• Aucun résultat trouvé

Synthèse de la deuxième section

Encadré 1.3.1 Les facteurs situationnels

2 Conséquences de l’expérience d’achat impulsif

2.1 Etats émotionnels

Qualifié d’énigme Haussman (2000), l’achat impulsif a très souvent été décrit comme un acte irrationnel associé à des conséquences négatives. Mais si la majorité des recherches sur ce type de comportement lui ont associé des conséquences négatives, une question se pose : pourquoi le consommateur emploie ce mode d’achat sans sentir que ce dernier est incorrecte ou irrationnel ? (Aouini & Zghal, 2010).

74

L’une des explications apportées à la question renvoie à la prise en considération de la dimension hédonique (Rook D. , 1987). C’est pourquoi, le consommateur achète pour des raisons non économiques, telles que le plaisir, la nouveauté, la quête de gratification sociale et émotionnelle. Dans cette direction, un nouveau courant a émergé rompant avec les suppositions négatives et le considérant ainsi comme une acte rationnel générant ainsi des états émotionnels (Giraud, 2002). Avant de se lancer dans l’analyse des états affectifs comme principale conséquence de l’expérience d’achat impulsif, il est opportun de s’arrêter sur certaines confusions entre des expressions en rapport avec les émotions et utilisées parfois dans la littérature de manière confondue.

Derbaix et Pham (1988) suggèrent une typologie des réactions affectives en sept catégories : « l’émotion choc ou émotion de base », « le sentiment », « l’humeur », « le tempérament », « la préférence », « l’attitude » et « l’appréciation ». Derbaix et Filser (2011) en se basant sur cette classification avancent qu’il existe trois principales réactions affectives : les émotions, l’humeur et les sentiments (affect). Selon ces deux auteurs, ces réactions ne doivent pas être confondues avec le fait d’aimer un objet qui d’aprés le consommateur est plus associé au jugement évaluatif qu’aux réactions affectives.

Affect, émotion et humeur sont des expressions qui font référence à des états affectives par rapport à une situation. Cette dernière peut être une situation de consommation ou d’achat. La différence entre ces termes revient à des petites nuances quant à la mesure de l’emploi. Il est jugé donc pertinent d’éclaircir ces nuances, dans le sens où notre effort dans la conceptualisation de l’effet de l’expérience d’achat impulsif en terme affectif sera mieux orienté. Autrement dit, les réactions affective post expérience achat impulsif relèvent-elles des émotions de l’affect ou de l’humeur ?

- Affect

C’est un construit qui apparait plus général que l’émotion, il est davantage lié aux évaluations, interagit avec la cognition pour affecter le comportement et il est généralement accompagné par des émotions et des humeurs (Babin, Darden, & Griffin, 1992). Ce construit a fait l’objet de plusieurs études menées dans le cadre de la recherche marketing. (Osgood, Suci, & Tannenbaum, 1957), sont les premiers à avoir introduit ce concept dans les recherches marketing. Leurs travaux ont inspirés la plupart des recherches conduites sur le concept de l’affect.

75

- Emotions

L’étude de l’émotion au niveau du comportement du consommateur est marquée par une variété des champs d’application. Cette variété rend la mise au point d’une définition et d’une mesure définitive de l’émotion une tâche délicate. Ainsi selon (Westbrook & Oliver, 1991), le terme émotion fait référence à l’ensemble des réponses émotionnelles provoquées pendant l’usage d’un produit, lors d’une expérience de consommation ou lors d’un achat.

Kirouac (1993) dans son ouvrage « Les émotions introduction à la psychologie de la motivation » définit l’émotion comme « un état affectif qui comporte des sensations appétitives ou aversives et

s’accompagne de certains changements physiologiques qui ont une influence sur le système mental et donc sur les activités cognitives » cité par (Ibraheem, 2017, p. 52). Cet auteur attribue à l’émotion

un rôle désorganisateur.

Dans la même perspective on peut avancer la définition de Gouteron (1995) qui stipule que l’émotion est un concept multidimensionnel « réaction passagère désorganisant un état durable et

soumise à des facteurs exogène » cité par (Aouinti, 2010, p. 66).

Derbaix et Filser (2011, p. 12) quant à eux considèrent l’émotion comme « des réponses rapides

de l’organisme suite à des circonstances inhabituelles de l’environnement qui se manifestent par un ensemble de réponses physiologiques, comportementales et expressives, cognitives et expérientielles ».

