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Chapitre I - Contexte scientifique et synthèse bibliographique

3. Effet de l’âge sur les flux de carbone et d’azote

3.1. Croissance

La croissance est un important puits de C et d’N. Elle est contrôlée principalement par des

facteurs environnementaux tels que la température et/ou la disponibilité en nutriments et en

eau.

Avec l’âge, l’allocation à la croissance ligneuse aérienne diminue généralement (Hara et al.,

1991 ; Stevens et Perkins, 1992 ; D'Amato et Puettmann, 2004 ; Genet et al., 2010). Cette

baisse est le plus souvent attribuée à une diminution de l’assimilation de C avec l’âge de

l’arbre. La photosynthèse est étroitement dépendante des fonctionnements hydrique et azoté

de la plante. La diminution de l’assimilation du C avec l’âge peut alors résulter de plusieurs

phénomènes interdépendants, comme une augmentation de la contrainte hydraulique et un

appauvrissement en nutriments des sols avec l’âge.

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3.1.1. Augmentation de la contrainte hydraulique

De nombreuses études montrent une diminution de la photosynthèse foliaire maximale ou

moyenne avec l’âge de l’arbre (Donovan et Ehleringer, 1992 ; Schoettle, 1994 ; Bond, 2000

pour synthèse). Une des premières hypothèses émise pour expliquer cette baisse est que la

contrainte hydraulique augmente et que la surface foliaire, quant à elle, diminue avec le

développement de l’arbre. Avec la croissance en hauteur de l’arbre, la distance entre les

racines et les feuilles (la longueur du xylème) augmente. La tension xylémienne augmente

donc et peut amener à la cavitation des vaisseaux et trachéides. La cavitation est

l’envahissement brutal des éléments conducteurs par des bulles de vapeur d’eau et d’air,

chassant la phase liquide (Cruiziat et al., 2001). Pour éviter le risque de cavitation, les arbres

de grande taille diminuerait leur conductance stomatique (Ryan et Yoder, 1997 ; Hubbard et

al., 1999 ; Phillips et al., 2002 ; Drake et al., 2010). La diminution de la conductance

stomatique abaisse la photosynthèse des feuilles (Ryan et Waring, 1992 ; Mencuccini et

Grace, 1996 ; Becker et al., 2000).

Par ailleurs, certains auteurs supposent que la diminution de l’assimilation du C avec l’âge de

l’arbre n’est pas liée à une diminution de la conductance stomatique mais d’un changement

ontogénique du LMA (masse foliaire par unité de surface de feuilles).En effet, Thomas et

Winner (2002) montrent que la diminution de la capacité photosynthétique exprimée par unité

de masse foliaire avec la taille de l’arbre n’est pas le résultat d’une diminution de la

conductance stomatique, mais qu’elle est expliquée par une augmentation du LMA avec la

taille de l’arbre. D’autres modifications de la morphologie des feuilles avec l’âge pourraient

avoir lieu, comme une diminution de la surface et une augmentation de l’épaisseur de la

feuille, comme supposés par Niinemets (2002) et Thomas et Winner (2002). Ces

modifications morphologiques avec l’âge seraient le résultat de l’effet de la contrainte

hydraulique sur l’expansion foliaire mais aussi de la lignification progressive des feuilles au

cours du développement de l’arbre par l’effet des conditions environnementales, comme

l’exposition à la lumière et au vent ou encore l’herbivorie (Thomas et Winner, 2002). Les

mécanismes reliant la capacité photosynthétique aux traits morphologiques des feuilles sont à

l’heure actuelle inconnus. Des expérimentations doivent donc être effectuées.

L’hypothèse de l’augmentation de la contrainte hydraulique avec l’âge de l’arbre et son

impact négatif sur l’assimilation du C reste toutefois controversée et ne peut expliquer à elle

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seule le déclin de productivité des peuplements forestiers (Becker et al., 2000 ; Niinemets,

2002 ; Sala et Hoch, 2009 ; Xu et al., 2012). De plus, les études ont été principalement

réalisées sur des espèces sempervirentes, ce qui rend la généralisation aux espèces décidues

difficile.

