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En conclusion, quelle que soit la qualité des compétences scientifiques et techniques d'une entreprise, les deux définitions de la fonction de R&D montrent que seule une partie des

activités de R&D est directement reliée aux activités d'innovation de produit ou service de

haute technologie: il s'agit des développements dit expérimentaux qui visent un marché

potentiel. Sur quel aspect de la R&D faut-il dès lors mettre l'accent pour mettre en œuvre

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cette transformation de la science en produit ou service dans un temps compatible avec la pérennité d'une entreprise commerciale?

1.2.1.2. Une R&D considérée comme une compétence clé de l'entreprise

Tout l'enjeu est de faire vivre une fonction de R&D à la fois proche du domaine de recherche amont et capable de contribuer à l'innovation à contenu technologique, pas seulement à l'invention. Une telle demande ne peut en première analyse être satisfaite qu'avec une R&D considérée comme une compétence clé de l'entreprise.

Qu'en est-il alors de l'intuition qui veut que seul un

«pionnier»

au sens de Miles et Snow (1978), doit avoir une compétence de R&D plus forte, un

«suiveur»

se contentant d'un compétence minimum de R&D pour pouvoir faire une veille technologique, conclure des alliances, racheter des brevets ou des licences, voire des entreprises possédant une telle compétence? L'analyse du passage de la science à la technologie par la théorie des réseaux faite par Debackere, Clarysse et Winjberg (1994) montre au contraire la nécessité d'une compétence forte de R&D, même si l'entreprise recoure aux techniques habituelles d'achat de R&D en externe, à savoir l'achat de brevets, de licences, voire d'entreprises. La littérature qui traite de l'externalisation de la recherche va dans le même sens: Bidault et Fischer (1994) par exemple montrent que, quel que soit le degré d'externalisation de la recherche, l'organisation en réseau est bien plus efficace que le marché pour acquérir des technologies. La raison principale est qu'une certaine confiance permet plus facilement d'absorber effectivement une technologie.

Que le débat porte sur l'acquisition de technologie à l'aide du marché ou sur l'internalisation complète de la R&D, il semble donc nécessaire de maintenir une compétence technologique minimum. La fonction de R&D doit alors être forte et autonome pour maintenir cette compétence technologique minimum, garantie d'intégration possible d'idées technologiques nouvelles, internes ou externes.

Hamel et Prahalad (1990) développent même cette idée en se faisant les avocats du concept de

« core competence»

de l'entreprise. Ds expliquent notamment la nécessité de fixer un objectif de développement stratégique à long terme basé sur les compétences et non sur les produits, sans forcément dépenser plus que les concurrents en R&D, ni même en rachetant des

entreprises. Cela passe en particulier par la demande faite aux cadres dirigeants d'un groupe de répartir le fonds de roulement entre les différentes activités mais surtout entre les cadres qui peuvent aider à construire l'ensemble des compétences spécifiques à l'entreprise.

De nombreuses recherches traitant des ressources humaines dans l'innovation développent ensuite cet argument. Bailetti et Callahan (1995) proposent ainsi une méthode qualitative pour mesurer combien les compétences des acteurs sont reliées aux besoins actuels des marchés de haute technologie. Ils en déduisent une proposition de modèle de politique de développement des ressources humaines s'appuyant sur une irrigation de l'ensemble de l'entreprise par les acteurs de la fonction de R&D. Cette logique est même reprise par Brown (1992) qui montre que l'innovation met sous tension l'ensemble de l'organisation en s'appuyant sur la R&D. Cet auteur avance en particulier que le département de R&D de Xerox Corporation a cherché à rendre toute l'entreprise innovatrice et donc à «refonder» l'entreprise comme l'indique le titre de son article : «Research that reinvents the corporation ».

C'est dans ce cadre que le concept de

«

R&D de troisième génération» prend toute sa place. Mis en avant par trois auteurs, Roussel, Saad et Erickson (1991), une telle R&D se définit par sa capacité à renforcer les capacités de l'entreprise à réaliser des innovations à contenu technologique : elle ne peut cependant se comprendre que par une explication historique. La R&D de première génération fut en effet dans les années dix neuf cent cinquante et soixante marquée par deux caractéristiques: la technologie du futur était essentiellement dans les mains du département de R&D et le budget annuel de recherche était par ailleurs alloué à la discrétion des dirigeants de ce même département. La R&D de seconde génération, typique des années soixante-dix et quatre-vingt, fut quant à elle marquée par la mise en place de relations clients/fournisseurs entre la R&D et ses nouveaux clients internes, à l'aide d'une contractualisation projet par projet. Cependant, même si cette R&D commence à distinguer les différents types de recherche, l'équilibre du portefeuille de projets entre invention et innovation n'était pas au cœur des préoccupations. Cet équilibre est au cœur de la R&D de troisième génération: il passe avant tout par la création d'un climat de confiance entre la R&D et les fonctions de l'entreprise et par la mise en place d'un partenariat

à

la fois stratégique et opérationnel entre les chercheurs et les autres fonctions.

En conclusion, tous ces argumentaires en faveur d'une R&D forte, autonome, ouverte sur l'extérieur, une fonction considérée comme une compétence clé de l'entreprise sont à nos

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yeux autant d'opportunités

de renforcer la capacité d'une

entreprise à programmer