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Des articles statiques face à une fragmentation croissante du droit

Section II Critiques du projet d’articles de la C.D.I de 2001

2. Des articles statiques face à une fragmentation croissante du droit

Certains auteurs reprochent aux articles du projet de la C.D.I. de 2001 de refléter une

vision erronée du DIP comme étant un droit unifié qui opère de la même manière dans

tous les domaines

243

. Ceci limiterait l'élaboration de normes internationales variées et

adaptées à la panoplie de situations qui peuvent se produire. Les articles sont généraux

et non adaptés à la fragmentation croissante du DIP en domaines juridiques spécialisés

ce qui, selon certains auteurs, fait des articles de la C.D.I. un projet anachronique et qui

peut limiter le développement de normes internationales plus diversifiées

244

.

240

Crawford, « A Retrospect », supra note 205 à la p. 888. 241

Weiss, supra note 229 à la p. 815. 242

Weiss exprime l’opinion que d’autres mesures, incluant l’adoption d’un article sur le droit des individus et entités non étatiques d’invoquer la responsabilité des États, auraient dû être prises. Elle conclut son article avec ces paroles édifiantes : « For the twentieth century, [the articles on state responsibility] represent a significant advance. For the twenty-first century, they are still wanting. » Voir Weiss, ibid. à la p. 816.

243

Bodansky et Crook, supra note 206 à la p. 781. 244

En 2000, un Groupe d’étude sur le sujet de la fragmentation du DIP, dont Martti Koskenniemi a été le président, a été créé au sein de la C.D.I. Dans les conclusions finales de 2006 du Groupe d’étude, une explication sur ce qu’est la « fragmentation » du DIP a été offerte. Voir « Rapport de la Commission du

À cet égard, tel que l'expliquent les auteurs Bodansky et Crook, il est important de

noter que les articles de la C.D.I., bien qu'applicables de manière générale, demeurent

d'application résiduelle ou supplétive

245

. En effet, ces articles n'interviennent d’aucune

manière dans les cas où un régime de DIP autonome est déjà prévu. Ce principe, c'est-

à-dire la reconnaissance de la lex specialis telle qu’instituée par le Rapporteur spécial

Wilhem Riphagen en 1982, est articulé à l'article 55 du projet de la C.D.I. de 2001,

lequel dispose :

Les présents articles ne s'appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions d'existence d'un fait internationalement illicite ou le contenu ou la mise en œuvre de la responsabilité internationale d'un État sont régis par des règles spéciales de droit international246

.

Le projet de la C.D.I. de 2001 contient aussi un chapitre complet sur les contre-

mesures. Toutefois, il n’est pas question de contre-mesures de nature agressive et de

l’usage de la force sous prétexte de la légitime défense. En effet, de telles contre-

droit international sur les travaux de sa cinquante-huitième session », Conclusions des travaux du

Groupe d’étude de la fragmentation du droit international : difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international (Doc. NU A/61/10) dans Annuaire de la Commission du droit international 2006, vol. II(2), New York, NU, 2006 à la p. 419, en ligne : Commission du droit

international <http://untreaty.un.org/ilc/reports/2006/french/chp12.pdf> (consulté le 5 septembre 2010) [Conclusions du Groupe d’étude de la fragmentation du droit international] à la p. 423 :

La fragmentation de la société internationale [au cours du dernier demi-siècle] revêt une importance juridique dans la mesure où elle s’est accompagnée de l’apparition de règles ou d’ensembles de règles, d’institutions juridiques et de domaines de pratique juridique spécialisés et (relativement) autonomes. Ce qui était précédemment régi par le « droit international général » relève désormais de régimes spécialisés comme le « droit commercial », le « droit des droits de l’homme », le « droit de l’environnement », le « droit de la mer », le « droit européen », voire hautement spécialisés comme le « droit des investissements » ou le « droit international des réfugiés », etc., dont chacun possède ses propres principes et institutions.

Le Groupe d’étude a notamment entrepris une analyse de « [l]a fonction et la portée de la règle de la lex

specialis et la question des régimes autonomes ». Les deuxième et troisième conclusions finales du

Groupe d’études indiquent que la maxime lex specialis « signifie que, chaque fois que deux normes ou plus traitent de la même matière, priorité est donnée à la norme la plus spécifique » et qu’un « goupe de règles et principes intéressant une matière particulière peut former un régime spécial (‘régime autonome’) et être applicable en tant que lex specialis » : Conclusions du Groupe d’étude de la

fragmentation du droit international, ibid. aux pp. 428-32.

245

Bodansky et Crook, supra note 206 à la p. 780. 246

Crawford, commentaires, supra note 215 à la p. 364 : « L’article 55 prévoit que les articles ne s’appliquent pas dans les cas et dans la mesure où les conditions d’existence d’un fait internationalement illicite ou ses conséquences juridiques sont déterminées par des règles spéciales de droit international. Il atteste la maxime lex specialis derogat legi generali. [...] C’est en fonction de la règle spéciale que l’on établira la mesure dans laquelle les règles générales sur la responsabilité des États énoncées dans les présents articles sont supplantées par cette règle. »

mesures feraient certainement partie des règles primaires du DIP et, en conséquence,

n’auraient pu être traitées par les articles de la C.D.I. Pourtant, comment pourrait-on

anticiper que le projet définitif sur la responsabilité des États pour actes illicites ne

comprenne pas les règles du jeu en matière d’usage de la force? Il semble donc que,

dans la mesure où le conflit en est un d’agression et d’usage de la force, il faille se

référer, encore une fois, à la lex specialis, c’est-à-dire aux règles spéciales régissant ce

domaine de droit.

Puisque le cas de la guerre de juillet 2006 et de l’attribution du comportement du

Hezbollah au Liban en est un qui traite nécessairement du droit de l’agression et de

l’usage de la force, les principes réglementant ces domaines de droit devront donc

également être analysés en profondeur.