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I.3. Conséquences de l’addition de nickel sur quelques propriétés des alliages FeAl

I.3.2. Effet du nickel sur les propriétés mécaniques

I.3.2.1. Propriétés élastiques

Schneibel et al. [132] ont mesuré les modules d’Young et de cisaillement pour des alliages du type FeAl45M5B0.2Zr0.1 (M= Ti, Cr, Mn, Fe, Co, Ni or Cu) à température ambiante, Figure I.31. Retenons, pour la suite de notre travail, que pour une addition de 5 % at. de nickel les auteurs mesurent un module d’Young de 182 GPa, un module de cisaillement de 70 GPa.

I.3.2.2. Durcissement par effet d’alliage

Le durcissement par effet d’alliage peut avoir plusieurs origines. Il peut être dû à la dispersion des atomes étrangers dans la matrice ou bien à la ségrégation des solutés sur les défauts, tels que les dislocations, ou bien encore à la précipitation d’une phase dispersée, si la limite de solubilité du soluté est dépassée. Pour les teneurs qui nous intéressent – inférieures ou égales à 10 % at. de nickel – les alliages sont a priori monophasés, comme le montre la coupe isotherme du diagramme ternaire présentée Figure I.32. Le troisième mode de durcissement n’est donc pas à considérer.

Figure I.32 : Section isotherme à 950°C du diagramme

ternaire Fe-Al-Ni ([157] d’après [158]) Des sections à d’autres températures, plus élevées ou plus basses, montrent que les alliages contenant moins de 10 % at. Ni (~ 13 % massique) sont toujours ordonnés B2. Cette phase est notée β2 sur la section isotherme.

Figure I.31 : D’après [132]. Evolution, à température

ambiante, des modules d’Young et de cisaillement en fonction du numéro atomique de l’élément d’ajout.

Nous nous intéresserons dans cette section à la question du durcissement en solution solide. Pour ce faire, nous commençons par présenter l’effet du nickel sur le paramètre de maille, a.

A ce propos, les différents auteurs [12, 147, 155, 156] sont d’accord pour dire que a diminue lorsque la teneur en Ni augmente, comme illustré sur la Figure I.33. Cette diminution a lieu indépendamment de la composition en aluminium [147, 156]. De cette dépendance et dans cette gamme d’additions de nickel, [155], il est possible d’évaluer le facteur de taille ηt (i.e.

|∂lna/∂c|, où c est la concentration en soluté) comme prenant la valeur 0,0261. Cette valeur est aussi obtenue à partir des données de Pike et al. [147] pour FeAl45 alors que pour FeAl40 l’évaluation de ηt conduit à une valeur deux fois plus faible.

La diminution de la teneur en aluminium devrait donc provoquer un affaiblissement de la contribution de l’effet de taille au durcissement en solution solide dû au nickel. Pourtant les premiers travaux de Schneibel et al. [132] (Figure I.34) montrent que l’addition de 5 % at. de nickel produit l’augmentation de la limite d’élasticité la plus élevée en comparaison de celle générée par l’addition des autres éléments de transition choisis (Ti, Cr, Mn, Co ou Cu) D’autres travaux de Schneibel et al. [146, 155] confirment que la limite d’élasticité à l’ambiante des alliages FeAl augmente après addition de nickel. D’après leur données [155] sur FeAl45 il est possible d’évaluer le

durcissement par atome de soluté à 43 MPa / % Ni. C’est un ordre de grandeur que nous retrouvons en nous basant sur les travaux de Pike et Liu [156] puisque le durcissement en solution solide dû au nickel peut valoir jusqu’à 30 MPa / % Ni. De plus, en prenant en compte la température de déformation, Brenner et al. [159] observent un renforcement conséquent de la limite d’élasticité de

FeAl par addition de nickel, Figure I.35. Les auteurs ont travaillé avec des monocristaux orientés selon <100> dont la composition en nickel varie : FexNi60-xAl40 avec x = 10-50 %.

Figure I.33 : D’après [155]. Paramètre de

maille d’alliages FeAl45 dont la teneur en nickel varie de 0 à 10 % at., après établissement de l’équilibre à 773 et 973 K.

Figure I.34 : D’après [132]. Evolution de la limite

d’élasticité à température ambiante en fonction du numéro atomique de l’élément d’ajout.

Les alliages sont testés en compression uniaxiale. Brenner et al. montrent que pour des additions inférieures à 30 % Ni la limite d’élasticité augmente avec la teneur en nickel.

Figure I.35 : D’après [159]. Limite

d’élasticité en fonction de la température, pour différentes composition de monocristaux (Fe,Ni)- Al testé en compression. « VR » signifie que les échantillons ont subi le recuit d’élimination des lacunes.

Il semble que le renforcement observé ne soit pas dû à un durcissement par effet atomes étrangers dispersés (Ni) dans la matrice (FeAl) En effet, en utilisant les théories classiques de durcissement en solution solide pour alliages binaires dilués, Schneibel et al. [132] comme Brenner et al. [159] montrent que l’effet renforçant du nickel ne peut être reproduit ni par l’effet de taille ni par celui du module. Quoi qu’il en soit ce renforcement est sujet à controverse en raison, principalement, de l’effet concomitant du nickel sur la concentration d’équilibre des lacunes thermiques, I.3.1, c’est pourquoi nous abordons le rôle des lacunes thermiques dans le durcissement dans la section suivante.