Il existe un consensus sur la reconnaissance de l’émotion comme un construit multidimensionnel. On lui attribue quatre dimensions : la prise de conscience par la personne, la direction, l’intensité et le contenu (Derbaix & Pham, 1988). L’intensité et le contenu se manifestent à travers trois composantes : neurophysiologique, biologique et expérientielle.

76

- Humeur

Belk (1975) considère l’humeur comme une variable situationnelle importante. Gardner et Rook (1988), définissent l’humeur comme un état sentimental subjectif. Cet état intervient à plusieurs niveaux du comportement du consommateur. Il est associé à un état interne transitoire, spécifique à une période ou à une situation, déclenché par des évènement plaisants ou déplaisants (Belk, 1984).

Il est possible de constater qu’il existe des similarités entre les trois concepts : émotion, humeur et affect. Chacun peut être représenté par un phénomène multidimensionnel. L’humeur et l’émotion sont la conséquence de l’interaction d’une personne avec son environnement. La déduction qu’il est possible de dégager est que l’humeur prépare l’émotion et peut être considérée comme un antécédent, alors que l’émotion est une réponse à un environnement particulier. Néanmoins, certains chercheurs comme (Sherman, Mathur, & Smith, 1997) déclarent que les deux concepts peuvent être utilisés de manière interchangeable. En revanche certains préconisent l’émotion comme une expression qui englobe le tout. L’affect est moins intense que l’émotion et l’individu peut être conscient de ses émotions et pas de ses humeurs (Belk, 1984).

La recherche sur le comportement du consommateur a été fortement influencée par le courant micro-économique et la psychologie cognitive. Mais depuis les années quatre-vingt nous avons assisté à l’émergence d’un autre courant expérientiel dans l’étude du comportement du consommateur (Filser, 2002). Son étude s’étend à plusieurs contextes du comportement du consommateur : les réponses émotionnelles face à la publicité (Derbaix C. , 1995), le rôle médiateur des émotions au niveau de la satisfaction des consommateurs (Phillips & Baumgartner, 2002). Westbrook (1987), a été parmi les premiers à avoir étudié les réponses émotionnelles des consommateurs par rapport à une expérience de consommation.

Tel que avancé, le nombre de définitions proposées témoignent des controverses existantes sur le contenu et la nature des émotions. En revanche il est possible de constater un certain consensus par rapport à quelques éléments. Certains conceptualisent l’émotion comme un concept général, tel que l’affect positif et négatif, alors que d’autres s’intéressent aux émotions spécifiques.

77

En somme il existe deux approches de recherches sur les émotions : une approche discrète et une approche continue. La première suppose la mesure d’un nombre d’émotions sans faire des attributions concernant la dimensionnalité de l’espace émotionnel résultant. Selon ce même point de vue « toutes les expériences émotionnelles peuvent être définies en termes de combinaisons

d’émotions fondamentales » (Aouinti N. , 2010, p. 4).

Lichtlé et Plichon (2004), synthétisent les mesures de cette approche en deux catégories : la classification de Plutchik (1980) et les DES I ou II (Differential Emotions Scale) (Izard , 1977).

- Dans la classification de (Plutchik , 1980), huit « émotions fondamentales » se combinent pour former un état affectif. Les huit émotions sont : la crainte, la colère, la joie, la tristesse,

l’acceptation, le dégoût, l’espérance et la surprise.

- Pour (Izard , 1977), « les émotions fondamentales » combinées interagissent entre elles et sont au nombre de dix, sept négatives (la colère, le dégout, la culpabilité, la tristesse, le

mépris, la honte et la crainte) deux positives (joie et l’intérêt).

Quant à la deuxième approche c’est l’approche continue selon laquelle toutes les émotions sont caractérisées par leurs degrés de plaisir la stimulation et la dominance (Darpy & Guillard , 2016). Selon Aouinti (2010, p. 4) « ces trois dimensions bipolaires fondamentales peuvent être utilisées

pour définir une diversité de réactions émotionnelles et catégorisent l’émotion selon leur valence positive ou négative ».

