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1. ELÉMENTS DE THÉORIE

1.5 O PTIMISATION DE LA PERTINENCE DES ADI ET DE LEUR TAUX D ’ ACCEPTATION PAR LES PRESCRIPTEURS

1.5.3 Facteurs favorisant l’adhésion des prescripteurs aux ADI

1.5.3.1 Ergonomie

1.5.3.1.1 Présentation des informations

Les enquêtes de satisfaction menées auprès des médecins prescripteurs permettent de mieux comprendre quels sont leurs besoins et leurs attentes en termes d’ADI. Il ressort de ces études qu’un excès d’information favorise grandement la « fatigue aux alertes » et leur ignorance. Pour optimiser l’utilité des alertes, il convient donc de présenter les recommandations qu’elles préconisent, de la manière la plus succincte et concise possible

110, 113

. En outre, s’il en exprime le besoin, le médecin doit pouvoir facilement avoir accès à

de plus amples renseignements, c’est-à dire qu’il ait la possibilité d’avoir les informations qu’il juge utiles à sa prise de décision à la demande 114-115.

1.5.3.1.2 Moment de survenue dans le processus de prescription

Tout d’abord, il convient de déterminer à quelle étape de la prescription, il est plus le plus opportun pour le destinataire de recevoir l’alerte 114. Il semble, par exemple, a priori évident qu’il ne serait pas pertinent pour le médecin de recevoir une alerte indiquant qu’un nouveau résultat de laboratoire est disponible après qu’il ait validé sa prescription. Il ressort d’ailleurs de la revue systématique conduite par Kawamoto et al., que si les recommandations sont apportées au prescripteur au bon moment, leur impact clinique est supérieur (P = 0.03 ) 116.

1.5.3.1.3 Catégorie de l’alerte

Comme précédemment évoqué, il existe différentes catégories d’alertes :

- les passives, parmi lesquelles on retrouve les liens en lignes, les ordres pré-spécifiés, les ordres groupés ;

- les actives, composées des alertes interruptives et non-interruptives.

Les ordres pré-spécifiés et les ordres groupés sont des ADI généralement développées pour faciliter la prescription des diverses composantes des OM, comme la posologie, la fréquence, le moment et la voie d’administration, ou encore les solvants et débits pour les médicaments à usage parentéral. Ces ADI sont intégrées au processus de prescription et ne le perturbent donc pas. Les ADI qui font l’objet de plus d’incertitude et d’études sont les ADI

actives car elles demandent une plus grande finesse et complexité de développement et d’implémentation pour devenir pertinentes.

Les données retrouvées dans la littérature quant à la supériorité, en termes d’impact sur la qualité des soins prodigués aux patients, des alertes non-interruptives ou interruptives sont assez hétérogènes. Il est communément admis que comme souligné par van der Sijs et al., le recours aux alertes non-interruptives est intéressant car ces ADI n’interrompent pas le processus de prescription et limitent la « fatigue aux alertes » des prescripteurs 117. Toutefois il a été démontré que les alertes qui requièrent la saisie d’une réponse par les médecins présentent un meilleur taux d’acceptation que les autres 118-119, excepté pour les bloquantes 99. En effet, les alertes dites bloquantes sont parfois considérées comme inacceptables car il est jugé que les aides à la décision ne peuvent remplacer la responsabilité des médecins dans la prise en charge thérapeutique de leurs patients 64.

A la vue de ces données, il semble que ces deux catégories d’ADI ont leur place dans les systèmes d’ADI. Les alertes interruptives, comme les non-interruptives, peuvent être toutes deux utiles dans la pratique clinique quotidienne 120, bien qu’il soit difficile de déterminer, sur la base de la littérature, dans quelles situations elles doivent être employées. Le choix de recourir à l’une ou l’autre doit être évalué en fonction de l’action ciblée. A titre d’exemple, Lo et al. ont déterminé que les alertes non-interruptives n’étaient pas pertinentes dans la surveillance biologique de l’effet des médicaments 120 et Horsky et al. ont conclu que les alertes relatives aux contre-indications devraient être implémentées sous forme interruptive

121. Cependant le recours aux ADI interruptives ne doit pas être généralisé du fait du risque de « fatigue aux alertes » 115. Des analyses ciblant l’impact des alertes signalant des interactions médicament-médicament ont mis en évidence qu’il serait préférable de

déterminer la catégorie de l’alerte à implémenter (interruptive ou non) pour chaque IM en fonction de la sévérité de leur conséquence clinique 91, 122-124

.

