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2. CAUSALITÉ: CONCEPTS, APPROCHES ET CRITÈRES DÉFINITOIRES

2.3. La causativité dans la prédication verbale

2.3.7. Essai de classement des Vcaus étudiés

Rappelons qui, d'un point de vue théorique, notre classement a été inspiré des études sur la causativité passées en revue supra: Jackiewicz (1998, 1999), Talmy (1988a, 2000), Nazarenko (2000), Dixon (2000), Diwersy & François (2011) et Diwersy et al. (2014). Ainsi certaines classes ont été reprises du classement de Diwersy & François (2011) et adaptées à

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Ces tableaux trient et rangent les collocations selon les différentes informations linguistiques telles que le type de construction, la fréquence, la valeur sémantique, etc.

notre étude93. Il s'agit ici des classes comme la classe des verbes « de causation négative » et de deux classes d'« intensité »: la classe de « croissance » et de « décroissance » graduelle. Ce qui nous a retenu notre attention dans le classement de Diwersy & François (2011), c’était le fait que les auteurs ont introduit la notion du « caractère scalaire (diminution et non annihilation) d’un affect » (ibid.: 145) qui a facilité notre distinction entre les verbes qui « effacent » l'émotion (désamorcer, endiguer) et ceux qui l'« affaiblissent » (adoucir, apaiser), cet aspect n'étant pas explicitement présent dans la Force dynamics de Talmy (1988a, 2000). Ainsi, à partir de la liste des verbes causatifs pré-établie (cf. la section précédente), nous avons classé le lexique verbal causatif, comme illustré dans le tableau ci-dessous:

Tableau 5: Proposition de classement des 85 Vcaus de notre liste

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Rappelons que la classification des verbes supports de causation proposée par Diwersy & François (2011) repose sur le principe de la force dynamics de Talmy (2000), discutée par De Mulder (2008).

Au premier palier se trouve la classe des « Vcaus neutres » avec des verbes comme

causer, créer, susciter, exercer ou provoquer. Au deuxième palier - la classe des « V de

causation négative » correspondant aux verbes comme endiguer et entamer. On a ensuite trois classes phasiques: la classe des « Vcaus phasiques inchoatifs » contenant des verbes comme

plonger dans, déclencher et réveiller, la classe des « Vcaus phasiques duratifs » (qui a le plus

petit nombre de verbes, seulement deux: nourrir et prolonger) et la classe des « Vcaus phasiques terminatifs » (chasser, étouffer, stopper). Les deux dernières classes sont des classes « d'intensité »: la première est la classe des « Vcaus d'intensité forte (croissance graduelle) », correspondant aux verbes tels qu'attiser, ajouter à, raviver, tandis que la seconde

- la classe des « Vcaus d'intensité faible (décroissance graduelle) » comprenant des verbes

comme atténuer, calmer et limiter.

Ce classement nous a posé parfois des problèmes et, notamment en ce qui concernait les classes des « Vcaus d'intensité faible (décroissance graduelle) », des « V de causation négative » et des « Vcaus phasiques terminatifs ». Les bornes entre ces trois classes nous semblaient parfois poreuses. Par conséquent, certains verbes changeaient plusieurs fois de catégorie, au fur et à mesure de l'analyse de leurs contextes avec les N_émot. C'était, par exemple, le cas de tempérer, réduire que nous avons classé d'abord comme « négatifs », ensuite comme « terminatifs » pour, finalement, après observation plus approfondie de leur contexte, les placer dans la classe « d'intensité faible ». De même pour les verbes apaiser,

freiner, tempérer et surmonter: classés initialement dans le groupe des « V de causation

négative », ils se sont, finalement, retrouvés dans la classe des « Vcaus d'intensité faible » (apaiser, freiner, tempérer)et dans la classe des « V phasiques terminatifs » (surmonter).

Le même genre de difficulté nous est arrivé avec les verbes « neutres », comme

provoquer, susciter ou exciter (qualifiés par nous d'abord de « Vcaus phasiques inchoatifs

») et du verbe « inchoatif » plonger dans que nous avons mis initialement dans la classe des « Vcaus neutres ».

Dans l'étape initiale de notre classement, nous nous sommes beaucoup inspirée de la catégorisation proposée par Diwersy & François (2011)94

. Or, au fur et à mesure de l'analyse des contextes de ces verbes dans notre corpus, certains d'entre se sont déplacés, dans notre classement, dans d'autres classes verbales. Tel est le cas, par exemple, du verbe surmonter qui, chez ces auteurs, fait partie de La classe CausNég (causation négative) (« terminatif » chez nous) ou du verbe prolonger qui, chez eux, fait partie de La classe Caus> (causation de

croissance), tandis que dans notre classement il forme, avec nourrir, la classe des « Vcaus phasiques duratifs ». Nous avons donc stabilisé le classement des verbes causatifs en fonction des résultats de notre corpus.

SYNTHÈSE

À la lumière de toutes les définitions et des critères définitoires présentés supra, nous constatons que la catégorie complexe de causalité est avant tout une relation. Dotée d’une ontologie sous-jacente95, elle constitue une projection interprétative de notre esprit sur ce qui est perçu par nos sens. Disposant de moyens linguistiques très riches et des propriétés sémantiques intrinsèques très complexes, la causativité, malgré de nombreuses tentatives de classement, continue de poser des problèmes aussi bien définitoires que de catégorisation. La cause principale semble résider dans le fait qu'elle se réalise de diverses manières et ses critères varient selon le contexte. Pourtant, suite à la lecture de nombreux ouvrages traitant ce phénomène, nous pouvons dégager ici ses trois aspects fondamentaux:

1. La causalité est une relation entre deux situations: la situation A (événement ou action) qui produit la situation B (effet, conséquence). Ainsi, « si un fait F1 est la cause d’un fait F2, on peut en déduire que F2 n’aurait probablement pas eu lieu si F1 ne s’était pas produit » (Nazarenko 2000: 5), il est alors « à son origine ». La cause peut être de nature concrète (animée ou non animée) ou abstraite (« un motif », par exemple).

2. Par rapport aux autres relations, telles que l’agentivité, la transitivité sémantique ou la factitivité qui mettent en relation deux entités entre elles, la causalité est une relation interprétée (ou reconstruite) entre deux situations ayant un décalage temporel (aspect temporel) (Desclés & Guentchéva 1998). Post hoc ergo apud hoc96, ce que Nazarenko (2000) paraphrase par « une

cause précède son effet » (ibid.: 5).

3. La relation causale est le fruit d’une interprétation (Gross & Nazarenko 2004) qui dépend de l'interprétation de ce fait par l’énonciateur. Ce sont les moyens linguistiques de la cause qui permettent, selon les auteurs, aux locuteurs de partager « la connaissance d'une relation causale » dont ils ne peuvent pas être témoins et/ou patients

Le chapitre suivant sera consacré au concept de la collocation...

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Cf. Jackiewicz (1998: 33).

CHAPITRE 3

3. COLLOCATIONS: CONCEPT, APPROCHES ET CRITÈRES