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Chapitre II - Matériels et Méthodes

2. Matériel et méthodes

4.1. Effet de l’âge sur la biomasse totale et sa répartition entre les organes

4.1.1. Effet sur la biomasse de l’arbre et du peuplement

Dans notre étude, la biomasse de l’arbre dominant et la biomasse du peuplement augmentent

avec l’âge. Cette augmentation a déjà été mise en évidence, à l’échelle de l’arbre chez

plusieurs espèces boréales (Bond-Lamberty et al., 2002), le pin blanc (Pinus strobus) (Peichl

et Arain, 2007), ou encore le pin tordu (Pinus contorta) (Copenhaver et Tinker, 2014) ; et à

l’échelle du peuplement, chez le hêtre (Fagus sylvatica) (Le Dantec, 2000 ; Huet et al., 2004),

Pinus tabuliformis (Zhao et al., 2014), le pin tordu (Litton et al., 2003), le peuplier (Populus

deltoides) (Arora et al., 2014) ou encore chez des espèces ligneuses tropicales (Becknell et

Powers, 2014). Cependant, l’augmentation de la biomasse du peuplement avec l’âge peut être

suivie d’une stabilisation, voire d’une diminution, lorsque les arbres ont atteint la maturité ou

un stade très avancé du vieillissement. En effet, Acker et al. (2002) montrent que la biomasse

de tronc du peuplement se stabilise autour d’une valeur de 500 Mg de MS/ha dès 102 ans chez

le douglas (Pseudotsuga menziesii). Cainrs et al. (1997) mettent, quant à eux, en évidence que

la biomasse racinaire des peuplements forestiers tempérés augmente de 25 à 150 Mg/ha entre

10 et 180 ans puis diminue jusqu’à une valeur de 70 Mg/ha à 300 ans. Cette stabilisation,

voire baisse de la biomasse, est due à la diminution de la densité du peuplement avec son âge,

résultant de l’augmentation de la mortalité naturelle des arbres et des coupes d’éclaircie.

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4.1.2. Effet de l’âge sur la répartition de la biomasse entre les différents organes

Le tronc est l’organe présentant la plus grande proportion de la biomasse de l’arbre dominant

et du peuplement chez les trois classes d’âge de chêne sessile (8 ans pour le fourré, 20 pour le

gaulis et 150 ans pour la futaie mature). Pour les deux échelles d’étude, nous mettons en

évidence que la proportion de la biomasse du tronc augmente de 47 à 65 % entre 8 et 150 ans.

Cette augmentation s’explique par l’augmentation de la biomasse du duramen avec l’âge et a

déjà été mise en évidence à l’échelle de l’arbre et à l’échelle du peuplement par des études

antérieures. Par exemple, la proportion de la biomasse du tronc au sein de la biomasse totale

de l’arbre augmentait en effet de 25 à 69 % entre 2 et 65 ans chez le pin blanc (Peichl et

Arain, 2007) et de 4 à 60 % entre 11 et 21 ans chez le pin ponderosa (Pinus ponderosa)

(Grulke et Retzlaff, 2001). A l’échelle du peuplement, une augmentation de la proportion de

la biomasse du tronc est également montrée chez le genévrier : la proportion de tronc est de

22 et 33 % pour des arbres âgés respectivement de 66 et 170 ans (Juniperus thurifera)

(Morote et al., 2012). Huet et al. (2004) montrent quant à eux, chez le hêtre, que la proportion

de la biomasse du tronc au sein de la biomasse du peuplement augmente de 59 à 63 % entre 8

et 81 ans, puis diminue pour atteindre une valeur de 52 % à 145 ans.

Le fait que le tronc présente la plus grande proportion de biomasse pour les trois classes d’âge

met en évidence que la prédominance du tronc est un caractère morphologique conservé lors

du développement de l’arbre entre le stade juvénile et le stade mature chez le chêne sessile.

Toutefois, d’autres études ont montré que le tronc n’était pas l’organe le plus important au

plus jeune âge de l’arbre. En effet, grâce à une expérimentation sur des chênes pédonculés et

des hêtres d’un an cultivés en pot, Ammer (2003) montre que les racines représentent la

proportion de la biomasse de la plantule la plus importante (55 et 50 %, respectivement chez

le chêne et le hêtre). Ainsi, le développement du chêne est caractérisé par une permutation de

l’organe principal des racines au tronc au cours des huit premières années de l’arbre, via un

changement du rapport entre la biomasse des racines et celle du tronc. D’autres études

réalisées sur des espèces sempervirentes montrent que le tronc devient l’organe principal plus

tardivement. En effet, dans une chronoséquence de pins blancs âgés de 2, 15, 30 et 65 ans, le

tronc ne devient l’organe principal de l’arbre qu’entre 15 et 30 ans (Peichl et Arain, 2007). A

2 ans chez cette espèce, le compartiment foliaire est l’organe le plus important de l’arbre. Une

étude réalisée sur trois classes d’âge de pins ponderosas (âgés de 3-9 ans, 11-20 et 21-40 ans)

montre également que le tronc devient le principal organe en terme de biomasse après 20 ans.

