Chapitre II - Matériels et Méthodes
2. Matériel et méthodes
4.4. Effet de l’âge sur les réserves carbonées et azotées
4.4.3. Effet de l’âge sur l’accumulation des réserves au sein de la biomasse vivante entre la
entre la maturité foliaire et l’hiver 2012
Entre la maturité foliaire et l’hiver 2012, les quantités de réserves carbonées présentent dans
la biomasse vivante ligneuse (tronc, branches et grosses racines) de l’arbre augmentent pour
le fourré et le gaulis, tandis que la quantité de réserves carbonées de la futaie reste stable. Pour
le fourré et le gaulis, cette augmentation entre les deux dates est expliquée par celle des sucres
solubles. Une augmentation de la quantité d’amidon des racines moyennes et fines des arbres
du fourré et du gaulis a également été observée. Comme expliqué dans le chapitre 3, la forte
hausse de la quantité de sucres solubles entre les deux dates d’étude chez les arbres du fourré
et du gaulis est expliquée par le fait que les plus jeunes arbres sont plus exposés aux
températures froides, ce qui implique une conversion plus importante de l’amidon en sucres
solubles que chez les arbres de la futaie afin d’éviter le gel des cellules (Sakai, 1962 ;
Schrader et Sauter, 2002 ; Morin et al., 2007). La stabilité des quantités de réserves carbonées
observée chez la futaie est expliquée d’une part par des concentrations en composés carbonés
de réserve plus faibles en hiver 2012 qu’à la maturité foliaire dans les branches (chapitre III) ;
et, d’autre part, par une stabilité des concentrations du tronc et des grosses racines entre les
deux dates (Annexe 8). Comme suggéré dans le chapitre III, ces différences entre les âges
peuvent être expliquées par une mise en réserve du C plus précoce chez les arbres matures
que chez les arbres juvéniles.
Concernant les réserves azotées, seuls les arbres du fourré présentent une augmentation des
quantités de réserves azotées dans la biomasse ligneuse vivante entre la maturité foliaire et
l’hiver 2012. Ce résultat suggère que l’absorption de l’azote du sol à l’automne est plus
importante chez les arbres du fourré que chez les autres classes d’âge, témoignant d’un sol
plus favorable à la nutrition minérale chez les jeunes peuplements. L’effet de l’âge sur le
pourcentage de réserves azotées stockées entre les deux dates d’étude est toutefois très
variable selon l’organe et le type de composé étudiés.
Les mêmes tendances ont été montrées pour les réserves carbonées et azotées à l’échelle du
peuplement. Les différences entre les classes d’âge sont toutefois moins importantes qu’à
l’échelle de l’arbre dominant en raison de la diminution de la densité du peuplement avec son
vieillissement.
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5. Conclusion
Nos travaux sont les premiers à s’intéresser à l’effet de l’âge de l’arbre sur les quantités
totales de réserves de C et d’N, en distinguant le type de composé et en considérant
l’ensemble de la biomasse vivante de l’arbre et du peuplement.
L’évolution de la répartition de la biomasse vivante entre les différents organes avec l’âge est
bien marquée. Le tronc constitue la plus grande biomasse vivante, quel que soit l’âge de
l’arbre, les grosses racines sont le second organe en terme de biomasse vivante pour le fourré
et le gaulis, alors qu’il s’agit des branches pour la futaie. Nous avons ainsi montré que la
proportion de la biomasse vivante des branches augmente avec l’âge, alors que celle des
grosses racines diminue. De plus, l’importance des racines moyennes et fines augmente avec
l’âge, tandis que celle des feuilles diminue. Ces tendances sont l’effet de l’ontogénie du chêne
sessile. Le développement de l’arbre peut toutefois être régulé par des effets
environnementaux et des actions anthropiques de gestion. Par exemple, l’augmentation de
l’allocation à la croissance des racines moyennes et fines avec l’âge serait le résultat d’une
diminution de la disponibilité en nutriments, et plus particulièrement en N du sol, avec le
vieillissement du peuplement.