Les recherches en psychologie et en comportement du consommateur stipulent que les états affectifs exercent un effet sur le processus interne et les comportements observables. L’achat impulsif est l’un des concepts où le consommateur et la volatilité des états effectifs interagissent (Gardner & Rook , 1988). Cette interaction opère à deux niveaux : avant et après l’expérience d’achat (Piron, 1991).

- Avant l’expérience d’achat : dans un premier lieu, les émotions sont considérées comme de forts déclencheurs internes de l’achat impulsif. Ces dernières stimulent la recherche de gratifications immédiates provenant de l’acte d’achat. La littérature affirme que les impulsions origine de l’achat peuvent être entièrement ou partiellement animées par l’envie de changer ou de compenser des états d’humeur (Gardner & Rook , 1988 ; Abbes , Barth ,

78

& Zine- Danguir , 2012). Selon Geetha et al. (2009) le shopping récréationnel est une source d’affect positif, est plus propice à la réalisation d’achats impulsifs. Dovaliene et Virvilaite (2008) en se basant sur les travaux de Beatty et Ferrell (1998) avancent qu’un individu qui prend du plaisir à faire du shopping a plus tendance à faire l’expérience d’émotions positives à l’intérieur de l’environnement du magasin et donc à acheter. Ces émotions positives favoriseront la naissance d’une ou de plusieurs impulsions d’achat.

- Après l’expérience d’achat : dans un second lieu, acquérir un objet ou visiter un magasin peut donner naissance à des états affectifs. Outre les travaux d’Aouinti et Zghal (2010) et Abbes et al. (2012), la littérature s’est montrée discrète quant à l’étude des états affectifs après l’expérience d’achat et à leur effet sur les intentions comportementales futures. La majorité des travaux se sont concentrés sur les aspects définitionnels et sur les émotions en tant que déclencheur. La littérature relative aux conséquences affectives de l’expérience d’achat impulsif est limitée. Les résultats de notre étude exploratoire nous montrent la forte présence des états affectifs en tant que conséquences de l’expérience d’achat. Ces états émotionnels sont à la fois positifs et/ou négatifs combinant des sentiments de joie et de culpabilité.

Selon l’approche expérientielle dans laquelle s’inscrit notre recherche, l’expérience de magasinage est une source de plaisir et de contentement. Dans ce cadre, l’achat impulsif reflète le potentiel du plaisir et de richesse émotionnelle émanant de l’expérience de magasinage. Dans le même courant de recherche, une étude exploratoire a été conduite par (Gardner & Rook , 1988), qui avait pour objet l’étude de l’effet de l’achat impulsif sur les états affectifs. Treize émotions ont été dégagées (Tableau 1.3.5)

79

Tableau 1.3.5 Emotions post-expérience d'achat impulsif

Type d’émotion Emotions expérimentées suite à un achat impulsif

Rang % Plaisir 1 44 29.9 Excitation 2 42 28.6 Contentement 3 14 9.5 Insouciance 4 10 6.8 Anxiété 5 7 4.8 Force 6 6 4.1 Ennuie 7 6 4.1 Agressivité 8 6 4.1 Frustration 9 5 3.4 Déprime 10 4 2.7 Détresse 11 2 1.4 Somnolence 12 1 0.7 Hostilité 13 0 0

Source: (Gardner & Rook , 1988)

Les résultats révèlent que le plaisir et l’excitation sont les émotions les plus citées. Ces deux dernières sont les principales émotions découlant d’une expérience d’achat impulsif. L’étude des conséquences de l’achat impulsif en fonction des états émotionnels s’avère une piste intéressante pour le processus d’évaluation de l’expérience de magasinage. L’expérience d’achat impulsif influence le comportement du consommateur sur le long terme. Les comportements futurs dépendent des émotions précitées.

Comme nous venons de l’exposer, les émotions peuvent jouer un rôle médiateur entre les facteurs relatifs à l’environnement et l’acte d’achat impulsif. En effet, les émotions représentent une réponse aux stimuli de l’environnement. A cet égard, l’adoption d’une approche continue parait la plus convenable pour conceptualiser le rôle médiateur des émotions. Les états affectifs se représentent également comme une conséquence de l’expérience d’achat impulsif et peuvent déboucher sur des émotions spécifiques comme la joie, le plaisir ou la culpabilité. Face à cette spécificité, il s’avère opportun de s’inscrire dans l’approche discrète.

80