• Aucun résultat trouvé

Les effets des attentats du 11 septembre 2001 sur le droit international de la

Section II L’évolution du critère de contrôle dans le cadre de la guerre contre

1. Les effets des attentats du 11 septembre 2001 sur le droit international de la

Depuis les attentats à New York du 11 septembre 2001, une nouvelle réalité concernant

l’usage de la force en DIP s’est matérialisée. Ce changement ne s’est pas réalisé

subitement d’un jour à l’autre, mais le choc des événements du 11 septembre 2001 l’a

certainement accéléré. La journée du 11 septembre 2001 a fait ressortir que des acteurs

non étatiques armés jouent un rôle de plus en plus important sur la scène internationale,

un rôle qui peut même avoir des conséquences directes sur l’ordre mondial. C’est en

observant les conséquences de ces attentats que nous remarquerons les changements

marquants qui se sont concrétisés dans l’attitude des États face à l’agression en DIP,

surtout en ce qui concerne la guerre contre le terrorisme.

Avant le 11 septembre 2001, seuls Israël et les États-Unis avaient invoqué leur droit à

la légitime défense contre des États dans lesquels se réfugiaient prétendument des

terroristes

355

. Cependant, jusqu’en 2001, les attaques menées par Israël et les États-Unis

contre des organisations « terroristes » dans le territoire d’États souverains à qui le

comportement de ces organisations ne pouvait être attribué ont systématiquement été

condamnées

356

. À titre d’illustration, dans les années 80, l’ONU a refusé d’affirmer que

l’article 51 de la Charte des NU de 1945 pouvait être utilisé pour justifier le droit à la

légitime défense en réponse à des attaques terroristes, telles que celles qui ont eu lieu à

Tripoli et à Benghazi en 1986 ou le bombardement des bureaux de l’OLP en Tunisie en

1985 et 1988

357

.

Le droit à la légitime défense, principe de DIP à la fois conventionnel (article 51 de la

Charte des NU) et coutumier, est accordé lorsqu’un État est l’objet d’une agression

armée. Dans les cas où cette agression armée était exécutée par un acteur non étatique,

la controverse avait toujours été plutôt axée sur le degré de contrôle nécessaire pour

pouvoir attribuer un tel comportement à un État. Les Affaires Nicaragua et Tdic, ainsi

que la jurisprudence qui a suivi, ont indiqué qu’un acteur non étatique pourra

effectivement avoir commis une « agression armée » au sens de l’article 51 de la

Charte des NU s’il exécute son attaque sous un degré de contrôle suffisant de l’État

depuis lequel il opère : « This general standard of attribution has been reiterated by the

ICJ in the Wall advisory opinion and in DRC v. Uganda, reaffirming the Court’s

355

Sonja Cenic, « State Responsibility and Self-Defence in International Law Post 9/11: Has the Scope of Article 51 of the United Nations Charter Been Widened as a Result of the US Response to 9/11? » (2007) 14 Austl. Int’l L.J. 201 à la p. 206.

356

Ibid. aux pp. 206-07. Voir aussi Gregory E. Maggs, « The Campaign to Restrict the Right to Respond to Terrorist Attacks in Self-Defense under Article 51 of the U.N. Charter and What the United States Can Do About It », (2006) 4 Regent J. Int’l L. 149 à la p. 151.

357

Ziccardi Capaldo, supra note 351 à la p. 104. Voir à cet égard les résolutions suivantes : Résolution

573, Doc. off. CS NU, 2615e séance, Doc. NU S/RES/573 (1985); Déclaration de la Conférence des

chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine relative à l’attaque militaire aérienne et navale lancée en avril 1986 par l’actuel Gouvernement des États-Unis contre la Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, Rés. 41/38, Doc. off. A.G., 41e sess., supp. no 53, Doc. N.U. A/RES/41/38 (1986); Résolution 611, Doc. off. CS NU, 2810e séance, Doc. NU S/RES/611 (1988).

position that armed attacks giving rise to the right to self-defense must be imputable to

a foreign state. »

358

En date du 11 septembre 2001, les États-Unis ont été victimes sur leur propre territoire

d’une agression armée de haute envergure menée par le groupe terroriste Al-Qaïda. En

réponse à ces attaques, ils ont notamment déclenché une invasion contre le régime

taliban en Afghanistan dans le cadre de l’opération dénommée « Operation Enduring

