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Enveloppe de décohérence : signatures non-markoviennes

4.3 Discussion et interprétations

4.3.3 Enveloppe de décohérence : signatures non-markoviennes

Bien entendu, cette approche Lorentzienne possède une certaine limite. Nous savons en effet que dans le régime de basse température, l’enveloppe de décohérence ne se comporte plus comme une fonction monotone du fait de l’apparition de récurrences quantiques. Le sys- tème admet une dynamique fortement non-markovienne qui ne peut plus être décrite par un simple taux Γ. Dans ce contexte, pour pouvoir mieux appréhender la physique du problème, nous nous sommes tournés vers la formule de base définissant l’enveloppe de décohérence. En l’occurrence, la relation (4.42) montre que le processus de décohérence résulte du produit de fonctions périodiques de pulsation δΩ(±)Hom,A et δΩ(±)Bloch. Ces mêmes fonctions sont modulées en amplitude par le terme de fluctuation σn2¯ qui est intimement lié au paramètre de tempéra- ture α. En partant de ces différentes observations, il devient possible de dresser un portrait complet des effets non-Markoviens du système.

2. A haute température, un développement limité sur le nombre moyen ¯n ≡ (e1/α− 1)−1

c Température et décohérence

Dans un premier temps, nous avons cherché à établir le lien entre basse température et décohérence incomplète. En effet, lorsque la température se rapproche de zéro, l’enveloppe de décohérence possède toujours une valeur limite inférieure non-nulle (voir Fig. 4.10). Pour ca- ractériser ce phénomène, nous avons donc simplifié la forme de l’enveloppe de décohérence en fixant à l’unité tous les termes temporels oscillant comme sin2(. . .) → 1. Dans ces conditions, l’enveloppe ne dépend plus que du paramètre de température comme

|G±±(α)| =

1

p

1 + 4¯n(α)(¯n(α) + 1)N

(4.47)

En partant de cette relation, nous avons alors cherché à résoudre l’équation |G±±(α)| = S où la quantité S représente le seuil inférieur limite atteint par l’enveloppe. En réalisant quelques calculs, la solution de cette équation est

α = 1

ln1 + 2

S−1/N−1

 (4.48)

A partir de cette relation, nous avons représenté sur la figure 4.11a l’évolution de la tempé- rature en fonction de la valeur du seuil fixée.

α= 0.48 αC= 0.31

α

= f(

S)

0 0.25 0.5 0.75 1 1.25

S

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

(a) Évolution de α = f (S) pour N = 9.

N = 9 N = 100 N = 3 dépopulation phononique

α

= f(

S)

0 0.25 0.5 0.75 1 1.25 1.5

S

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1

(b) Évolution de α = f (S) pour différents N .

Figure 4.11 – Évolution de la température α en fonction du seuil S choisi et de la taille N .

Comme le montre cette figure, la forme analytique (4.48) permet de donner une bonne es- timation de la tendance de la décohérence en fonction de la température. Pour citer quelques exemples, nous avons ici cherché la valeur du paramètre critique αC à partir duquel l’enve- loppe de décohérence n’atteint plus la valeur seuil de S = 1/2. Dans le cas présent, le résultat est αC ' 0.31 (représenté en rouge) ce qui est en très bon accord avec l’expérience numérique

qui donnait αC = 0.35. Dans un autre cas, nous avons cherché la température pour laquelle la valeur seuil est de S = 0.1. En l’occurrence, la relation analytique donne α = 0.48 (représenté en vert) de nouveau en très bon accord avec la valeur numérique α = 0.5 comme observé sur la figure 4.10. En se basant sur cette bonne concordance des résultats théoriques et numé- riques, nous avons cherché à observer l’effet du paramètre de taille N . Comme le montre la figure4.11b, quelle que soit la taille N , il existe une température α ∼ 0.1 en deçà de laquelle l’enveloppe de décohérence devient quasi constante avec un seuil S ∼ 1. En réalité, ce com- portement s’associe phénoménologiquement à une dépopulation phononique. En effet, à très basse température le nombre moyen de phonons ¯n(α) sur le réseau (et i.e. les fluctuations σ¯n) se réduit fortement et chute vers zéro. Or en absence de phonons, il ne peut plus exister

