• Aucun résultat trouvé

2. Hiérarchisation des enjeux en Midi-Pyrénées

2.2. Enjeux spécifiques

2.2.2. En milieux aquatiques

En milieux aquatiques (eaux courantes, stagnantes, berges et ripisylves), les impacts liés aux plantes exotiques envahissantes sont constatés depuis plusieurs années. De nombreuses techniques de gestion ont été mises en place, de nombreux documents de sensibilisation et retours d’expériences ont été produits. Les attentes des acteurs de ce domaine se concentrent donc sur des problèmes clairement identifiés, les principaux concernant :

• le fonctionnement de plans d’eau : les herbiers de plantes exotiques envahissantes forment des obstacles à l’écoulement des eaux et peuvent être responsables de comblement rapide et de fermeture de plans d’eau (sédimentation). La diminution de l’écoulement des eaux et propriétés physico-chimiques du

Figure 6 : Berge colonisée par Ludwigia grandiflora à Lamagistère (82) (Photo M.

Fontaine/CBNPMP

Photos M.Fontaine,G.Couëron/CBNPMP

milieu, la pénétration de la lumière est limitée ainsi que les échanges de gaz ; on peut alors observer une asphyxie du milieu et une modification du pH.

• le développement d’activités de loisirs et de pêche : les herbes se prennent dans les hélices des bateaux et gênent la navigation, les herbiers trop denses et nombreux ne permettent pas la pratique de la pêche. Dans certains cas cependant, les herbiers constituent des habitats favorables pour les poissons carnassiers ; seules les rampes d’accès sont alors nettoyées de leurs herbiers.

• les problèmes de visibilité et d’accès à l’eau : l’accès aux berges peut être limité à certains endroits par des foyers de plantes comme les Renouées asiatiques, trop denses pour être traversées ; les foyers peuvent être tel que la visibilité depuis la berge est réduite.

• les problèmes d’érosion des berges et terrasses alluviales : causés principalement par la Balsamine de l’Himalaya, à cause des alluvions qu’elle laisse à nu en hiver après sa disparition. Les grands foyers de Renouées asiatiques peuvent empêcher la régénération naturelle des boisements alluviaux et favorisent également l’érosion des berges.

• l’entretien d’infrastructures : certaines plantes peuvent poser des difficultés lors de contrôle visuel de l’état des barrages (à la base de l’édifice).

• la colonisation des bassins de rétention par la Jussie : ce problème, signalé à diverses reprises (bords d’autoroute, aéroport de Toulouse Blagnac) doit être traité de manière spécifique au vu de la réglementation concernant l’espèce (arrêté interministériel du 2 mai 2007).

• la colonisation d’étangs privés : des cas d’envahissement par la Jussie ont été rapportés dans le Gers. Le manque d’information d’une part, de moyens financiers et humains pour exercer une lutte préventive ou précoce sur ces sites d’autre part, conduisent à l’installation de foyers denses dans les domaines privés où la gestion est rendue difficile. Les pratiques et usages tels que la pisciculture ou l’irrigation y sont problématiques. Les étangs se ferment progressivement au détriment de la végétation locale, le milieu est asphyxié et les poissons ont du mal à circuler dans des systèmes racinaires très développés. Les prises d’eau pour l’irrigation se bouchent et doivent être dégagées régulièrement (toutes les 3 semaines environs).

Les milieux aquatiques sont donc concernés par la problématique à différent niveaux. Dans plusieurs secteurs de Midi-Pyrénées certains foyers d’espèces (Jussies, Renouées asiatiques…) ont une expansion telle que l’éradication de ces foyers n’est plus envisageable ; les interventions se concentrent alors sur des zones nouvellement colonisées où les foyers peuvent encore être éliminés. L’utilisation de désherbant chimique étant maintenant interdite à proximité de tous milieux aquatiques, les gestionnaires ont dû trouver de nouvelles manières de gérer ces espèces. La gestion de certaines zones demande de mobiliser une main d’œuvre importante et expérimentée, alors que les maîtres d’ouvrage rencontrent beaucoup de difficultés pour trouver des entreprises compétentes pour intervenir en milieux aquatiques. Des préconisations pour ne pas disperser ces espèces sont attendues par les gestionnaires et seront à suivre scrupuleusement dans ces milieux où la dissémination peut se faire très rapidement via les eaux courantes, les travaux et les transports de terre. Le plan régional d’actions devra donc s’attacher à centraliser et à diffuser

un maximum d’informations sur les techniques de gestion efficaces et sur les entreprises référentes pour une gestion adaptée.