Freedom ». Les États-Unis ont justifié ces opérations militaires en réclamant leur droit

de légitime défense contre l’Afghanistan, qu’ils ont jugé responsable des actes

terroristes commis par Al-Qaïda. « From the territory of Afghanistan, the Al-Qaeda

organization continues to train and support agents of terror who attack innocent people

throughout the world and target United States nationals and interests in the United

States and abroad. »

359

358

Heinze, supra note 352 à la p. 92. Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le

territoire palestinien occupé, Avis consultatif, [2004] C.I.J. rec. 136 [Avis sur le mur palestinien] : La

C.I.J. a répondu à la question qui lui avait été demandée par l’Assemblée générale de l’ONU par résolution la ES-10/14 du 8 décembre 2003 portant sur la légitimité et les conséquences en droit « de l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est [...] ». De l’avis de la C.I.J., la construction du mur entravait « la liberté de circulation des habitants du territoire palestinien occupé [...] » ainsi que « l’exercice par les intéressés des droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant [...] » (au para. 134). La C.I.J. a rejetté l’argument d’Israël selon lequel la construction du mur représentait un moyen de légitime défense contre des attentats terroristes, notamment parce qu’« Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un État étranger ». Dans l’Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique

du Congo c. Ouganda), [2005] C.I.J. rec. 116 [Affaire des activités armées], la C.I.J. a jugé de la

responsabilité de l’Ouganda pour une opération militaire menée par des groupes armés congolais dans le territoire de la République démocratique du Congo (RDC). La C.I.J. a conclu entre autres que l’Ouganda n’exerçait pas un contrôle sur ces groupes armés, mais qu’il a violé la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC en dispensant une aide financière et militaire au Mouvement de Libération du Congo (MLC). La C.I.J. a considéré que cette intervention illicite constituait une « violation grave de l’interdiction de l’emploi de la force énoncée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies » (au para. 165). Ces circonstances sont très similaires à celles de l’Affaire Nicaragua, supra note 17, dans laquelle la C.I.J. a également fait cette distinction et trouvé que les États-Unis avaient violé les principes de la territorialité, la non-intervention et l’interdiction du recours à l’usage de la force en fournissant une assistance financière et des armes aux contras nicaraguayens, voir le texte correspondant à la note 320.

359

Lettre datée du 7 octobre 2001, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent des États-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies, Doc. off. CS NU,

En d’autres mots, les États-Unis visaient l’attribution du comportement d’Al-Qaïda, un

acteur non étatique, au régime taliban de l’Afghanistan. Toutefois, les États-Unis n’ont

pas tenté d’établir devant la communauté internationale qu’Al-Qaïda avait agit au nom

des Talibans de manière à ce qu’ils soient considérés comme agents de facto de ces

derniers ou que le régime taliban exerçait un « contrôle effectif » ou « global » sur Al-

Qaïda lors de l’attaque du 11 septembre 2001. L’État américain s’est plutôt justifié en

avançant que, par le simple fait d’avoir fourni un refuge et soutenu Al-Qaïda, le régime

taliban devait être tenu responsable du comportement de ce groupe :

The US, however, did not attempt to establish that al-Qaeda acted on behalf of the Taliban, or that the Taliban played any direct role in, or had any direct knowledge of, the planning or execution of the attacks. Instead, the US arguably sought to impute al Qaeda’s conduct to Afghanistan simply because the Taliban had harbored and supported the group, irrespective of whether the state exercised ‘effective control’ (or ‘overall control’) over the group360

.

Les États-Unis ont joui d’un support global considérable de la part de la communauté

internationale. Les 12 et 28 septembre 2001 respectivement, le Conseil de sécurité a

adopté les résolutions 1368 et 1373 reconnaissant aux États-Unis « le droit inhérent à la

légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte »

361

. Or, en

exprimant sa reconnaissance de l’exercice au droit de légitime défense des États-Unis

contre l’Afghanistan, le Conseil de sécurité admettait implicitement que l’attaque du 11

septembre 2001 était une « agression armée » au sens de l’article 51 de la Charte des

NU de 1945, que l’Afghanistan était responsable du comportement d’Al-Qaïda et que,

par conséquent, les États-Unis étaient autorisés à riposter par la force

362

.

