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5.3.1-Entretiens avec des utilisateurs de Flickr

-Création des outils de recueil des données et passation des entretiens

La phase d'entretiens auprès des utilisateurs de Flickr a nécessité un travail de recherche et de prise de contact avec des photographes membres du site. Nous avons sélectionné un ensemble de groupes thématiques et géolocalisés référencés sur le site, ainsi qu'un corpus de comptes d'utilisateurs. Les prises de contacts ont été réalisées principalement par le biais de la messagerie interne de Flickr, par l'envoi d'approximativement 200 messages de demande d'interview, mais également en nous rendant à des rencontres mensuelles organisées entre les membres de certains groupes. La sélection s'est principalement basée sur des groupes et des utilisateurs localisés sur Paris et dans le Nord, ainsi que sur certaines thématiques spécialisées (lomographie, streetart et photo-journalisme). Nous avons donc cherché, d'une part, à rencontrer des utilisateurs spécialisés dans certains types de thématiques photographiques pour étudier des usages plus spécialisés des tags et le rôle que ces derniers peuvent avoir dans le marquage d'appartenances communes, et d'autre part, à limiter notre corpus à deux localités pour des raisons de faisabilité de l'enquête.

Les demandes d'interview ont nécessité de notre part une explication des thèmes sur lesquels portaient les entretiens, ainsi que sur notre statut de chercheur. Afin d'optimiser nos chances de réussite, nous avons exprimé notre volonté de recueillir des témoignages de photographes utilisant Flickr, sans préciser que la question des usages du tagging était au centre de notre enquête. Ce choix est lié au risque de refus des enquêtés de nous octroyer une partie de leur temps libre pour évoquer l'usage spécifique d'une des nombreuses fonctionnalités, pouvant parfois sembler secondaire par rapport à l'usage général qu'ils ont du site. Le fait de valoriser comme thématique d'enquête leur carrière de photographe ainsi que leur usage plus général de la plateforme Web nous a donc semblé plus pertinent.

De la même manière nous nous sommes présentés à eux en tant que doctorant en sociologie à l'université lors de la prise de contact et c'est seulement lors des entretiens que nous avons évoqué notre appartenance à un laboratoire de la Recherche et Développement d'Orange et le caractère privé du financement de la recherche. Cependant, notre volonté de clarifier notre statut et la thématique de l'enquête avant de commencer les entretiens n'a pas entravé notre

recherche ou engendré de refus pour participer à l'enquête de la part des personnes interrogées. Afin que leur discours soit le plus spontané et le plus libre possible, nous avons également précisé aux enquêtés que les données recueillies seraient entièrement anonymisées et qu'en aucun cas leur nom, prénom ou pseudonyme ainsi que celui des personnes citées lors de l'enregistrement n'apparaitraient lors des restitutions de résultats. Nous avons également accepté de restituer le rapport final de la recherche aux enquêtés qui nous en ont fait la demande.

Les entretiens, d'une durée allant d'une à quatre heures d'enregistrement, ont été réalisés en majeure partie lors de leur temps libre, le plus souvent dans des cafés ou parfois au domicile des personnes interrogées.

Afin d'obtenir des données relativement homogènes au sein de l'échantillon constitué, nous avons produit un guide d'entretien (voir annexe 3 guide d'entretien utilisateur) ainsi qu'une fiche signalétique synthétisant un certains nombre de caractéristiques d'ordre socio-démographique et d'équipements informatiques et photographiques utilisés par les enquêtés. Le guide d'entretien ayant servi de support à la passation des entretiens se découpe en quatre thématiques correspondant à un ensemble de données que nous souhaitions recueillir afin de tenter de répondre au questionnement établi pour analyser les usages du tagging sur le Web :

-La première partie du guide d'entretien concerne l'activité en lien avec l'usage du site, la photographie dans le cas de Flickr, pour saisir le cadre plus large d'activité dans lequel s'inscrit l'usage du site et plus spécifiquement du système de tagging. Cette section a pour objectif de recueillir des informations sur le contexte de leur pratique de la photographie (professionnel ou amateur), leurs modes de découverte et d'apprentissage (informels ou institutionnalisés), le type d'équipements qu'ils utilisent ou encore les thématiques de photos qui les intéressent et leurs évolutions dans le temps. Ces informations nous ont servi à nous familiariser avec cette pratique artistique et à définir les liens qui peuvent exister entre le cadre de cette pratique et leur usage du site.