En effet, les racines fines présentent la biomasse la plus importante pour des arbres âgés de 3

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à 9 ans, alors qu’il s’agit des feuilles pour des arbres de 11- 20 ans et des organes ligneux

aériens (branches et tronc) pour les arbres de 21-40 ans (Grulke et Retzlaff, 2001). La rapidité

de ce changement d’organe principal peut être modulée par les conditions environnementales.

Il pourrait, par exemple, être accéléré par l’effet de la compétition pour la lumière au sein du

peuplement. Les espèces héliophiles ou semi-héliophiles, telles que le chêne sessile (Rameau

et al., 1989), sont caractérisées par une croissance rapide, permettant de concurrencer les

arbres voisins pour l’acquisition de la lumière (Kobe et al., 1995). La compétition joue ainsi

un rôle majeur dans la croissance d’une plante et sa productivité (Phipps, 1982). Les facteurs

contrôlant la relation croissance-compétition pour la lumière sont la densité du peuplement et

l’ombrage (Coomes et Allen, 2007) : d’une part, la forte densité des jeunes peuplements fait

que les petits arbres sont limités par la disponibilité en lumière, d’autre part les arbres

dominés (ayant une moins bonne disponibilité en lumière) investissent plus dans la croissance

en hauteur du tronc que les arbres dominants du peuplement (Naidu et al., 1998 ; Burkes et

al., 2003). Dans notre étude, l’estimation de la hauteur totale des arbres montre que les arbres

du fourré ont la croissance annuelle en hauteur la plus importante (cf Annexe 2, Figure A.7).

Ce résultat suppose alors l’existence d’une compétition importante pour la lumière entre les

arbres du fourré, en lien avec la forte densité du peuplement (cf chapitre II, partie 4). La

compétition au sein du fourré pourrait expliquer pourquoi le tronc domine en terme de

biomasse dès l’âge de 8 ans dans notre étude.

Chez le fourré et le gaulis, les grosses racines représentent le second plus important organe en

terme de biomasse (vivante + duramen), aussi bien à l’échelle de l’arbre dominant qu’à

l’échelle du peuplement. Il s’agit en revanche des branches pour les arbres de la futaie mature.

La proportion de grosses racines au sein de la biomasse totale de l’arbre et du peuplement

diminue avec l’âge, alors que celle des branches augmente. Une diminution avec l’âge de la

proportion de racines moyennes et fines a également été observée. Concernant les racines, les

travaux de Grulke et Retzlaff (2001) présentent les mêmes tendances à l’échelle de l’arbre

pour le pin ponderosa : i) la proportion de grosses racines au sein de la biomasse sèche totale

est de 34 % pour les arbres âgés de 11-20 ans et de 9 % pour les arbres de 21-40 ans ; ii) les

racines fines représentent 55 % de la biomasse sèche totale chez les arbres de 3-9 ans, 6 %

chez les arbres de 11-20 ans et 1 % chez les arbres de 21 à 40 ans. A l’échelle du peuplement,

Helmisaari et al. (2002) montrent quant à eux que la proportion de la biomasse racinaire au

sein de la biomasse sèche diminue avec l’âge, pour une chronoséquence de pins sylvestres

(Pinus sylvestris) âgés de 15, 35 et 100 ans : elle est de 25, 21 et 13 % respectivement. La

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forte proportion de racines aux jeunes stades de développement peut s’expliquer par une plus

grande nécessité d’explorer le sol pour accroitre l’accès à la réserve en eau disponible afin de

limiter les effets de la sécheresse et de permettre la production importante de nouveaux tissus.

Au-delà de l’effet de l’âge sur les distributions de la biomasse, la proportion de racines fines

au sein de la biomasse totale de l’arbre peut également dépendre fortement des conditions du

milieu comme la disponibilité en eau (Keyes et Grier, 1981 ; Gower et al., 1992 ; Albaugh et

al., 1998) et en nutriments du sol (Canham et al., 1996), ou de gestion comme la densité du

peuplement (Litton et al., 2003).

Concernant les branches, les études de Peichl et Arain (2007), Grulke et Retzlaff (2001) et

Kantola et Makela (2006) à l’échelle de l’arbre, et Morote et al. (2012) à l’échelle du

peuplement, soulignent une diminution de la contribution des branches à la biomasse totale

avec l’âge. Ces résultats (chez le pin et le genévrier) contraires au nôtre sont certainement

dépendants de l’espèce d’étude puisque Huet et al. (2004) montrent que la proportion de

branches augmente de 18 à 37 % entre 8 et 145 ans chez des peuplements de hêtres.

L’augmentation de la proportion de branches avec l’âge observée dans notre étude et celle de

Huet et al. (2004) peut s’expliquer d’une part par l’épaississement progressif du houppier

avec le développement de l’arbre et, d’autre part, par un effet de la diminution de la densité du

peuplement, qui favorise l’expansion en largeur du houppier du fait du plus grand espacement

entre les arbres.