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sans rhBMP-2 chez l’animal

5.2. Effet ostéoinducteur du revêtement

Le résultat majeur de ce projet concerne la mise en évidence de l’effet ostéoinducteur intrinsèque de notre revêtement d’apatite nanocristalline. Plusieurs études ont déjà montré que des matériaux – phosphocalciques en particulier - étaient capables d’induire une formation d’os dans un site ectopique mais les quantités d’os formé apparaissent plutôt faibles d’après les images d’histologies présentées dans ces travaux. Dans notre cas, la croissance osseuse apparaît normale et particulièrement importante : l’étude histomorphométrique nous indique qu’après 3 mois d’implantation, le pourcentage d’os néoformé est aussi important pour les échantillons révêtus (sans facteur de croissance) que pour les céramiques contenant la BMP-2. La formation osseuse en réponse au revêtement semble débuter après 1 mois d’implantation comme le montrent les images histologiques. L’initiation du phénomène apparaît donc

retardée par rapport à la formation d’os induite par la présence de la BMP-2 mais ces résultats sont en accord avec ceux de la littérature (Yuan et al. 2006a).

Les raisons du fort potentiel ostéoinducteur de notre revêtement ne peuvent pas être déterminées avec précision. Plusieurs paramètres sont susceptibles d’être impliqués dans l’initiation de ce phénomène et différentes hypothèses sont proposées.

D’après Ripamonti, l’ostéoinduction par les matériaux serait reliée à leur capacité d’adsorber des protéines ostéogéniques comme les BMPs à partir des fluides biologiques. Les protéines endogènes pourraient s’accumuler dans les pores des céramiques et atteindre ainsi une concentration suffisante pour induire la migration et la différenciation de cellules progénitrices de l’os (Ripamonti 1996). Cette hypothèse pourrait être corroborée par la forte influence de la microporosité sur le potentiel ostéoinducteur des matériaux. La présence de cette microporosité est associée à une augmentation de la surface spécifique et des capacités d’adsorption de l’implant vis-à-vis des protéines circulantes (Rouahi et al. 2006a, Zhu et al. 2008). Les capacités d’adsorption protéiques accrues observées sur nos matériaux revêtus de surface spécifique importante pourraient expliquer la formation osseuse en ce site ectopique. Il a, par ailleurs, été mentionné que la microporosité et la forte surface spécifique des échantillons, qui lui est associée, permettraient de favoriser la formation d’apatite nanocristalline carbonatée, souvent représentative de la bioactivité des matériaux. Selon Habibovic et al., la formation de cette couche apatitique pourrait aussi s’accompagner d’une co-précipitation de facteurs de croissance circulants, et ces facteurs seraient alors à l’origine des phénomènes d’ostéoinduction observés (Habibovic et al. 2005). Dans notre étude, la composition, la taille et la réactivité des cristallites de notre revêtement sont très proches des caractéristiques du minéral osseux et des apatites formées sur les matériaux bioactifs. Remarquons, en outre, que ces nanocristaux offrent une source de germes cristallins beaucoup plus importante que les surfaces frittées et qu’ils pourraient présenter des capacités de nucléation supérieures. Ceci pourrait expliquer la formation osseuse importante observée sur ces échantillons après leur implantation intramusculaire chez le mouton, selon certains auteurs. Remarquons toutefois que les capacités de nucléation ne sont pas le propre des matériaux ostéoinductueurs et que la plupart des matériaux ostéoconducteurs ont aussi cette propriété. La quantité de cristaux néoformés ferait-elle la différence? Rien ne permet de l'assurer.

D’autre part, l’influence d’une libération éventuelle d’ions calcium et phosphate par les céramiques, lors de la formation de cette phase, a été évoquée par certains auteurs. On

pourrait penser qu'un fort échange ionique des échantillons de BCP pourrait permettre la formation de micro-environnements riches en ions calcium et phosphate dans les pores des matériaux, comme cela a été écrit. Ces micro-environnements seraient alors susceptibles de favoriser la prolifération et la différenciation ostéoblastique de cellules souches progénitrices puis leur minéralisation (Chang et al. 2000, Midy et al. 2001, Muller et al. 2008). Dans notre étude, la libération d’ions calcium et phosphate dans de milieu à partir des céramiques de BCP ne paraît pas envisageable compte tenu de la sursaturation des fluides biologiques par rapport à ces matériaux et de leur faible surface spécifique. Cette hypothèse ne peut, toutefois, pas être exclue pour nos échantillons revêtus et pourrait expliquer les résultats obtenus. Le comportement de ces céramiques après immersion dans du SBF ou sérum doit maintenant être évalué pour répondre à cette question.

