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1. ELÉMENTS DE THÉORIE

1.5 O PTIMISATION DE LA PERTINENCE DES ADI ET DE LEUR TAUX D ’ ACCEPTATION PAR LES PRESCRIPTEURS

1.5.3 Facteurs favorisant l’adhésion des prescripteurs aux ADI

1.5.3.2 Contextualisation de l’alerte

Pour être efficientes, les ADI doivent avant tout être pertinentes, c’est-à-dire cliniquement utiles aux prescripteurs. Pour que leurs recommandations concordent avec les besoins des médecins, elles doivent être en adéquation avec leur environnement : patient et destinataire. On parle de contextualisation.

1.5.3.2.1 Contextualisation du patient

La mauvaise VPP des alertes s’explique par leur incapacité totale ou partielle à prendre en considération le contexte du patient. Cette insuffisance compromet l’efficacité

des ADI car elle favorise l’ignorance des alertes par les médecins 67. Par conséquent, il apparait qu’intégrer des données liées au patient dans le développement des alertes, permet d’augmenter leur spécificité 130. Les alertes ainsi générées réduiraient le bruit de fond de plus de 90% 131. Les alertes « avancées », qui prennent en considération les données cliniques et le contexte des patients, apparaissent donc comme prometteuses et incontournables pour améliorer l’efficience et l’impact des ADI sur la qualité des soins. Elles semblent par ailleurs d’autant plus importantes que Tamblyn et al. ont démontré qu’elles sont en mesure de prévenir les erreurs de prescription les plus communément rencontrées qui sont, par ordre décroissant, les interactions médicament-pathologie, les interactions médicament-âge et les durées de traitement excessives 32.

Les données liées au patient qui doivent être prises en compte pour générer des alertes contextualisées peuvent contenir des informations d’origine diverses 76. Il est décrit dans la littérature que la spécificité et l’efficience des alertes sont optimisées par le recours à des systèmes plus sophistiqués prenant par exemple en considération : le poids 132, les résultats de laboratoire 35, 49, 133-134

, les paramètres cliniques 135 ou l’historique des OM du patient 88,

136-140

. Pour être pertinentes, les alertes doivent être contextualisées, priorisées en fonction de la sévérité de l’effet prévenu, du statut clinique du patient, des facteurs de risques associés et de la complexité du cas considéré 103.

Les alertes « avancées » les plus fréquemment décrites sont celles liées aux résultats biologiques puisque ce sont les plus communément implémentées dans les DPI. De nombreuses études ont démontré que les alertes considérant les valeurs biologiques sont parmi les meilleurs outils à la disposition des professionnels de santé, pour identifier des potentiels EIM 141-144. Schiff et al. ont mis en évidence leur plus-value dans différents

domaines comme : le choix de thérapeutique (indications et contre-indications), la détermination de posologie, la prévention de toxicité ou d’interactions 133. Ainsi, Rommers et al. ont conclu que la VPP des alertes est meilleure quand les résultats de laboratoire du patient sont considérés dans leur algorithme de génération 145. Parallèlement, d’autres études ont mis en évidence que la prise en compte de ces valeurs biologiques dans la conception des alertes permettait d’améliorer la prévention des EIM des patients 146-150. L’analyse de ces alertes, facilitée par le nombre d’études disponibles, est intéressante car permet de mieux cerner la finesse avec laquelle il est nécessaire d’appréhender la contextualisation du patient dans le développement d’alertes pertinentes. Par exemple, il est essentiel de choisir avec précaution le seuil numéraire du résultat de laboratoire déclenchant l’alerte afin de limiter les faux positifs et d’être cliniquement pertinent 49. De même, si on prend l’exemple d’un patient âgé traité par un inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone, il est important que le système prenne en considération la date de la dernière analyse de sa fonction rénale, puisque celle-ci ne doit pas être vérifiée plus de deux fois par an 151. Ainsi il apparait que plus les alertes considèrent de données, plus elles deviennent pertinentes.

1.5.3.2.2 Contextualisation du prescripteur

Parallèlement, il semble important d’adapter les alertes au statut et/ou à l’expérience du prescripteur, ainsi qu’à la spécificité du service dans lequel il exerce 152. Par exemple, des alertes relatives à la prescription des anti-infectieux peuvent être pertinentes pour un interne en cardiologie, et beaucoup moins pour un infectiologue chevronné.

Il est évident que des ADI ciblant les contre-indications ou les adaptations de posologies à la fonction rénale peuvent se révéler très utiles dans de nombreux départements médicaux, mais sont complètement inappropriées pour un service de néphrologie. Ce constat est aisément déclinable pour tous les types d’ADI. Les alertes considérant le poids sont extrêmement pertinentes en pédiatrie, mais présentent que peu d’intérêt en médecine interne 132. Parallèlement, les ADI relatives aux doses prescrites ne doivent pas être les mêmes en pédiatrie que dans des services hébergeant des patients adultes. Des services médicaux différents ne devraient pas fonctionner avec les mêmes ADI car leurs problématiques sont différentes. Pour être pertinentes et limiter les faux positifs, les ADI implémentées dans les SPI/DPI doivent en toute logique, être adaptées aux besoins et compétences de leur destinataire et être développées en conséquence de manière à diminuer la « fatigue aux alertes » 63.

La proportion d’alertes générées par les prescriptions fluctue suivant la spécialité des prescripteurs : de 1.2% pour les pédiatres à 27.5% pour les psychiatres (p<0.001) il semble donc important de s’adapter à la spécificité des services 40. Il est intéressant de noter que les médecins qui prescrivent un volume important de médicaments acceptent moins fréquemment les alertes que ceux qui prescrivent en plus faible quantité. Plus habitués aux alertes, ils auraient tendance à les négliger plus facilement comme mis en évidence par Isaac et al. 40. Dans cette étude, les psychiatres acceptaient 5.3% des alertes contre 17.7% pour les chirurgiens (p<0.001). Paradoxalement, les prescripteurs présentant une plus grande expérience de la prescription informatique ont tendance à accepter plus d’alertes que les débutants. Il pourrait donc être intéressant d’avoir recours à un système qui permettrait aux médecins de ne plus faire apparaître au fil du temps les alertes qu’ils considèrent inutiles.

1.5.3.2.3 Contextualisation institutionelle

La contextualisation institutionnelle est également nécessaire. Le contexte peut varier d’un hôpital à l’autre. Entre deux établissements, le profil des patients, les taux d’EIM avérés ou la probabilité de leur survenue peuvent différer 153. Du fait de cette nécessité de contextualisation, les SPI/DPI développés, voire adaptés localement, c’est-à-dire par l’établissement de santé lui-même, apparaissent comme une solution adéquate. En effet, dans une étude ils ont montré un meilleur impact sur la qualité des soins, que les 27 autres systèmes inclus dans la revue systématique (16.8% [IC8.7%–26.0%] versus 3.0% [IC 0.5%–

11.5%]; p = 0.04) 119.

Toutefois, la contextualisation tant des établissements de santé, des prescripteurs, que des patients, est complexe à mettre en place, du fait des ajustements techniques qu’elle nécessite, mais aussi du fait de la difficulté.