La réaction internationale, manifestée en grande partie en faveur de l’invasion

américaine en Afghanistan en 2001, a déclenché une vague de sympathie et

d’observations suggérant qu’un changement important du droit de la responsabilité des

360

Jinks, supra note 342 à la p. 89. 361

Résolution 1368, Doc. off. CS NU, 4370e séance, Doc. NU S/RES/1368 (2001) [Résolution 1368

(2001)]; Résolution 1373, Doc. off. CS NU, 4385e séance, Doc. NU S/RES/1373 (2001) [Résolution

1373 (2001)].

362

Dans la Résolution 1368 (2001), ibid., le Conseil de sécurité s’est déclaré « prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 et pour combattre le terrorisme sous toutes ses formes » et, dans la Résolution 1373 (2001), ibid., a réaffirmé « la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme ».

États dans le contexte de la légitime défense pourrait être envisagé. Selon Greg

Travalio et John Altenburg, la passivité de la communauté internationale face à la

position américaine représente la preuve la plus significative de l’évolution du droit

international coutumier concernant l’utilisation de la force contre la menace du

terrorisme

363

. Derek Jinks partage cette opinion :

Because the US position (regarding the use of force in Afghanistan) has enjoyed broad, general support in the international community (at least in intergovernmental bodies), substantial evidence suggests that the international legal response to the terror attacks signaled a subtle, but important shift in the law of state responsibility364

.

De l’avis de plusieurs auteurs de doctrine, le critère du « contrôle effectif » ou

« global » pourrait ne plus être de rigueur, du moins en ce qui concerne l’attribution du

comportement de groupes terroristes aux États

365

. Ainsi, au lieu de faire la preuve que

l’État contrôle l’acteur non étatique, il suffirait de prouver que l’acteur contre lequel on

veut se défendre effectue ses opérations depuis le territoire de l’État hôte et y est

hébergé, réduisant dramatiquement le degré nécessaire de contrôle exercé par l’État

hôte sur le groupe non étatique ayant commis l’agression armée.

Il semble qu’en pratique, les États soient devenus plus tolérants envers les invasions

d’États dont les territoires sont utilisés comme refuge par des forces irrégulières

366

.

L’invasion américaine de l’Irak en 2003 et l’offensive israélienne contre le Liban dans

la guerre de juillet 2006, bien que n’ayant pas joui d’un tel soutien international,

démontrent une tendance inquiétante en faveur de l’argument américain suivant lequel

il serait légitime d’attaquer militairement un État qui héberge, soutient, ou même

tolère, les activités d’un groupe considéré « terroriste » sur une partie de son

territoire

367

. « In other words, the rules for attributing the acts of nonstate actors to

363

Travalio et Altenburg, supra note 14 à la p. 109. 364

Jinks, supra note 342 à la p. 88. 365

Voir notamment Cenic, supra note 355; Heinze, supra note 352; Jinks, ibid.; Travalio et Altenburg,

supra note 14.

366

Stephanie A. Barbour et Zoe A. Salzman, « ‘The Tangled Web’: The Right of Self-Defense against Non-State Actors in the Armed Activities Case » (2007-2008) 40 N.Y.U.J. Int’l L. & Pol. 53 à la p. 80. 367

Cependant, l’attitude de la communauté internationale envers les mesures prises pour contrer le terrorisme international avait bien auparavant commencé à changer. Pour des exemples illustrant cette évolution, voir Travalio et Altenburg, supra note 14 aux pp. 104-11.

states have been relaxed, such that the relationship between a nonstate actor and a state

need not be one of ‘effective control’ in order for the activities of the former to be

imputed to the latter. »

368

Si la position américaine l’emporte et parvient à créer une nouvelle règle coutumière, la

question sera alors de savoir quel degré de participation est requis de l’État qui héberge

l’acteur non étatique pour qu’on lui attribue le comportement de ce dernier. En prenant

comme exemple l’invasion américaine de l’Afghanistan suite au 11 septembre 2001, le

simple fait d’acquiescer à la présence ou aux opérations des acteurs non étatiques serait

suffisant pour attribuer leur comportement à l’État et justifier une attaque défensive

369

.

Or, si ce nouveau critère se développe et devient la norme en DIP, l’offensive

israélienne au Liban en juillet 2006 sera évidemment renforcée au niveau juridique.

Effectivement, si la question du degré de contrôle exercé par l’État libanais sur le

Hezbollah peut se révéler complexe, il est, par contre, tout à fait clair que le Hezbollah

opère depuis le territoire libanais et que le Liban est plus que tolérant envers la

présence de ce groupe.

2.

Les éléments du critère de « refuge » ou de « soutien » développé par les États-