-La seconde partie du guide se centre sur les usages du site Flickr dans son ensemble. Il permet de les amener à nous expliciter la manière dont ils ont découvert le site, les fonctionnalités qu'ils mobilisent et la fréquence d'utilisation, leurs habitudes de navigation et

de recherche, la manière dont ils utilisent les fonctionnalités relationnelles, leurs modes de gestions des contenus et de la vie privée.

-La troisième partie concerne plus spécifiquement les usages du tagging, des métadonnées et des formes de classement des contenus sur le site. Il s'agit de comprendre quelles fonctionnalités techniques sont mobilisées, la manière dont s’effectue l'activité de catégorisation via les tags et les autres systèmes de classification sur Flickr, ainsi que les routines qui peuvent être mises en place par les utilisateurs pour effectuer le travail d'indexation. Elle permet aussi de saisir les logiques dans lesquelles s'inscrivent les usages du tagging et les choix de tags qu'ils effectuent. Une dernière série de questionnement porte sur les modes de recherche et de navigation sur le site à partir des tags et d'autres supports d'orientation sur le site ou sur leurs ordinateurs personnels.

-La dernière partie du guide permet quant à elle d'élargir la connaissance des enquêtés, en s'intéressant à leurs activités professionnelles et de loisirs, à leurs usages plus large des nouvelles technologies et du Web, ainsi qu'au cadre professionnel, familial et amical dans lequel ils évoluent.

-Révision du protocole d'enquête et confrontation aux pratiques

Les entretiens ont été réalisé en deux phases distinctes, après que nous ayons pris conscience d'un certain nombre de difficultés rencontrées au cours du traitement des premiers entretiens. En effet, suite à la réalisation des premiers entretiens, nous avons pu observer des décalages importants entre le discours tenu par certains enquêtés sur leur pratique du tagging et ce qu'il était possible d'observer en étudiant les tags sur leur compte d'utilisateur en ligne. Des usages du tagging assez atypiques étaient observables sur le Web mais aucunement mentionnés lors des entretiens, c'est pour cette raison que nous avons fait le choix de réviser le protocole d'enquête. La première phase a été réalisée avec onze utilisateurs de Flickr et après révision de notre protocole d'enquête nous avons entrepris la seconde phase d'entretiens auprès de vingt quatre utilisateurs.

La révision du protocole a consisté à l'intégration d'une étape de confrontation des utilisateurs à leurs pratiques observables directement sur leur compte Flickr. A la fin des entretiens, durant la seconde phase, en nous connectant sur Flickr, nous leur avons donc demandé d'observer

ensemble leur compte et plus spécifiquement leurs tags, afin de les amener à approfondir leurs récits de l'usage qu'ils faisaient du tagging. Cette révision du protocole a largement enrichi les entretiens car elle a permis de révéler des décalages entre ce qu'ils nous disaient de leur pratique et ce qui était observable sur leur compte. Elle les a amené à justifier ces écarts entre la représentation qu'ils se faisaient de leur propre usage du tagging et celui observable sur leur profil. Cette phase a produit des réactions d'étonnement face aux erreurs de tagging qu'ils avaient commises, à des usages plus spécifiques qu'ils avaient omis de citer ou à la façon dont leur usage du tagging, de Flickr et leur investissement dans la pratique de la photographie avaient évolué avec le temps.

-Captures des profils d'utilisateurs et « Timelines » de tags des utilisateurs Pour l'ensemble des trente cinq utilisateurs que nous avons interrogés, nous avons fait le choix d'effectuer une extraction de l'intégralité de leur compte disponible sur le site. Ces extractions ont permis de garantir la disponibilité des données des utilisateurs en cas par exemple de suppression de leur compte Flickr. Les données nous ont permis d'observer directement sur leur compte les usages qu'ils décrivaient lors des entretiens, mais également d'enrichir leur récit ou d'observer les décalages et les contradictions entre les données récoltées en ligne et leur discours. Elles ont également permis de quantifier avec plus d’exactitude la prégnance de certains usages qui étaient fait des tags ou d'autres fonctionnalités et de disposer de captures d'écran afin d'illustrer et de justifier, lors de notre analyse, certains usages mis en évidence. Le recueil de ces données s'est effectué à partir de deux dispositifs. Dans un premier temps, nous avons effectué des captures d'écrans complètes des pages des utilisateurs accessibles en ligne :

-La page de profil ou compte d'utilisateur présentant un certain nombre d'informations, comme leur localisation, leur âge, leur centres d'intérêts, etc.

