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A) La réconciliation entre le plaisir, la santé et la responsabilité

3. Faire le bien sans effort

D’après les résultats des sondages que nous avons vus dans le premier chapitre ainsi que de nos entretiens, nous pourrions conclure que les Millennials ont pour la plupart de très belles intentions. Ils sont

Robert Rochefort. op. cit. p. 304-305

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Agence bio (2015) Dossier de presse. Les Français confirment leur confiance dans une agriculture et une alimentation

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conscients des problématiques environnementales et sociales et cela les préoccupe énormément. Mais surtout, ils sont prêts à agir en cohérence en utilisant leur pouvoir comme « consom’acteurs ». Sauf que si cela demande trop d’efforts, ils pourraient très facilement se passer de faire le choix le plus engagé, car les grands efforts sont en contradiction avec leur autre facette, beaucoup plus égoïste et tournée vers les satisfactions individuelles. En revanche, nous pensons que les labels de certification de consommation responsable s’adaptent parfaitement aux deux facettes des Millennials depuis plusieurs perspectives que nous allons expliquer par la suite.

D’abord, comme nous l’avons étudié, les Millennials sont très méfiants en même temps qu’ils veulent agir comme des « consom’acteurs », sauf que la YOLO génération n’a pas vraiment beaucoup de temps pour s’y investir. À l’heure de choisir, ils évitent de « gaspiller » leur temps dans des activités à leurs yeux sans importance, et préfèrent évidemment investir leur temps dans des activités leur permettant de « profiter de la vie ». D’où la prédilection des Millennials pour la praticité et l’immédiateté, qui bien sûr est alimentée par l’instantanéité qu’ils ont connue grâce à internet. En ce sens, l’idée de passer des heures au supermarché en vérifiant chaque packaging pour comprendre l’engagement ou les qualités nutritionnelles de chaque produit n’est pas précisément un rêve Millennial. Bien sûr, les marques facilitent beaucoup ce processus et les consommateurs sont souvent guidés par elles. Néanmoins, comme nous l’avons vu, ils sont de plus en plus méfiants, y compris vis-à-vis des marques qu’ils ont connues pendant toute leur vie. De plus, chaque jour de nouveaux produits apparaissent qui n’ont pas toujours le budget pour développer leur marque et faire de la publicité. Face à toutes ces problématiques, les Millennials ont certes l’option de chercher sur internet avant de faire leurs courses, mais nous avons déjà mentionné d’abord qu’ils ne le faisaient pas pour le moment et aussi selon les réponses de nos interviewés qu’en l’absence des labels ils ne feront probablement pas l’effort non plus. Pour les Millennials c’est beaucoup plus simple d’avoir un seul signe : le label. Un signe qu’ils puissent identifier en une fraction de seconde, accordé par une tierce partie, qui résume sur chaque packaging les modes de production ou de commerce auxquels chaque produit adhère. C’est tellement simple pour eux qu’aujourd’hui leur utilisation est devenue presque un automatisme. Citons ici l’un de nos interviewés (Annexe 28)

« C’est pour ça que quand je te dis que si les labels disparaissaient, ça serait bizarre parce qu’en fait

nous on a toujours eu, on a souvent grandi avec, on a consommé et on a fait nos premières courses avec ces étiquettes là en fait, donc je que pense les Millennials s’en aperçoivent même pas en fait qu’ils le font,

c’est ancré, ils réfléchissent pas » MF

Nous étudierons plus en profondeur dans le troisième chapitre la capacité du label à exercer ces fonctions. Pour l’instant, continuons avec notre prochain point.

Les Millennials sont des individus engagés et inquiets à l’égard d’autrui, néanmoins ils ne sont pas moins humains que les autres générations. Ils ne priorisent simplement pas le bien-être collectif sur leur propre bien-être. Rochefort l’argumente comme suit « dans la société consommatoire, dont l'émergence est indissociable du stade avancé d'individualisme dans lequel nous nous trouvons, l'horizon est egocentré. Pour dépenser ce qui compte, c'est que cela n'aille pas trop mal pour soi et pour son entourage. Peu importe ce que sera le destin collectif, surtout s'il est un peu lointain » . Donc, si les Millennials sont intéressés par 90

la planète et par les autres, ce qui est primordial pour eux est leur bien-être. D’où le succès du marché bio qui se place bien au-dessus du marché équitable. La notion du bio est beaucoup plus attrayante que celle

Robert Rochefort. op. cit. p.10

de l’équitable, probablement parce qu’elle représente pour les consommateurs des bénéfices plus tangibles par rapport à eux-mêmes ou à leur entourage proche. Par exemple, la notion de protection de l’environnement est beaucoup plus proche d’eux que la problématique sociale, car la première est un élément clé pour leur santé et pour leur vie future et celles de leur descendance. Nous observons alors certains exemples chez nos interviewés dont la seule motivation pour acheter du bio est leur bien-être et qui finissent par faire « le bien », sans effort et nous dirons presque par hasard (Annexe 27).

