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Effets non linéaires dans les fibres optiques

Bien que la silice ne fasse pas partie des matériaux fortement non linéaires, les fibres optiques peuvent être le lieu de phénomènes non linéaires efficaces du fait du confinement de la lumière sur une faible surface (aire effective du mode) et pour une longueur d’inter-action importante.

La propagation d’un champ électromagnétique intense dans une fibre optique modifie ses propriétés. Le vecteur polarisation dépend alors du champ électrique de l’onde optique de façon non linéaire. La polarisation s’exprime en fonction du champ électrique selon l’équation :

P = ε0



χ(1).E + χ(2): EE + χ(3)...EEE

, (1.24)

avec ε0 la permittivité du vide et χ(n) le tenseur de susceptibilité d’ordre n. Le terme d’ordre 1 correspond aux effets linéaires, l’atténuation et la dispersion. Les effets non linéaires du second ordre sont négligables. Le caractère centro-symétrique de la silice interdit en effet toute non linéarité d’ordre pair. Par contre, le troisième ordre χ(3) induit plusieurs effets non négligeables. Ces effets peuvent être classés en deux catégories et sont dus soit à l’interaction du champ électrique avec les nuages électroniques du matériau (effet Kerr), soit ceux-ci font intervenir des transitions vibrationnelles (effet Raman) ou des ondes acoustiques (effet Brillouin).

II.2.1 Effet Kerr optique

La dépendance de l’indice de réfraction d’un milieu transparent à l’intensité du champ optique est connue sous le nom d’effet Kerr optique. Dans une fibre, l’effet Kerr est souvent considéré comme instantané et provenant de la déformation de la répartition de charge

électronique des molécules de silice. L’indice de réfraction est défini par [30] :

n (ω, I) = n0(ω) + n2I, (1.25) avec n0(ω) l’indice de réfraction linéaire, et I l’intensité du champ optique incident. n2 est l’indice de réfraction non linéaire proportionnel à la partie réelle de la susceptibilité du troisième ordre [30; 31] :

n2 = 3 8n0Re

h

χ(3)i. (1.26)

Notons que cette relation est uniquement valable dans le cas d’une onde polarisée linéai-rement dans un guide d’onde non biréfringent. La valeur typique de n2 est de l’ordre de 2.7 × 10−16 cm2/W à 1.55 µm pour une fibre en silice dopée GeO2 [31] et varie en fonc-tion du dopage du coeur de la fibre optique [32]. La non linéarité d’une fibre optique (en W−1.km−1) est aussi définie à partir de son coefficient non linéaire γ :

γ = 2πn2

λAef f, (1.27)

où Aef f est l’aire effective du mode de la fibre qui dépend des paramètres de la fibre.

Figure 1.9 – Schéma de profils d’indice de réfraction pour une fibre HNLF (à gauche) et une fibre SMF (à droite) [3].

La figure 1.9, présente une comparaison des profils d’indices entre une fibre monomode standard (SMF 28) et une fibre fortement non linéaire (HNLF). Dans une fibre HNLF, l’écart (∆n+) entre l’indice du coeur et l’indice de gaine est de l’ordre de 3% pour un

diamètre du coeur de l’ordre de 4 µm. Le profil en « W » de la gaine avec une diffé-rence d’indice (∆n), permet d’assurer un fonctionnement monomode de la fibre HNLF et aussi, une flexibilité dans le design du profil de la dispersion chromatique [3]. Les fibres HNLF utilisées pour l’amplification paramétrique ont des coefficients non linéaires de 10 à 20 W−1.km−1, tandis que pour une fibre standard, le coefficient non linéaire vaut 1.3 W−1.km−1.

L’influence de l’effet Kerr sur un signal optique est observée à travers trois phénomènes différents : l’automodulation de phase (SPM : Self Phase Modulation), la modulation de phase croisée (XPM : Cross Phase Modulation) et le mélange à quatre ondes (FWM : Four-Wave Mixing). L’automodulation de phase est la modification de la phase du signal sous l’effet de sa propre puissance. Lorsqu’une impulsion optique se propage dans la fibre, les variations temporelles d’intensité induisent une variation de sa phase et donc, de sa fréquence optique. L’automodulation de phase provoque par conséquent un élargissement spectral des impulsions de forte intensité. La modulation de phase croisée est un phé-nomène très similaire à l’automodulation de phase. Elle s’observe lorsque deux signaux distincts, de longueurs d’onde différentes, se propagent simultanément dans la fibre. La puissance d’un signal modifie l’indice de réfraction et donc les propriétés optiques du mi-lieu dans lequel se propage également le second signal. Ainsi, si un signal est modulé en intensité, l’indice de réfraction de la fibre se trouve également modulé ainsi que la phase du second signal. Le mélange à quatre ondes est l’origine physique de l’amplification paramétrique que nous présentons dans le paragraphe suivant.

II.2.2 Mélange à quatre ondes

Le processus de mélange à quatre ondes est un processus non linéaire lié directement à la susceptibilité d’ordre 3 χ(3). Ce processus implique le couplage non linéaire de quatre ondes : deux pompes (de pulsations ω1 et ω2), l’onde signal, et l’onde complémentaire dite aussi idler (de pulsations ωs et ωi respectivement). Lorsque ces ondes se propagent dans une fibre optique, leur battement crée par effet Kerr optique un réseau d’indice susceptible de générer de nouvelles fréquences par diffraction temporelle [33].

La modulation de l’indice induit un processus physique de transfert d’énergie par diffrac-tion des deux ondes pompes vers les deux ondes signal et idler ou vice versa.

