Enfin, même s'il s'agit plus d'un état d'esprit que d'un postulat, nous affirmons tout au long de ce projet notre volonté de ne pas juger les acteurs de l'innovation. C'est ainsi que nous cherchons à respecter le premier principe d'une socio-économie de l'innovation telle que défini par Callon138 :
«s'abstenir de porter un jugement de valeur sur les acteurs
». Dans la même lignée, nous cherchons à mettre en œuvre une approche socio-économique de compréhension de l'innovation qui reflète les trois concepts définis précédemment, le processus, la décision et le résultat de PIHT : nous nous intéressons«
àla fois aux aspects
techniques et aux aspects sociaux.
». Quant au troisième principe,«utiliser la libre
association
», nous cherchons à le respecter en n'imposant pas de grille d'analyse aux acteursrencontrés. La majorité des entretiens a ainsi été suffisamment informelle pour ne faire référence au cadre d'analyse des modes possibles de contrôle que de manière très brève139•
L'objectif était bien de laisser l'acteur s'exprimer sans ordre prédéterminé: les chefs de projet avaient toute latitude pour faire de ces entretiens ce qu'ils souhaitaient en faire.
137 Syncrétisme (Hachette, 1998) «1. (PHILOSOPHIE) système philosophique ou religieux qui tend à faire
jùsionner plusieurs doctrines différentes. 2. (PSYCHOLOGIE) Système archaïque de pensée et de perception, consistant en une perception globale et conjùse des différents éléments ».
138Cf. Vinck et alii (1991), section 5 de l'introduction «vers une sodo-économie de l'innovation ».
139Les quelques questions posées au début de chaque entretien sont reprises dans la section 3.3.2.2. Collecte des
Chapitre 3:Méthodologie - 186-
En conclusion, cette recherche se veut interdisciplinaire, au carrefour entre les sciences de gestion et les sciences de l'ingénieur. Comme le montre Bensoussan (1993), le rapprochement conceptuel de ces deux disciplines scientifiques reflète l'accroissement de la pression stratégique sur les deux fonctions de gestion financière et de gestion technologique. C'est bien pour s'insérer dans ce contexte que notre recherche est fondée sur trois postulats: le volontarisme, le pragmatisme et la contingence.
3.1.2. Pour contribuer à la théorie du contrôle de PlUT, notre méthode de recherche se
veut pragmatique
Comment dès lors mettre en œuvre une telle posture? Nous présentons les principales caractéristiques de notre méthode dans cette section pour montrer dans quelle mesure son caractère pragmatique peut aider à la construction de théorie sur le contrôle de PIHT. Il s'agit en premier lieu de répondre à un appel fait par de nombreux chercheurs pour des recherches menées sur le terrain (section 3.1.2.1.). L'objectif de recherche reste malgré tout de contribuer
a
la construction de la théorie du contrôle des projetsà
partir d'études de cas (section 3'.1.2.2.). Une telle position requiert d'autant plus de rigueur que les outils de recherche ùt'ï1isés et les résultats se construisent à mesure que la recherche longitudinale avance (section 3.L2.3.). L'analyse de contenu est ainsi un outil important de notre dispositif de recherche (section 3.1.2.4.).3.1.2.1. De nombreux auteurs en sciences de gestion lancent des appels à une
recherche de terrain
Nous adhérons à la préoccupation d'un auteur comme Mintzberg (1979) qui se fait l'avocat de recherches émergentes descriptives, simples, inductives, systématiques et concrètes. Nous nous inscrivons dans cette lignée méthodologique en reprenant l'approche de Ferreira et Merchant (1992). Selon eux, les chercheurs dans le domaine de la comptabilité et du contrôle de gestion doivent être disposés à tirer parti des observations réalisées sur le terrain et ne doivent pas chercher à imposer un cadre immuable et préconçu. Ces auteurs décrivent les cinq opportunités et menaces inhérentes à ce type de démarche. Pour chacune d'entre elles, nous précisons la caractéristique de notre méthode qui paraît la plus idoine :
Opportunité/menace de ce type de recherche Référence dans notre projet de thèse
«Le chercheur a un accès direct et approfondi aux participants à l'organisation, C'est le principal objectif de notre programme de recherche dans l'organisation France
en particulier par des entretiens et dans des observations directes d'activités, et Telecom.
ces contacts constituent la source principale de données pour la recherche. »
«L'étude se concentre sur des tâches ou des processus réels et non pas sur des En l'occurrence, nous n'avons eu aucune influence sur la sélection par FT des projets
situations créées artificiellement par le chercheur. ». observés, ni même dans leur avancement. (Cf. section 3.3.2. Fin 1995 - début 1998 :
analyse longitudinale du contrôle de quatre PIH1)
«Le programme de recherche n'est pas complètement structuré. Il évolue tout au C'est ce que nous souhaitons montrer plus loin avec en particulier la section 3.1.3. Notre
long des observations terrain. » approche, une méthode d'observation participante parmi d'autres
«La présentation des données inclut des descriptions relativement riches du C'est ce que nous souhaitons montrer dans la présentation du secteur des
contexte des entreprises et de ses pratiques. » télécommunications et dans l'évolution des différentes fonctions de France Telecom (Cf.
section 3.2. Le secteur des télécommunications dans lequel évolue France Telecom est un terrain d'observation pertinent pour le contrôle de PIH1).
«Les publications résultantes sont adressées à la communauté académique même C'est notre intention avec ce projet de thèse, revu pour partie par des personnes
si la littérature de recherche-terrain peut être lue sans difficulté par des appropriées au sein de France Telecom.
praticiens. ».
Chapitre 3 :méthodologie -188 -
3.1.2.2. L'objectif de recherche poursuivi: une contribution
àla théorie
élaborée à l'aide de ces cas
La lecture de Ferreira et Merchant (1992) nous amène à formaliser les objectifs de notre recherche en regard de l'évolution de la recherche dans ce domaine :