1.5.3.1.4 Proposition d’une alternative thérapeutique

Le fait de proposer une alternative à la prescription initiale, modifie l’impact des alertes sur les prescripteurs. La suggestion d’une prescription plus appropriée est appréciée par les médecins. Elle contribue à augmenter leur intérêt pour les alertes et améliore consécutivement leur taux d’acceptation 125. Ce principe est corroboré par une revue systématique, incluant 70 études, qui a mis en évidence que pour avoir un impact positif sur l’activité clinique, il est préférable d’utiliser des ADI qui proposent une alternative thérapeutique (p=0.02) à celle initialement choisie par le médecin 116.

1.5.3.1.5 Hiérarchisation de la sévérité des ADI

Comme précédemment discuté, en toute logique, les médecins acceptent plus facilement les alertes prévenant la survenue d’évènements cliniquement critiques pour leurs patients. Une étude hollandaise 64 a permis de mettre en évidence le fait que les médecins acceptaient plus fréquemment les alertes présentant une haute criticité (73%) que les moins pertinentes (4 à 51%). En outre, dans une étude portant sur 87’789 lignes de traitement réalisée sur 6 mois 126, les taux d’acceptation des alertes relatives à un surdosage ou une interaction médicament-pathologie étaient de 73% et 27% pour les hauts degrés de pertinence, contre 47% et 15% pour les bas degrés, respectivement. Horn et al. soulignent par ailleurs, que s’il est important de catégoriser les alertes en fonction de leur sévérité, il serait dommageable pour la sécurité des patients de ne prendre en charge que les

recommandations de criticité importante, puisque des alertes de criticité modérée peuvent se révéler essentielles pour prodiguer une thérapeutique optimale 127. Par ailleurs, il est établi que la manière dont les recommandations informatiques sont présentées impacte de manière non négligeable le taux d’acceptation des alertes 91. Ainsi il semble adéquat de hiérarchiser, d’un point de vue ergonomique, la présentation des ADI en fonction de leur degré de sévérité.

Différencier les alertes en fonction de la criticité de l’effet clinique qu’elles ont pour objectif de prévenir a montré un impact positif sur les taux d’acceptation par les prescripteurs. Il a été à plusieurs reprises démontré que le taux d’acceptation des alertes augmentait après avoir catégorisé les alertes en fonction de leur sévérité 128. A titre d’exemple Parke et al. ont mis en évidence que le nombre d’alertes ciblant les IM ignorées diminuait de 8’023 à 7’270 après distinction de leur criticité 129.

A ce jour, les alertes concernant les IM sont les plus couramment implémentées, et donc étudiées, dans les logiciels de prescription informatisée. Leurs études ont dévoilé qu’il est important de hiérarchiser de manière ergonomique les interactions médicamenteuses en fonction du degré de sévérité des effets potentiellement délétères que les prescriptions sous-optimales seraient susceptibles d’engendrer. En effet, cette mise en forme permet aux prescripteurs de cibler rapidement les alertes les plus cliniquement significatives. Il peut ainsi décider, en fonction du temps qui lui est imparti, de se concentrer sur les alertes qui lui semblent essentielles et opportunes. Cette approche améliore le taux d’acceptation des alertes informatiques. Qui plus est, le ciblage des alertes les plus cliniquement pertinentes permet de gagner la confiance des prescripteurs, ce qui peut favoriser dans un second temps l’implémentation de nouvelles alertes. Ainsi, le Brigham and Women’s Hospital de Boston,

qui hiérarchise les alertes implémentées dans le logiciel de prescription en trois niveaux de sévérité distincts, facilement identifiables grâce à des configurations différentes, obtient des taux d’acceptation des alertes par les prescripteurs supérieurs aux moyennes publiées par d’autres institutions (30% versus 19%). Les alertes de niveau 1, relatives à des avertissements sur la mise en jeu du pronostic vital, ainsi que les alertes de niveau 2, relatives à l’avertissement sur la survenue d’effets délétères, apparaissent toutes deux largement au centre de l’écran tout en présentant une ergonomie différente. Les alertes de niveau 3, relatives à des effets délétères potentiels, présentent quant à elles des dimensions moindres et apparaissent sur le côté de l’écran et par opposition aux deux précédentes ne sont pas bloquantes. Les alertes de niveau 3, contrairement aux alertes plus critiques, ont donc plutôt un rôle informatif. Ainsi, faciliter l’identification visuelle permet d’améliorer le taux d’acceptation des alertes tous niveaux confondus, mais de manière proportionnelle à leur degré de sévérité 103.