Lorsque vous consommez des aliments certifiés par des labels AB ou Max Havelaar, vous vous sentez tranquille de ne pas créer un impact négatif ?

« Bio ? non je pense pas, je pense plus à moi, non mais c’est vrai, c’est plus égoïste, je pense plus à ma santé. Je ne pense pas aux pesticides je pense plus à moi de manière assez égoïste » CE

« Non, en tout honnêteté non, quand je vois qu’il porte un label… le label Fairtrade je vais être honnête, je

fais pas attention… Le label bio pour moi c’est synonyme d’un bon produit au niveau du goût, alors c’est quand je veux me faire plaisir que j’achète du bio » KS

Nous pensons que cette pratique peut même se voir reflétée lorsque les Millennials achètent du biologique plus par tendance et pour revendiquer leur appartenance à la « wellness tribe » comme certains l’appellent, mais aucun de nos interrogés n’exprimé ce sentiment directement.

Ensuite, nous sommes consciente, que l’argument prix est très important pour les Millennials. Même si dans multiples occasions, et comme nous l’avons vu dans le résultats des sondages, ils sont prêts à privilégier les causes éthiques et environnementales par rapport à leurs finances, ce n’est pas le cas pour tous et surtout ce n’est pas une démarche qu’ils peuvent se permettre pour 100% de leurs achats, étant donné leurs moyens économiques. En plus, les Millennials doivent fréquemment faire des compromis pour accéder à tout ce qu’ils désirent, pour voyager et connaître le monde, pour sortir au restaurant, aller dans les festivals de musique et, même s’ils ne sont pas trop attachés aux objets, vivre des expériences coût cher, ce qui parfois peut dissuader les Millennials de consommer de façon responsable. Voici l’opinion de certains de nos interrogés par rapport au prix de la consommation responsable (Annexe 29) :

« Il y a des fois où tu dis ça, j’aimerais acheter du bio, ok bon ça n’existe pas, bon tant pis. bah c’est trop cher ok on va prendre comme d’habitude » MF

« C’est aussi une question de prix parce que se nourrir 100% biologique ah ça serait magnifique mais ça coûte un bras donc je ne peux pas me permettre d’acheter tout ce que dans l’idéal je me serais acheté […] »

CT

À cet égard, une des caractéristiques du label est la possibilité d’être apposé sur de multiples produits, entre autres les marques de distributeur. C’est un phénomène qui a pris de plus en plus d’ampleur et qui permet aux Millennials d’accéder aux produits biologiques et équitables à prix bas, presque sans effort.

Opinion de Entr’aide (Marque Repère) :

« Je consomme [Marque Repère] parce que c’est pas cher tu vois ? Du coup si y a ça, l’entrée du commerce équitable, je pense que ça me pousserait plus à le faire » TB

Enfin, la consommation responsable permet aux Millennials d’être de bons citoyens quand cela leur convient le mieux, sans besoin de s’engager de façon permanente. Si un jour ils veulent acheter équitable pour aider les petits producteurs, ou s’ils veulent acheter biologique pour prendre soin de l’environnement

c’est suffisant d’après eux. La consommation responsable n’exige pas de s’impliquer dans des associations ou des partis qui demanderont beaucoup de temps et une cohérence à travers le temps. Grâce aux produits labellisés biologiques ou équitables les Millennials peuvent accomplir des actes de bonté à travers des achats sporadiques.

Nous avons vu dans les deux dernières sous-parties que les produits portant des labels de certification AB et Max Havelaar ne forcent les Millennials à renoncer à quelque chose ou du moins à très peu, et de moins en moins. Ainsi, les produits labellisés semblent représenter une réconciliation face aux contradictions à l’intérieur du système des valeurs Millennials et à la fois une réconciliation entre les valeurs des Millennials et l’hyperconsommation. Nous étudierons maintenant comment les stratèges de certaines marques de jus que nous avons analysées semblent faire appel à cette logique conciliatoire sur chaque packaging.