Figure 1.10 – Processus de mélange à quatre ondes : a) les deux pompes sont degénérées 1 = ω2 = ω) et b) Les deux pompes ne sont pas dégénérés (ω1 6= ω2).

Ce mécanisme respecte la conservation de l’énergie et de l’impulsion, définie par les deux équations suivantes :

ω1+ ω2 = ωs+ ωi, (1.28)

β1+ β2 = βs+ βi, (1.29)

avec β1, β2, βs et βi les constantes de propagation des differentes ondes. Dans ce manuscrit, nous nous focaliserons uniquement sur les deux cas suivants, pour lesquels deux ondes sont dégénérées :

Dans le cas où les deux pompes ont la même fréquence (ω1 = ω2 = ω), le signal et le complémentaire sont non dégénérés et sont symétriques par rapport à la pompe (voir figure 1.10 a)). Cette configuration est dite non dégénérée pour le signal et le complémentaire. En revanche, dans le cas où les deux pompes sont distinctes, c’est-à-dire 1 6= ω2 (voir la figure 1.10 b)), il y a deux configurations possibles :

1) soit le signal et le complémentaire ont la même fréquence. Cette configuration est dite dégénérée pour le signal et le complémentaire.

2) Dans la deuxième configuration, le signal et le complémentaire peuvent avoir deux fréquences différentes symétriques par rapport à la fréquence moyenne des deux pompes

ωm = ω12

2 .

Le processus FWM peut également être interprété d’un point de vue quantique, dans lequel deux photons de pompe de fréquences ω1 et ω2 s’annihilent et deux photons sont

générés aux pulsations ωs et ωi du signal et de l’idler.

II.2.3 La rétrodiffusion Brillouin stimulée

La diffusion Brillouin (SBS : Stimulated Brillouin Scattering) se manifeste par la géné-ration d’une onde contrapropagative lorsque la fibre est soumise à une onde de pompe de forte puissance. L’onde générée, appelée onde Stokes, est caractérisée par une fréquence optique plus faible que l’onde pompe d’environ 11 GHz dans les fibres optiques en silice [31]. L’effet Brillouin stimulé apparaît à partir d’un certain seuil de puissance de pompe injectée. Quand la puissance de pompe dépasse ce seuil, une partie significative de cette puissance est convertie en onde Stokes. La puissance seuil Brillouin est donnée par la relation suivante [34] : PBSeuil = 21Aef f gBLef f ∆νPN ∆νB ∆νint B , (1.30)

où Aef f représente l’aire effective du mode de la fibre, Lef f sa longueur effective, liée à sa longueur L et son atténuation linéique (Equation II.1.1). Le coefficient de gain Brillouin

gB dépend des propriétés optiques, élastiques et géométriques de la fibre optique. Dans une fibre en silice, ce coefficient vaut 4.6 × 10−11m.W−1. ∆νP N

∆νB représente la largeur effective du gain Brillouin tenant compte à la fois de la largeur intrinsèque ∆νB du gain (∆νB= 50 MHz dans la silice) et de la largeur de raie ∆νP de la pompe1.

Dans nos amplificateurs paramétriques basés sur l’effet Kerr, l’obtention d’un gain sub-stantiel passe par l’injection des puissances de pompe élevées, souvent plus élevées que le seuil Brillouin. La suppression du SBS est donc l’un des défis majeurs dans la conception des amplificateurs paramétriques à fibre optique (FOPA’s), puisqu’une grande partie de la puissance de pompe est convertie vers l’onde optique rétro-diffusée (onde Stokes) dans la fibre. La pompe diminue alors considérablement et ne peut plus participer efficacement à l’amplification paramétrique. En pratique, deux techniques sont utilisées pour augmenter le seuil d’apparition de l’effet Brillouin.

La première technique repose sur la manipulation des propriétés physiques de la fibre. Celle-ci peut être réalisée en modifiant le rayon du coeur de la fibre optique [35], la

1. Par exemple, la largeur de la convolution du profil de gain avec la largeur de raie de la pompe vaut : ∆νP ∆νB = ∆ν2

P+ ∆ν2

B

1/2

pour des profils gaussiens ou ∆νP ∆νB= ∆νP+ ∆νB pour des profils lorentziens

concentration du dopage [36], par l’application d’une distribution de contraintes sur la fibre [37] ou par modification de la température de la fibre [38]. La deuxième technique dite "active" est basée sur la modulation de phase ou modulation en fréquence [39; 40] de la pompe. C’est la technique la plus répandue pour le pompage des amplificateurs paramétriques à fibre.

II.2.4 La diffusion Raman stimulée

La diffusion Raman stimulée (SRS : Stimulated Raman Scattering) est un mécanisme de diffusion inélastique qui provient de l’interaction d’une onde lumineuse avec les molé-cules du milieu de transmission (la fibre en silice). Si l’onde lumineuse est suffisamment intense, une partie de son énergie est convertie en phonons optiques copropagatifs à la pompe et décalés de 13,2 THz [31] de l’onde optique initiale.

L’apparition de ce phénomène aura lieu après l’injection dans la fibre optique d’une puis-sance supérieure au seuil PRSeuil [31] :

PRSeuil = 16Aef f ect

gRLef f , (1.31)

avec gR le cofficient de gain Raman.

La diffusion Raman stimulée est exploitable pour réaliser des amplificateurs [] ou des convertisseurs en combinant le gain Raman et le mélange à quatre ondes [41; 42]. Dans le cadre des travaux présentés dans ce manuscrit, la SRS joue un rôle mineur sur le processus d’amplification paramétrique en raison des puissances de pompe mises en jeu qui sont largement inférieures à la puissance du seuil Raman.

III Les amplificateurs paramétriques à fibre optique