CHAPITRE 4. APPLICATION DE P T∗ : EXCITON ET PHONONS SUR LE GRAPHE EN ÉTOILE

décohérence. Un autre point intéressant ici est que plus la taille N du graphe est importante et plus le processus de décohérence survient abruptement avec l’augmentation de la tempéra- ture. On voit en effet sur la figure4.11b que pour N = 3 la température peut varier sur une large fenêtre avant que le processus de décohérence ne soit bien marqué. Tandis que pour un graphe avec N = 100, un faible écart de température écrase subitement l’enveloppe de déco- hérence en faisant chuter la valeur du seuil S. Cela est dû au fait que le nombre de modes phononiques augmente avec la taille du graphe. Dans ces conditions, la multiplication des fluctuations σn¯ associées à chaque mode va produire une véritable extinction de l’enveloppe de décohérence (4.42). Ce qui aura pour effet de renforcer le processus de décohérence. c Super-récurrence : résonance des modes phononiques étendus

Connaissant ces différentes propriétés liées à la température, nous nous sommes dans un second temps intéressés à l’émergence des récurrences quantiques aux temps longs. Dans ce contexte, nous avons observé que chacune des deux périodes TR et TSR était respectivement

reliée aux corrections des pulsations des modes phononiques étendus comme

TR=

|δΩ(±)Hom,A| et TSR =

|δΩ(±)Bloch| (4.49) En d’autres termes, l’évolution temporelle du mode étendu phononique homogène associé à

δΩ(±)Hom,Arégit l’apparition des récurrences quantiques incomplètes de période TR. De la même

façon, les modes phononiques étendus inhomogènes associés à δΩ(±)Bloch vont produire à plus longs termes l’apparition de récurrences quantiques complètes de période TSR. Pour donner un exemple de comparaison entre théorie et expérience numérique, nous avions pu observer lors de nos simulations avec α = 0.5 et ∆0 = 1Φ (voir Fig. 4.10) que TR ' 1.87 × 104Φ−1 et TSR= 1.87 × 105Φ−1. Le calcul analytique des deux périodes donne respectivement T

R'

1.87 × 104Φ−1 et TSR= 1.88 × 105Φ−1 en parfait accord avec les résultats numériques. A ce

stade, marquons un bref arrêt pour rappeler une propriété importante observée lors de notre étude de l’habillage phononique

δΩ(±)Hom,A' (N + 1)δΩ(±)Bloch (4.50) En injectant cette propriété au sein de (4.49) nous obtenons alors

TSR

TR

' (N + 1) (4.51)

Ce résultat corrobore parfaitement l’ensemble de nos observations numériques. En l’occur- rence, pour emprunter au langage de la dynamique classique, nous observons ici que la "super- résonance" quantique qui se produit tous les TSR apparaît du fait de la commensurabilité des

périodes d’évolution des modes phononiques étendus. Cette "super-résonance" n’est claire- ment pas anodine : il s’agit là d’une propriété émergeant directement de la structure complexe du réseau étudié. En effet, c’est bien la symétrie du graphe en étoile qui est à l’origine de la dégénérescence d’ordre N − 1 de la pulsation δΩ(±)Bloch. Grâce à cette dégénérescence, seules deux types de pulsations phononiques agissent dans le facteur de décohérence (4.36)(4.37) :

δΩ(±)Hom,A et δΩ(±)Bloch. Les termes de phase produits étant alors très peu différents, ces derniers peuvent interférer de manière constructive bien plus facilement. Ce qui à terme produit des récurrences partielles aux temps intermédiaires, et des récurrences complètes aux temps longs. Il est intéressant de voir ici que cette particularité du graphe en étoile vient totalement contraster avec les résultats observés dans le cas de réseaux linéaires plus simples. En effet, sur de tels réseaux, des études ont montré que l’interaction exciton-phonon pouvait aussi en- gendrer des processus de décohérence [16–18]. Dans ce contexte, des récurrences quantiques

apparaissent aussi sur des temps longs. Or, à la différence du graphe en étoile, ces récurrences sont marquées par des amplitudes extrêmement faibles. A tel point que la décohérence appa- raît comme quasi-irréversible. En réalité, l’origine de ce phénomène est liée à la structure du réseau linéaire. En effet, une chaîne est un réseau très simple qui ne présente pas de symé- trie aussi marquée que celle d’un graphe en étoile. Les différents modes phononiques étendus apparaissant ne présentent alors aucune dégénérescence liée à la symétrie du réseau : toutes les pulsations propres sont distinctes. Dans ces conditions, les termes de phase à l’origine du processus de décohérence évoluent tous très différemment, si bien que le facteur de décohé- rence chute rapidement vers zéro et ne peut plus produire de récurrence quantique forte. Ce contraste comportemental entre les réseaux linéaires et le graphe en étoile est la preuve même que la complexité d’un réseau est ce qui permet de produire des phénomènes exotiques. Sans de telles propriétés, des phénomènes aussi surprenants que les super-récurrences ne pourraient alors émerger.