-La première page de leur galerie de photographies qui présente sous forme chronologique leurs derniers contenus mis en ligne.

-La page des classeurs dans lesquels sont indexés les albums de photos qu'ils ont créés. -La page des albums dans lesquels sont indexés les photographies classées par thématiques.

-La page des favoris qui référence les photos d'autres utilisateurs qu'ils ont marquées comme étant intéressantes.

-La page d'archives qui recense, par année et par mois, le nombre de photographies mises en ligne.

-La carte géographique sur laquelle sont placées les photos géolocalisées. -La page contenant leur nuage des tags les plus fréquemment utilisés.

-La page présentant sous forme de tableau classé par ordre alphabétique l'intégralité des tags qu'ils ont indexés à leurs photos.

-Certaines pages de photographies (illustrant des usages du tagging typiques que nous avons pu mettre en évidence) et contenant son titre, sa description, les tags, les groupes auxquels elles sont associées, les commentaires laissés par les utilisateurs.

Dans un second temps, Christophe Prieur, Maître de conférences en informatique au LIAFA, a produit un script d'extraction à partir des API de Flickr. Il a extrait et mis en forme des « timelines » qui présentent de manière chronologique l'intégralité des photographies postées sur le site pour chacun des utilisateurs. Les « timelines » comportent les titres, les dates de mise en ligne et les tags associés à chaque photo. Ces données ont permis d'obtenir une vision temporelle de leur usage du tagging et d'analyser les évolutions dans l'intensité de l'usage du tagging, la structuration des tags ou les évolutions des catégories mobilisées.

-Présentation de l'échantillon des utilisateurs

L'échantillon d'utilisateurs est constitué de trente cinq utilisateurs du site Flickr que nous avons souhaité le plus diversifié possible, tant sur le plan des usages de la plateforme, de la pratique de la photographie que sur les caractéristiques socio-démographiques des personnes interviewées. (voir annexe 4 pour le tableau intégral présentant le détail des caractéristiques de l'échantillon).

De manière générale, l'échantillon est composé de trente hommes et de cinq femmes, âgés en moyenne de 32 ans, avec des âges allant de 22 à 59 ans au moment de l'enquête. Un peu plus d'un tiers des personnes interrogées résident en Ile de France alors que les deux tiers restant résident dans le département du Nord. Deux tiers d'entre eux sont célibataires et sans enfants, les autres étant mariés ou en concubinage et ayant des enfants.

En ce qui concerne le niveau d'études des enquêtés, ils sont en grande majorité titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur, seulement trois d'entre eux sont de niveau baccalauréat ou inférieur. A l'exception d'un demandeur d'emploi et d'un étudiant, ils sont tous en activité.

On compte parmi les enquêtés neuf photographes professionnels, cinq développeurs et informaticiens, neuf enquêtés travaillant dans le domaine artistique ou de la communication. Les autres exercent une activité dans d'autres secteurs aussi variés que l'enseignement, les transports ou l'aéronautique.

Ils possèdent pour la plupart des appareils photos du type Reflex ou Bridge numériques (appareils perfectionnés de qualité professionnelle) mais certains d'entre eux utilisent également des appareils compacts (appareil grand public) ou argentiques (non numérique). Ils sont tous équipés d'ordinateurs de type PC ou Macintosh et utilisent en grande majorité des logiciels d'édition et de traitement d'image du type photoshop ou lightroom.

Sur le plan des usages du Web ils possèdent tous un compte Flickr. A l'exception de l'un d'entre eux possédant un compte Flickr gratuit, tous possèdent un compte payant, appelé « compte Pro », fournissant une capacité de stockage plus importante et l'accès à des fonctionnalités supplémentaires sur le site. En plus de leur usage de Flickr, ils utilisent également tous d'autres sites de partage de contenus photographiques, vidéos ou audio (Dailymotion, Ipernity, Deezer, Last FM), des sites de réseaux sociaux (Facebook, Myspace, Twitter, Linkedin) ou d'agrégation de flux RSS (Netvibes). Il faut noter également que plusieurs enquêtés tiennent des blogs ou des sites personnels, le plus souvent orientés sur la photographie, qui leur permettent de publier leurs productions à d'autres endroits du Web que sur Flickr.

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