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En Juin 2004, intéressé par la proposition de l’UniCampo, le SDT rencontre l’équipe pédagogique de l’UniCampo à l’UFCG, pour leur proposer de mettre en place un cours universitaire de spécialisation (équivalent à un niveau master 1) pour des animateurs des territoires pilotes du Nordeste. C’est ainsi qu’est né le CEDRUS : Cours de Spécialisation en

CHAPITRE 3. L’UNICAMPO, UNE FORMATION EXPERIMENTALE

Développement Rural Durable (Curso de Especialização em Desenvolvimento Rural Sustentavel), au sein du label Université Paysanne44.

La formation a commencé en janvier 2006, avec 36 étudiants, sélectionnés par le SDT et l’UFCG dans les 45 territoires pilotes du Nordeste. Ils étaient pour la plupart « articulateurs » de territoires, c’est-à-dire qu’ils animaient le forum et la mise en place des projets territoriaux. Il s’agissait donc de toucher les principaux « responsables » des dynamiques mises en place dans les territoires. Comme ceux-ci habitaient parfois à plus de 30 heures de bus de Campina Grande, la formation était prévue par alternance : deux semaines de cours tous les deux mois, pendant 6 mois, puis rédaction d’un mémoire avec suivi par un tuteur (un étudiant de master ou doctorant) et par le professeur-encadrant. Les trois modules de deux semaines étaient divisés en cours magistraux avec des professeurs universitaires, et en séance de travail sur des projets de recherche-action, que les étudiants devaient mettre en place dans leur territoire. Le thème de la recherche-action dépendait bien sûr de l’affinité de l’étudiant avec un sujet, mais devait être choisi avec les différentes organisations du territoire.

Malgré l’intérêt des étudiants pour la recherche-action, sa mise en pratique a été relativement difficile. D’un côté, beaucoup de professeurs encadrant les mémoires, d’origine universitaire, poussaient vers des sujets plus classiques de recherche, impliquant assez peu de co-construction du projet avec les organisations du territoire. De l’autre côté, les étudiants, articulateurs à plein temps dans leur territoire, trouvaient très peu de temps à consacrer à la recherche, et ont rendu un travail réalisé en dernière minute, pour avoir leur diplôme.

Bien que ce cours ait proposé un contenu allant dans le sens d’un développement territorial et de la promotion de l’agriculture paysanne, la proposition pédagogique de problématisation n’a pas été utilisée, les cours prenant une forme universitaire relativement classique, avec un public habituel de personnes ayant déjà toutes suivies quatre années universitaires. C’est par la présentation de la méthodologie des projets de recherche-action que les étudiants ont pu découvrir une autre manière d’envisager la connaissance, mais ils n’ont pas toujours eu l’occasion de la mettre en pratique.

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http://www.ufcg.edu.br/~cedrus/

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La décentralisation des Universités Fédérales : opportunité ou lourdeurs ?

Dans le projet de l’UniCampo présenté en 2003, l’UFCG avait argumenté qu’il était important de mettre en place des « campus décentralisés » pour favoriser la démocratisation de l’accès à l’enseignement universitaire. Cette idée est devenue d’actualité en 2004, avec la décision du Ministère de l’Education d’inciter la mise en place de « campus » dans des villes moyennes. L’UFCG s’est aussitôt attelée au projet d’expansion, proposant entre autre un projet pour Sumé, mettant en avant le fait que le processus était déjà en cours, avec le projet UniCampo. Le projet global fut approuvé par le MEC courant 2005, mais le campus de Sumé n’a pas été retenu. Cette décision a provoqué une grande déception des étudiants de l’UniCampo et des autres acteurs locaux.

Un Secrétariat de Projets Stratégiques45 a été créé pour mettre en place le projet de décentralisation, avec à sa tête Marcio Caniello, le coordinateur de l’UniCampo. Celui-ci se dédia donc à la construction d’une université à Cuité, où allait être proposé des cours classiques, licences (pour devenir professeur de collège) de mathématique, physique, chimie et biologie. Mais il continua à insister auprès du recteur pour que Sumé passe également dans le projet, en ayant fait une question d’honneur vis-à-vis des étudiants de l’UniCampo. En mars 2006, le territoire du Cariri se mobilisa pour réaliser le « Cri du Cariri »46, mené entre autre par les membres du Forum du SDT. Des étudiants de toute la région furent acheminés en bus à Sumé, pour manifester pour la création d’une université dans le Cariri. Des politiques de tout bord s’associèrent à l’événement. La campagne électorale commença peu après, et le député fédéral du PT, Luis Couto, déclara dans ses promesses électorales qu’il ferait arriver une Université dans le Cariri. Il fut réélu, en même temps que Lula.

En 2007, l’université de l’état de la Paraíba47 choisit d’implanter un campus à Monteiro, proposant des cours classiques de mathématiques, de comptabilité, de lettres et d’espagnol. Ceci rajouta à la déception de la ville de Sumé. Mais alors que personne n’y croyait plus, en avril 2008, Lula signa enfin son autorisation pour l’implantation d’un campus dans le Cariri. L’UFCG, conformément à son projet lança le processus à Sumé et commença à négocier avec la préfecture la construction des bâtiments à côté de l’école agro-technique où avait eu lieu

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http://www.ufcg.edu.br/~spe/

46 Cri du Cariri, traduction du « Grito do Cariri ». Référence au « Cri de la terre » (Grito da Terra) ou au « Cri des exclus » (Grito dos Excluidos), grandes manifestations menées par les sans-terres ou par les exclus.

47 Il existe deux types d’universités publiques au Brésil : les universités fédérales, généralement plus prestigieuses, qui dépendent du ministère de l’éducation ; et les universités d’état, qui dépendent de chaque état.

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l’Université Paysanne. Sous l’influence de Marcio Caniello, l’UFCG a promis de mettre en place des cours universitaires différenciés, dans la ligne de l’Université Paysanne : un cours de gestion animale dans le semi-aride, un cours de gestion du territoire, une licence (pour devenir instituteur) en « educação do campo ». A terme, des cours d’extension pourraient aussi être développés, avec la perspective de proposer des formations pour agriculteurs similaires à celle de l’UniCampo. Une consultation a été lancée au niveau du territoire, pour discuter des contenus des différents cours.

Malgré les bureaucraties et incertitudes politiques, cette stratégie de poursuite de l’Université Paysanne peut fonctionner. Il s’agit cependant de cours universitaires et non pas de formation par alternance adaptées aux agriculteurs paysans. Même s’ils proposent des contenus pluridisciplinaires, ils devront respecter les règles du MEC qui permettent peu de flexibilité. Néanmoins, il pourra être envisagé en parallèle de mobiliser les professeurs sur des projets plus adaptés aux agriculteurs.