I.3.2.3. Rôle des lacunes thermiques sur le durcissement : un effet indirect de l’addition de nickel

Kong et Munroe [10] ont été les premiers à noter une surprenante augmentation de la dureté après recuit basse température, quand Ni est ajouté au composé FeAl. Ils ont aussi relevé une faible sensibilité de la dureté au traitement thermique. Non conscients alors de l’effet du nickel sur la cinétique d’élimination des lacunes, les auteurs avaient effectué le recuit selon la procédure classique [6], c’est-à-dire une semaine à 400°C. Cependant, Kong et Munroe [10] notent tout de même que cette

Figure I.36 : D’après [12]. Dureté d’alliages FeAl45Nix en fonction de la composition en nickel (x) pour différents traitements thermiques.

augmentation de la dureté après recuit est beaucoup plus importante pour des additions faibles de nickel à FeAl (+100%) que pour des additions faibles de fer à NiAl (+30%) Dans une publication postérieure, Kong et Munroe [11] précisent que ces caractéristiques, augmentation de la dureté et sensibilité faible de la dureté au traitement thermique, ne sont pas observées simultanément pour d’autres additions de métaux de transition. Ces résultats ont été rapidement confirmés pour de nombreux alliages FeAl : pour FeAl45Nix (x=0.1-10 %) [12, 132], Figure I.36 et pour FeAl50Nix (x=1 ou 5 %) [160]. Les écarts de dureté entre alliage binaire et alliage ternaire sont probablement dus, dans ces travaux, à un recuit d’élimination des lacunes inefficace [13], c’est-à-dire à la présence non négligeable de lacunes thermiques en excès. Cependant, la tendance est correcte sur le plan qualitatif puisqu’elle a été confirmée depuis pour des alliages du type FeAl40Nix (x=2,4-12 %) [156, 161] correctement recuits. En outre, le maximum de dureté établi par Kong et Munroe [10] pour une addition de 10 % Ni au composé FeAl a été confirmé récemment par Pike et al. [147]. Notons au passage que pour les alliages NiAl [162], Pike et al. montrent que le durcissement dû à l’addition de fer est lui aussi dépendant de l’écart à la stœchiométrie.

Nous comprenons maintenant mieux pourquoi le renforcement de la limite d’élasticité à température ambiante par addition de nickel peut être sujet à controverse. En premier lieu, Schneibel et Munroe [13] précisent que la concentration en lacunes est plus élevée pour les alliages au nickel et qu’en retirant la contribution au durcissement qui en découle, le renforcement uniquement dû au nickel devrait être plus faible que prévu. En second lieu, Pike et al. [156] montrent que les lacunes sont les défauts qui contrôlent effectivement le durcissement ; le rôle de Ni est de modifier la structure de défauts. Il est intéressant de noter pour notre étude que ces auteurs mentionnent cependant que leurs conclusions ne sont pas valides pour les alliages du type FeAl40. En effet ces alliages ont à la fois la concentration en lacunes la plus faible et la concentration en défauts d’antisites la plus élevée ; en conséquence des additions de nickel peuvent avoir un fort effet durcissant.

I.3.2.4. Une fragilité accrue

Nous pouvons relever (Figure I.37) que FeAl45Ni5B0.2Zr0.1 montre, par rapport à l’alliage binaire, une diminution de plus de 5% de sa ductilité à l’ambiante [146], concomitante avec le renforcement de R0,2% à l’ambiante décrit plus haut. C’est aussi le cas

après ajout d’autres métaux de transition. Salazar et al. [163] ont récemment confirmé cette tendance : l’alliage ternaire étudié (1 % at. Ni) présente une limite d’élasticité en compression plus élevée mais un allongement à rupture plus faible que le binaire correspondant (FeAl40) Pourtant, l’allongement à rupture de FeAl40Ni1 est de l’ordre de 20% après recuit à 400°C au lieu des 7% obtenus sur l’alliage brut de coulée.

Figure I.37 : D’après [146]. Effet de l’addition

d’éléments de transition sur l’allongement d’alliages Fe-45Al.

Pour l’alliage au nickel Schneibel et al. [146] constatent en outre que le mode de rupture est intragranulaire. En effet, ils observent que si l’élément ternaire d’addition occupe le sous-réseau Al la rupture devient intergranulaire de manière prépondérante, Figure I.38, et alors la ductilité chute. Une remarque s’impose cependant : les alliages étudiés par Schneibel et al. [146] sont dopés au bore (0,2 % at.) Or le bore change le mode de rupture des alliages fer- aluminium d’intergranulaire à intra- granulaire [7]. La persistance de la

rupture intergranulaire pour les alliages ternaires dont l’élément d’addition occupe préférentiellement le sous-réseau Al signifie que ces éléments sont particulièrement néfastes pour la cohésion des joints de grains. Même s’il occupe le sous-réseau du fer, le nickel a donc aussi tendance à accroître la fragilité de FeAl.

Pour les alliages contenant du nickel, la ténacité dépend faiblement de la vitesse de fissuration [146], une caractéristique partagée par les alliages au titane ou au chrome mais pas par ceux contenant Mn, Co ou Cu ni par les alliages binaires FeAl45. Ce que nous pouvons conclure du travail de Schneibel et al. [146] est que l’addition de nickel semble offrir le meilleur compromis entre la ténacité et la limite d’élasticité.

Figure I.38 : D’après [146]. Pourcentage surfacique de

rupture inter-granulaire en fonction de la composition en Al effective. Sollicitation à l’air.