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Un des premiers points qui a marqué les évaluateurs est l’engagement exceptionnel des différents participants du processus. D’un côté, les formateurs se sont mobilisés presque tous les week-ends pendant la formation, en plus des cours qu’ils donnaient durant la semaine à l’université. Il s’agissait pour eux d’un engagement idéologique et ils ne comptaient donc pas

CHAPITRE 3. L’UNICAMPO, UNE FORMATION EXPERIMENTALE

leur temps. De l’autre côté, les étudiants, impressionnés par cette université faite sur mesure pour eux, avec des contenus qui les touchaient, ont également fait des efforts importants pour participer. Pour beaucoup, il fallait faire 2 ou 3 heures de moto, parfois sur des chemins impraticables. Et comme il s’agissait de deux jours, les femmes devaient laisser leurs enfants à la charge de leur mari ou des grands-parents. Ainsi, aussi bien formateurs qu’étudiants ont fait preuve d’un enthousiasme sans limite pour se lancer dans ce processus si différent.

Mais c’est aussi parce qu’il était possible pour les acteurs de s’engager pleinement : tout était à construire. Même si les grandes lignes étaient fixées, elles pouvaient être discutées, négociées et adaptées aux attentes de chacun. La place donnée au débat, à l’improvisation et à la construction collective de cette formation permettait aux participants de se sentir réellement acteurs et d’avoir envie de s’engager dans ce processus qu’ils pouvaient modifier. C’est sans doute cet espace qui a permis l’émergence de l’association, considérée comme un des succès incontestés de l'expérience.

Cependant, à partir de la troisième année notamment, l’engagement est devenu moins fort. Les formateurs ne voulaient plus sacrifier leur vie de famille et ont fait en sorte d’espacer les week-ends de présence a Sumé. Certains étudiants ont commencé à avoir des responsabilités professionnelles qui les empêchaient de venir le vendredi. D’autres n’ont continué à venir que par intermittence, pour voir ce qui se passait, mais sans vraiment s’investir. Le processus durait en longueur, il usait les participants. Certes, il s’agissait d’un processus pilote, qui avait été prolongé progressivement pour essayer d’aborder l’ensemble des nécessités des acteurs. Dans le cas d’une « répli-création », il n’est d’ailleurs pas envisagé de proposer un processus sur trois ans. Cependant, ceci questionne les facteurs de l’engagement :

Est-il possible d’institutionnaliser l’engagement, pour qu’il ne soit pas une charge personnelle, mais une fonction professionnelle ? Dans le cas des formateurs notamment, il a été envisagé de compter le temps engagé comme du temps universitaire. Cependant, le statut du projet rendait difficile cet accord avec l’université. Par ailleurs, comment maintenir un climat permanent d’improvisation et de construction qui favorise l’engagement ? Dans le cas d’une institutionnalisation dans la durée, on peut se demander si les formateurs ne risquent pas de tomber dans des routines défavorables à la construction collective.

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Comment sélectionner les participants ?

Derrière la question de l’engagement, il y a aussi la question du choix des participants, pour sélectionner des personnes qui seront motivées à participer du projet et qui s’y retrouveront. Au niveau de l’équipe pédagogique, les formateurs se sont choisis par affinité personnelle : les formateurs du noyau central se connaissaient déjà un peu quand ils ont choisi de monter le projet, puis ils ont progressivement agrégé d’autres personnes qu’ils rencontraient et qui pouvaient contribuer à l’expérience. Par contre, comme le soulève justement Mercoiret (2004), dans la perspective de mettre en place une réplication dans d’autres endroits, comment seraient choisis les formateurs ? en fonction de quels critères les sélectionner ?

En ce qui concerne les étudiants, deux types de sélection ont été utilisés. La première année, ce sont les membres du Conseil d’Orientation local qui ont sélectionné les étudiants, par zones. La directrice de l’école agro-technique de Sumé a sélectionné les étudiants dans les villes proches de Sumé en choisissant quelques jeunes issus de l’école. Le président du Forum d’Education du Cariri, de São João do Tigre, une ville du sud du Cariri, a sélectionné des étudiants dans le sud du Cariri, plutôt des jeunes avec un profil d’instituteurs. Le président de la CUT a envoyé quelques personnes de son mouvement. Un technicien de l’EMATER a lancé un processus de sélection de jeunes dans le Nord du Cariri, choisissant plutôt des jeunes au profil de techniciens qu’il connaissait. La diversité des personnes présentes dans le Conseil a donc garanti une grande diversité au sein des étudiants présents.

La deuxième année, la sélection de 15 nouveaux étudiants a été réalisée à la demande du Projet Dom Helder Camara, pour former des agriculteurs qui travailleraient pour lui (contre salaire) comme mobilisateurs sociaux. Ceux-ci devaient constituer un relais local dans leur communauté, pour développer des projets collectifs. Comme ceux qui étaient déjà en place ne savaient pas vraiment comment exercer leur rôle, le PDHC a souhaité intégrer dans la formation UniCampo des individus motivés pour devenir mobilisateurs. Les étudiants sélectionnés par un jury mixte en 2004 étaient donc tous issus de périmètres de réforme agraire (alors qu’il n’y en avait presque pas dans la première promotion) et faisait état d’une motivation forte pour monter des projets dans leurs communautés.

Ces deux types de sélection ont eu des répercussions importantes sur la configuration de la promotion participant de la formation. Au cours du premier cycle, il s’agissait surtout de personnes d’origine variée (fils d’agriculteurs, techniciens agricoles, agents de santé,

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syndicalistes, instituteurs), jeunes et moins jeunes, mais sélectionnés de façon assez aléatoire. Les 15 nouveaux étudiants présentaient un profil plutôt homogène (assentado ou fils d’assentado, parfois instituteur). Il est donc intéressant de s’interroger sur les différences provoquées par ces différents modes de sélection, au cours du processus de formation, puis en termes d’impact après la formation.