3.1.2. Diminution de la disponibilité en nutriments du sol

Le vieillissement d’un peuplement est généralement lié à une diminution forte du taux de

décomposition de la matière par les microorganismes et donc à une baisse de la disponibilité

en éléments nutritifs pour les arbres (Vitousek et al., 1989 ; Gower et al., 1996 ; Murty et al.,

1996 ; Simard et al., 2007). L’accumulation progressive de la matière organique du sol,

résultant de sa moins bonne dégradabilité, est accompagnée d’une augmentation du taux

d’humidité, d’une diminution de la température du sol et de son acidification (Payette et

Rochefort, 2001). Cette baisse de la dégradabilité de la matière organique est principalement

le résultat de l’augmentation du rapport C/N de la litière (Duchaufour, 1950 ; Gower et al.,

1996). La hausse du rapport C/N de la litière avec le vieillissement du peuplement est le

produit de processus combinés : i) la fermeture du couvert avec le développement des arbres

du peuplement entraine un changement du microclimat du sol, qui devient défavorable pour le

développement de la flore herbacée. La contribution des herbacées à la litière diminue alors

avec le vieillissement du peuplement ; ii) avec le développement des espèces ligneuses, la

biomasse ligneuse s’accumule. Le rapport entre débris foliaires/débris ligneux apportés à la

litière (avec respectivement des faibles et forts rapports C/N) diminue avec le développement

du peuplement ; iii) avec le développement de l’arbre, une immobilisation progressive des

nutriments dans le duramen a lieu.

Cette baisse de disponibilité en nutriments pourrait entrainer une diminution de l’assimilation

de l’N par l’arbre et donc de la concentration en N foliaire. La concentration en N foliaire

étant corrélée à la capacité photosynthétique des feuilles (Field et Mooney, 1986 ; Evans,

1989), une baisse de la photosynthèse foliaire avec l’âge de l’arbre peut alors être attribuée à

la diminution de la disponibilité en N dans le sol avec le vieillissement du peuplement.

Ainsi, la diminution de l’assimilation du C par l’effet de la baisse de la conductance

hydraulique et de la disponibilité en nutriments du sol peut expliquer la diminution de la

croissance de l’arbre. Toutefois, d’autres causes non liées à l’ontogénie de l’arbre, comme la

densité du peuplement, peuvent expliquer ce déclin.

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3.1.3. Densité du peuplement

La compétition pour la lumière est un facteur important jouant sur l’allocation du C et de l’N

à la croissance. En effet, la compétition pour la lumière joue un rôle majeur dans la croissance

d’une plante, sa productivité (Phipps, 1982) et son architecture (King, 1990). D’Amato et

Puettmann (2004) montrent que la compétition entre arbres voisins est très importante chez

les jeunes arbres, du fait de la forte densité des jeunes peuplements (Coomes et Allen, 2007).

La présence de voisins plus grands provoque de l’ombrage et réduit alors la capacité

d’assimilation du C. Ainsi, les jeunes arbres ont une priorité à la croissance en hauteur. Avec

le développement, c’est ensuite une croissance en diamètre du tronc qui devient prioritaire.

Chez les arbres matures, la croissance primaire est faible et la croissance secondaire est

généralement moins importante qu’aux stades jeunes de développement (D'Amato et

Puettmann, 2004). L’allocation à la croissance en hauteur diminue fortement une fois la

compétition pour la lumière achevée. Elle peut donc avoir lieu jusqu’après la maturité (King,

1990). Toutefois, les arbres matures sont moins sensibles à la compétition car ils ont plus de

ressources stockées au sein de leur biomasse (McDonald et al., 2002).

3.1.4. Modification dans l’allométrie entre la biomasse aérienne et la biomasse

racinaire

Enfin, l’effet de l’âge sur l’allocation à la croissance peut être dépendant de l’organe

considéré. En effet, le rapport entre la biomasse racinaire et la biomasse aérienne (tronc et

branches) (rapport root/shoot) diminue fortement avec l’âge de l’arbre (Ovington, 1957 ;

Helmisaari et al., 2002 ; Peichl et Arain, 2007 ; Genet et al., 2010 ; Varik et al., 2013 ; Zhao

et al., 2014) (Figure I.3). La diminution de ce rapport signifie que la biomasse de grosses

racines diminue par rapport à celle aérienne au cours du développement de l’arbre. Ainsi, le

puits de C et d’N que constitue la croissance des grosses racines diminue avec l’âge de

l’arbre.

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Figure I.3. Rapport root/shoot en fonction de l’âge issu de la littérature pour le chêne (cercles

blancs) et le hêtre (cercles noirs) (Genet et al., 2010).