• Aucun résultat trouvé

Pour entreprendre une action, un individu doit choisir l’action qu’il veut réaliser, puis avoir la capacité de l’entreprendre. Pour choisir, il s’appuie sur les informations qui proviennent de l’environnement et sur ses connaissances. Pour agir, il mobilise des ressources et des compétences. Il pourra aussi être influencé par des systèmes de valeurs propres à son groupe et à sa société et mobiliser des ressources ou des savoirs dans un réseau de personnes. Pour revenir au cadre d’analyse, l’action individuelle sera donc déterminée par le capital humain de l’individu, mais aussi de manière plus large par son capital social (voire même son capital institutionnel, c’est-à-dire des organisations et institutions qu’il peut mobiliser, mais comme ce concept est encore peu utilisé, nous préférons le réserver pour l’analyse du niveau collectif).

Lors de l’action, l’apprentissage génère de nouvelles connaissances et compétences qui permettent de repenser l’action. Depuis les années 1970, ces différents éléments et leurs interactions intéressent les sciences cognitives, les sciences de l’intelligence artificielle ou plus récemment l’économie de la connaissance. Ces analyses formalisent généralement une « chaine de construction » de la connaissance (voir Figure 6.3, page suivante).

Par l’observation de la réalité, on obtient des données ; en formatant et structurant des ensembles de données brutes, il est possible d’obtenir des informations, c’est-à-dire des énoncés qui ont un sens (Reix, 1998) ; puis en associant l’information à de l’apprentissage, c’est-à-dire lors d’un processus d’assimilation, l’individu produit une connaissance (Foray, 2000). Enfin, la connaissance devient compétence par un processus d'appropriation ; la compétence devient performance par une démarche de progression mesurable (Rivoire, 2004). Selon Reix (1998), l’individu doit posséder de la connaissance pour permettre à cette chaine de se réaliser. Et en la réalisant, il produit de nouvelles connaissances, qui s’ajouteront aux premières. Il existe donc deux produits à cette chaine : l’action et l’apprentissage. L’apprentissage est naturellement inscrit dans ce cycle pour permettre une amélioration du processus d’action.

CHAPITRE 6. CADRE D’ANALYSE

Figure 6.3. Chaine de construction et de mobilisation des connaissances

Information

Connaissances Compétences

assimilation

appropriation

action

données structuration Appui à la décision

construction procédurale embrained embodied encoded explicite tacite double boucle Valeurs, vision embedded dimension collective individu groupe société

Par l’action, on a une construction procédurale de la compétence : nous définissons cette construction comme une boucle simple d’apprentissage. Ce cycle est associé à la mise en place de pratiques (qui intègrent des connaissances tacites) pour permettre une action efficace adaptée à la situation. Au cours de la « chaine de construction », on passe d’éléments codifiés (données, informations : encoded) à des éléments plus tacites (connaissances : embrained et compétences : embodied). On est donc dans un schéma d’intériorisation de la connaissance au sens de Nonaka et Takeuchi (1997).

L’action individuelle peut aussi être déterminée par des éléments issus d’apprentissages collectifs, notamment les valeurs construites au sein d’un groupe. Ces valeurs peuvent être amenées à changer par une remise en cause collective des processus d’action, c’est-à-dire au travers de processus d’apprentissage en double boucle. On est alors au niveau d’éléments très tacites (embedded), difficile à saisir.

Cette formalisation replace le capital humain, en lien avec le capital social, dans un processus dynamique de construction et de mobilisation de connaissances et compétences qui permettent l’action. Ce processus est présenté de manière relativement mécaniste mais cela permet de comprendre les liens entre différents concepts. A partir de cette formalisation, il est possible d’identifier quels sont les facteurs qui peuvent influencer le déroulement de ce processus d’apprentissage.

CHAPITRE 6. CADRE D’ANALYSE

Influence potentielle de la formation : identification des facteurs

Les facteurs que nous identifions à partir de ce cycle d’apprentissage sont valables de manière générale, mais nous les replaçons plus particulièrement dans le contexte d’une démarche de formation.

Tout l’enjeu lors d’un processus éducatif est de permettre au cycle complet de se réaliser, pour développer des compétences (Perrenoud, 2004). Différents déterminants de l’apprentissage individuel, influant sur le bon déroulement de ce cycle, peuvent être tirés des approches théoriques et de notre revue de littérature.

Un premier déterminant évident est l’accès à l’information. Comme l’a montré la revue de littérature (Chapitre 4), c’est un des aspects le plus abordé par l’ « extension agricole ». Dans le cas d’une formation, cet accès à l’information dépend notamment des contenus des cours, mais aussi du développement de capacités de recherche de l’information, ainsi que de capacités de critique des informations trouvées, notamment grâce à des cadres d’analyse. Cet accès dépend aussi de l’insertion de l’individu dans un réseau, mettant l’accent sur différentes formes de proximités (géographiques, d’activités, etc) (Torre, 2001). Notamment, c’est par le contact de personne à personne que peuvent se passer les connaissances tacites. Lors de la formation, une proximité se développe entre étudiants, permettant de nouveaux échanges. Certains auteurs (Cegarra, 2005; Torre, 2006) considèrent qu’il s’agit de plus qu’une question de proximité, et qu’il faut encourager la co-construction de connaissances, notamment par un recentrage sur la dimension locale, pour promouvoir la création de connaissances contextualisées.

La possibilité d’application est aussi un déterminant important, pour inscrire le processus d’apprentissage dans des situations proches de la réalité, afin de réellement construire des compétences (Perrenoud, 2001). Cette conception se rapproche des analyses faites par les sciences de gestion, qui place l’apprentissage au sein de l’action. Il s’agit de développer des actions permettant d’acquérir des dimensions tacites, non codifiables, et difficilement transférables lors de cours magistraux en salle de classe. La pédagogie par projet (Talbot, 1990) est une des formes actuellement privilégiée pour construire des savoirs "actionnables" et des compétences adaptées. Le cycle du projet (élaboration, mise en œuvre, évaluation) oblige à créer/mobiliser des connaissances, des méthodes (analyse des situations et des solutions potentielles), des qualités (créativité, capacité d'organisation) et des comportements. Néanmoins le processus d'apprentissage a besoin de se libérer des contraintes (de capital, de marché) que le projet doit affronter, voire résoudre.

Enfin, certaines analyses (Berthelot, 1999) mettent l’accent sur l’insertion de l’individu dans un collectif, induisant une variété d’apprentissages : des apprentissages individuels, qui peuvent être acquis en situation d’action individuelle ou collective, et qui sont mobilisés de manière différenciée par les individus ; des apprentissages croisés entre interlocuteurs en

CHAPITRE 6. CADRE D’ANALYSE

interaction ; des apprentissages sociaux ou organisationnels acquis au sein d’une expérience de pratique collective, mais ne sont pas forcément réutilisés en situation d'action collective. Il s’agit notamment des valeurs qui se construisent lors de l’expérience collective. On pourra notamment se référer aux analyses qui montrent comment différentes structures de réciprocité peuvent engendrer des valeurs humaines spécifiques (amitié, confiance, responsabilité, etc) (Dupuy et Torre, 2004; Temple, 1998; Temple et Chabal, 1995).

Ainsi, chacun de ces facteurs peut influencer la manière dont se met en place le processus cognitif qui permettra des changements plus ou moins importants du capital humain et social.

6.3.3 Approche relationnelle