Une liste hiérarchisée en milieux aquatiques (berges, eaux courantes ou stagnantes) a été établie lors de la phase d’état des lieux (annexe 7) dans le but d’aider les gestionnaires à identifier les priorités d’actions (voir paragraphe 3.2). Le groupe de travail sera sollicité pour apporter des informations complémentaires à cette liste tout au long de l’animation du plan.

Figure 7 : Reynoutria japonica bloquant l’accès à la rivière Salat à Cassagne (31)

Photo M.Fontaine/CBNPMP

Comparaison dans le Tarn du cortège floristique d’une berge naturelle colonisée par des plantes exotiques avec le cortège floristique d’une berge préservée

Les espèces exotiques envahissantes que l’on trouve sur des zones de berges naturelles, peuvent prendre la place des espèces autochtones présentes habituellement dans ces milieux, lorsqu’ils sont préservés. Une comparaison est ici faite entre les espèces exotiques trouvées sur un banc de graviers colonisés, et les espèces indigènes que l’on trouverait potentiellement sur un banc de graviers non colonisé, dans les mêmes conditions écologiques et sur les bords du Tarn également. Le relevé floristique fait sur une berge naturelle (photo ci-dessous) à Rabastens (81) a mis en évidence les 25 taxons exotiques envahissants regroupés dans le tableau ci-après. A partir d’observations floristiques réalisées sur les rives du Tarn, on peut tenter une reconstitution des types de communautés végétales potentiellement présentes. Pour bien mettre en évidence les compétitions pluriannuelle). Une correspondance syntaxonomique est proposée (typologie phytosociologique) pour chaque type de communauté identifiée. Les espèces exotiques et natives observées sur les rives du Tarn sont restituées dans cette grille de lecture. Cette comparaison montre qu’en l’absence d’espèces exotiques envahissantes sur les berges, celles-ci ne sont pas dépourvues de végétation mais au contraire accueillent un cortège diversifié d’espèces et de communautés végétales. L’alliance du Glaucion flavi est intéressante par son originalité, elle représente les communautés végétales de bancs de galets et sables des torrents et cours d’eau, d’affinité méditerranéenne, en limite d’aire de répartition en région Midi-Pyrénées.

Pulicaria dysenterica

Conséquence de la compétition d’espèces exotiques envahissantes sur des espèces nombreuses espèces patrimoniales. On remarque notamment Lindernia palustris (=L. procumbens), protégée en France et inscrite à l’annexe IV de la Directive européenne « Habitats faune flore », Cyperus michelianus et Eleocharis ovata, toutes deux protégées en Midi-Pyrénées.

Dans la vallée de la Loire et la basse vallée

de l’Adour, on observe la régression de Lindernia palustris depuis l’implantation de Lindernia dubia (photo ci-contre), espèce exotique envahissante en Midi-Pyrénées. En effet ces deux espèces occupent la même niche écologique (Antonetti et al., 2006). Pour l’instant Lindernia dubia n’a pas encore été trouvée dans la vallée de la Dordogne lotoise mais elle est présente dans la plupart des grandes vallées de la région (Adour, vallée du Lot, vallée de la Garonne), il faudra donc être particulièrement vigilant sur cette espèce.

Dans les bras-morts de l’Adour, une végétation patrimoniale est en déclin. Dans le Gers, Luronium natans, espèce protégée en France et faisant l’objet d’un plan national d’actions, et Marsilea quadrifolia, protégée en France également et inscrite aux annexes II et IV de la Directive européenne « habitats faune flore », étaient autrefois présentes ça et là (Dupuy, 1868 ; Duffort, 1901). Après dix années de prospection de l’Adour gersoise, le Conservatoire n’a trouvé qu’une seule station de Luronium natans (Leblond, en attente de publication dans le Monde des Plantes), et aucune station de Marsilea quadrifolia n’a été revue. Les espèces rencontrées

dans les localisations

anciennement citées pour ces espèces sont principalement Ludwigia peploides, Myriophyllum aquaticum et Lemna minuta,

toutes trois exotiques

envahissantes dans la région.

Dans la vallée de la Dordogne lotoise, là où se trouvent les plus belles stations régionales de Luronium natans, Ludwigia peploides, Ludwigia grandiflora et Myriophyllum aquaticum n’ont pour l’instant pas été observées, mais doivent faire l’objet d’une surveillance particulière

Photo N. Leblond/CBNPMP

Bras mort colonisé par Cyperus eragrostis (au premier plan), Myriophyllum aquaticum et Ludwigia peploides à Saint Mont (32). Photo M. Fontaine/CBNPMP