Nous avons montré que la biomasse vivante du peuplement augmentait avec l’âge, sauf pour
les feuilles, et que la croissance absolue et relative à la surface foliaire de la biomasse vivante
ligneuse du peuplement diminuait avec l’âge. Le déclin de la productivité avec le
vieillissement du peuplement couramment observée pourrait être conjointement dû à la
diminution de la biomasse du compartiment photosynthétique, à l’augmentation de
l’allocation de la ressource à la biomasse de racines fines et à l’augmentation de la respiration
des tissus vivants avec l’âge.
L’étude de l’effet de l’âge sur les quantités de réserves de C et d’N a permis de montrer que
les quantités de réserves augmentent avec l’âge, aussi bien pour l’échelle de l’arbre dominant
que pour celle du peuplement, sans que toutefois la proportion de réserves carbonée et azotée
stockées dans la biomasse vivante ligneuse n’augmente avec l’âge. La répartition des réserves
carbonées et azotées entre les différents organes de l’arbre est principalement expliquée par
celle des biomasses. Les concentrations en composés carbonés et azotés ont néanmoins un
effet non négligeable sur celle-ci puisque nous avons montré que la répartition des réserves
carbonées et azotées pouvait être différente de celle des biomasses vivantes. Par exemple,
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pour la futaie, la quantité de TNC contenus dans la biomasse vivante des grosses racines est
aussi importante que celle des branches, alors que la biomasse vivante des grosses racines est
bien moins importante que celle des branches à ce stade du développement chez le chêne
sessile. Ce schéma, non observé chez les deux autres classes d’âge, témoigne d’une
augmentation de l’allocation des TNC au stockage dans les grosses racines avec l’âge de
l’arbre. De la même manière, pour les réserves azotées, nous avons montré que les grosses
racines sont le second organe de stockage des TNNC après le tronc chez le fourré, alors qu’il
s’agit des branches pour les arbres du gaulis et de la futaie. Ainsi, le stockage azoté dans les
branches augmenterait progressivement avec l’âge de l’arbre. Cette évolution avec l’âge met
en évidence la nécessité de réduire la distance entre les organes sources et les organes puits
avec l’augmentation de la taille de l’arbre. Enfin, la variation des quantités de réserves
carbonées et azotées entre la maturité foliaire et l’hiver 2012 est très différente selon la classe
d’âge et est expliquée par les dynamiques saisonnières des concentrations en TNC et TNNC.
Ainsi, les connaissances sur les allométries, les stocks et les dynamiques saisonnières des
composés carbonés et azotés de réserve à un âge donné ne peuvent être étendues à une autre
classe d’âge. Notre étude révèle également l’importance de ne considérer que la biomasse
vivante pour étudier l’effet de l’âge sur les quantités de réserves et leur répartition au sein de
l’arbre et du peuplement. Bien que des schémas d’évolution des quantités et de la répartition
de la biomasse et des réserves avec l’âge aient été mis en évidence, il semble toutefois
difficile de dissocier les effets de l’âge, de la taille de l’arbre, des conditions
environnementales et des actions anthropiques qui régissent son développement pour
expliquer les différences de fonctionnements des peuplements forestiers.
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Dans le but de progresser dans la compréhension de l’effet de l’âge sur les réserves carbonées
et azotées de l’arbre, le travail exposé ici a consisté à étudier les effets de l’âge de l’arbre i)
sur les dynamiques saisonnières des concentrations en composés carbonés et azotés non
structuraux (TNC et TNNC) ; ii) sur les quantités de réserves carbonées et azotées de l’arbre
dominant et du peuplement. Les effets de l’âge ont été étudiés in situ chez une espèce décidue
tempérée, le chêne sessile (Quercus petraea), au travers d’une chronoséquence composée de
trois peuplements d’âges distincts : fourré (environ 8 ans), gaulis (environ 20 ans) et futaie
mature (environ 150 ans).
