comporte alors comme une fonction de densit´e de mat´eriaux dans le mod`ele homog´en´eis´e car sa valeur ρ(x) en tout point x de Ωv indique la proportion de mat´eriau homog`ene d´epos´e en ce point. De plus, on trouve : La relation (3.21) est tr`es importante car elle permet de prendre en compte la contrainte sur le volume de mat´eriaux utilis´es pour le design. G´en´eralement pour

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eviter des solutions topologiques trop triviales dans Ωvlors de la r´esolution algorith-mique, l’ensemble admissible Ωadm dans (3.1) contient l’in´egalit´e :

ΩvρdΩ V0, pour V0 un volume de mat´eriaux impos´e pour le design du dispositif (cela permet indirectement de concevoir des circuits magn´etiques pour PEH `a poids optimal car masse = masse volumique × volume).

Finalement, avec la formulation homog´en´eis´ee de (3.1), on cherche une topologie optimale de Ωv dans le sens des densit´es optimales ρopt sur un maillage fixe de ce domaine d’´etude, voir la Figure 3.8.

Si la m´ethode d’homog´en´eisation pour l’optimisation topologique semble pra-tique et simple, lors de son utilisation, on est confront´e le plus souvent `a des difficult´es li´ees `a l’interpr´etation des valeurs continues de la densit´e ρ en terme de mat´eriaux existants. Pour surmonter cela, il est possible de trouver des ma-t´eriaux isotropes, anisotropes, composites, poreux, lamin´es ou des structures p´ e-riodiques qui correspondent ou qui approchent les comportements que devraient avoir la structure ayant une valeur de densit´es interm´ediaires (0 < ρ < 1). Ces analyses sont principalement bas´ees sur la r´esistance des mat´eriaux et la th´eorie d´evelopp´ee par Hashin et Shtrikman [135] qui ont propos´e des techniques varia-tionnelles de calcul de bornes des coefficients homog´en´eis´es de ces mat´eriaux (en

´

elasticit´e ses coefficients sont : coefficient/ratio de Poisson8, module de Young9, tenseur d’´elasticit´e lin´eaire/non lin´eaire, etc). De nos jours, le d´eveloppement et

8. Sim´eon Denis Poisson (21 Juin 1781 - 25 Avril 1840) : math´ematicien, g´eom`etre et physicien fran¸cais.

9. Thomas Young (13 Juin 1773 - 10 Mai 1829) : physicien, m´edecin et ´egyptologue britan-nique.

l’´elaboration de ces mat´eriaux hybrides `a travers la m´ethode d’homog´en´eisation, ont beaucoup ´evolu´e. En effet, on trouve dans la litt´erature en plus des papiers cit´es ci-dessus, d’autres travaux int´eressants traitant cette probl´ematique. On peut citer notamment les articles de Cherkaev, Kohn, Lipton, Lurie, Milton et leurs co-auteurs [136]–[142]. Malgr´e les efforts th´eoriques fournis en renfor¸cant la technique d’homog´en´eisation par la th´eorique des composites, la garantie d’existence de ma-t´eriaux correspondant `a toute les valeurs de la densit´e continue ρ dans [0,1] reste une question ouverte!

De plus, l’utilisation des mat´eriaux perfor´es ou poreux n’est pas envisageable dans tous les domaines. C’est le cas par exemple en a´eronautique ; ou imaginez les ailes d’un avion faite d’une structure poreuse ou grossi`erement perfor´ee, ou encore les circuits magn´etiques d’un propulseur plasmique en mat´eriaux poreux expos´es `a des temp´eratures extrˆemes. Donc, il devient plus que n´ecessaire de trouver des moyens d’´eviter ces valeurs de densit´e interm´ediaire afin d’avoir des designs `a topologie optimale avec des mat´eriaux purs ; c’est-`a-dire forcer la variable fonctionnelle `a prendre les valeurs z´ero ou un («black-and-white» design/binary solution). Par suite, il a ´et´e propos´e dans la litt´erature des choix sur la fonction auxiliaire SIM g pour rem´edier au probl`eme. L’utilisation de ces fonctions SIM permettant de pallier aux probl`emes des densit´es composites `a donner naissance `a une nouvelle approche connue sous le nom SIMP method.