Une autre hypothèse est parfois évoquée pour expliquer les mécanismes d’ostéoinduction par les matériaux. Elle concerne l’implication de la réaction inflammatoire sur l’initiation du phénomène et s’appuie sur les observations effectuées lors de la réparation de fractures : au cours des premiers jours, il y a recrutement de macrophage qui éliminent les débris par phagocytose et expriment des facteurs inflammatoires susceptibles d’induire la migration et la différenciation ostéoblastique de cellules progénitrices. Lors de l’implantation de matériaux in

vivo, un tel phénomène peut aussi se produire suite à l’intervention chirurgicale et pourrait

expliquer l’ostéoinduction par les matériaux d’après Le Nihouannen et al. (Le Nihouannen et al. 2005). Les monocytes sont en effet capables de phagocyter de petites particules d’apatite et d’exprimer de manière importante des cytokines pro-inflammatoires (Grandjean-Laquerriere et al. 2005). Par ailleurs, quelques études ont montré que des matériaux présentant une forte rugosité de surface induisaient la production de prostaglandine E2 (PGE2) par des macrophages cultivés à leur contact, et que la PGE2 avait un effet chimioattractant sur les cellules souches mésenchymateuses et induisait leur différenciation ostéoblastique (De Bruijn et al. 2008). Dans notre étude, une augmentation de la production de cytokines par ces cellules immunitaires en présence du revêtement nanoporeux peut tout à fait être envisagée.

A ce stade de notre étude, ces différentes hypothèses peuvent être envisagées et nous n’avons pas assez d’éléments pour proposer un mécanisme d’action plutôt qu’un autre.

6. Conclusions et perspectives

Dans cette étude, nous avons cherché à évaluer le potentiel ostéoinducteur des différents échantillons préparés et caractérisés au cours de notre travail. Nous avons pu constater une très forte ostéoinduction en réponse à la rhBMP-2 chez le mouton. Nous avons montré que l’adsorption de la protéine sur les échantillons revêtus conduisait à une quantité d’os néoformé plus importante que pour les échantillons témoins avec la BMP-2 adsorbée. Ces observations apparaissent directement reliées à la capacité d’adsorption du revêtement et de la forte quantité de BMP-2 alors implantée. Nous n’avons cependant pas pu mettre en évidence un avantage potentiel de la méthode d’adsorption par rapport à la technique d’imprégnation et séchage de la protéine sur nos échantillons revêtus, qui conduit elle aussi à une formation d’os importante avec la BMP-2 non-glycosylée. L’utilisation de rhBMP-2 glycosylée pourrait donner lieu à des différences plus marquées (différence accentuée du profil de libération et par suite de la réponse in vivo) entre les différents échantillons et méthodes d’association. Il pourrait donc être intéressant de réaliser ces mêmes expériences avec la BMP-2 glycosylée, mais le coût engendré par de telles expériences serait exorbitant si l’achat de la BMP-2 devait être autofinancé.

Notre étude a surtout permis de mettre en évidence un potentiel ostéoinducteur très important de notre revêtement d’apatite carbonatée nanocristalline, similaire au minéral osseux. Il a déjà été montré que des céramiques phosphocalciques pouvaient posséder un potentiel ostéoinducteur. Toutefois, ce phénomène nécessite la présence de micropores qui augmente la surface spécifique des échantillons mais diminue aussi de manière drastique leurs propriétés mécaniques. Notre méthode de revêtement d’apatite très réactive permet, en revanche, d’augmenter de manière importante la surface spécifique des échantillons et leur confère un fort potentiel ostéoinducteur sans pour autant modifier les caractéristiques initiales de la céramique. Ces résultats sont donc très intéressants et novateurs. Ils se distinguent aussi par la grande quantité d’os formé à l’intérieur des céramiques revêtues. Cette quantité apparaît équivalente en présence du revêtement seul qu’en présence de BMP-2, protéine de référence pour induire l’ostéoinduction.

Plusieurs études ont relié le potentiel ostéoinducteur de matériaux à leur capacité de reconstruction une fois implantés en site orthotopique (Yuan et al. 2006a, Habibovic et al. 2008). Des études pour évaluer maintenant le potentiel ostéoconducteur de nos échantillons revêtus sont en cours. Les échantillons ont été implantés dans les condyles fémoraux de

moutons pendant 3 mois et la quantification d’os formé doit maintenant être réalisée. Au cours de l’opération, différents fluorochromes ont par ailleurs été injectés aux animaux pour évaluer la cinétique de croissance osseuse. Enfin, les échantillons inclus dans la résine ont été scannés dans un µCT (microcomputed tomography) avant la préparation des coupes pour l’analyse histologique. La reconstruction des images obtenues devrait permettre d’évaluer la quantité réelle d’os minéralisé sur la totalité de l’implant par analyse des niveaux de gris. Il est enfin envisagé d’étudier la composition minérale de l’os néoformé par microscopie infrarouge sur des coupes très fines. La préparation de ces coupes nécessite toutefois des mises au point.

Une fois ces expériences finies, le comblement d’une grande perte de substance mécaniquement chargé par nos matériaux revêtus pourrait être effectué. C’est en effet dans ce genre d’application que l’ostéoinduction par notre revêtement est susceptible d’avoir le plus grand intérêt.

Enfin, ces résultats ouvrent la voie pour la mise en place d’études théoriques plus approfondies de manière à déterminer plus précisément les mécanismes mis en jeu dans ce phénomène d’ostéoinduction apporté par le revêtement d’apatite nanocristalline. Quelques propositions d’expérience sont présentées dans le chapitre « Conclusion et perspectives générales » du manuscrit.