Le premier niveau d’étude cité ci-dessus s’appuie sur les variations saisonnières des
concentrations en amidon, sucres solubles, protéines solubles et acides aminés des jeunes
branches et des racines moyennes et fines, à un pas de temps fin. Les dates d’échantillonnage
correspondent à des stades phénologiques et de croissance clés de l’arbre pour les trois classes
d’âge de l’étude. Cette expérimentation s’inscrit dans l’objectif de savoir si des modifications
des dynamiques saisonnières des réserves carbonées et azotées ont lieu au cours du
développement de l’arbre, en lien avec sa phénologie et sa croissance. En effet, il n’existe pas
à ce jour de travaux étudiant l’effet de l’âge sur les dynamiques saisonnières des réserves
carbonées et azotées. Le second niveau d’étude s’appuie sur les quantités de réserves
carbonées et azotées de l’arbre et du peuplement, leur répartition au sein de la biomasse
vivante ainsi que leur variation entre deux dates, la maturité foliaire et l’hiver. La répartition
des réserves étant principalement déterminée par la biomasse des organes (Kozlowski, 1992),
l’estimation des biomasses des organes de l’arbre et du peuplement a été réalisée au préalable.
La quantification des biomasses sert part ailleurs à étudier l’allocation de la ressource dans la
production de la biomasse entre les différents organes. L’évolution de l’allocation du C et de
l’N à la croissance des organes avec le développement de l’arbre ne peut ainsi être étudiée
qu’à partir des biomasses vivantes. La distinction entre la biomasse vivante et la biomasse de
bois de cœur (duramen) a donc été indispensable.
L’étude des dynamiques saisonnières des concentrations en composés carbonés de réserve a
permis de montrer que les réserves carbonées sont remobilisées au débourrement pour toutes
les classes d’âge. Les réserves carbonées se reforment ensuite au cours de la saison de
végétation jusqu’à l’automne et sont utilisées au cours de l’hiver pour la respiration
d’entretien. Cette dynamique a déjà été montrée chez le chêne sessile âgé de 40-50 ans
(Barbaroux, 2002 ; Hoch et al., 2003 ; El Zein, 2011) et de 150 ans (Bazot et al., 2013).
Concernant les réserves azotées, nous avons montré que la dynamique saisonnière des
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concentrations en composés azotés de réserve est différente de celle des réserves carbonées.
En effet, le minimum des réserves azotées est observé plus tard dans la saison de végétation, à
la fin de la croissance du bois, chez les trois classes d’âge. Ce résultat suggère que l’azote
stocké dans les branches et les racines est utilisé pour permettre la croissance et que
l’absorption de l’azote par les racines au printemps ne suffit pas pour reformer les stocks
azotés avant la remobilisation de l’azote foliaire à l’automne. De plus, comme l’a déjà mis en
évidence Bazot et al. (2013), la concentration maximale en réserves azotées n’est observée
qu’après le jaunissement, et ce chez les trois classes de chênes sessiles étudiées.
En étudiant plus finement les dynamiques saisonnières des réserves carbonées et azotées, des
schémas distincts entre les âges ont été mis en évidence dans cette étude.
Concernant la remobilisation printanière, l’amidon et les sucres solubles des branches sont
remobilisés chez les arbres du fourré, alors que seule la concentration en amidon diminue au
moment du débourrement chez les arbres du gaulis et de la futaie. Pour les réserves azotées, il
n’y a pas de remobilisation des TNNC dans les branches des arbres du fourré. Ces résultats
témoigneraient d’une utilisation distincte des différentes formes de réserves avec l’âge : i) les
jeunes arbres auraient besoin des deux formes de réserves carbonées pour la reprise de
croissance, ce qui ne serait pas le cas pour les arbres plus âgés ; ii) les jeunes arbres seraient
moins dépendants de leurs réserves azotées pour la croissance printanière que les arbres
adultes. L’azote du sol absorbé au printemps par l’arbre pourrait participer plus à la croissance
chez les arbres juvéniles que pour les arbres adultes. L’étude des concentrations des TNC et
TNNC ne permet pas d’étudier les flux de carbone et d’azote dans la plante. Le marquage au
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