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Recompositions territoriales et identitaires dans la commune de Camopi

Chapitre 4. Dynamiques contemporaines de gestion du territoire des Wayãpi et Teko : des mobilités revisitées

1. Caractéristiques démographiques et socio-économiques de la société

1.2 Les services et infrastructures de l’État, un accès essentiel pour les populations

1.2.1 Eau potable et électricité : des hameaux encore mal desservis

Les 1620 habitants de la commune de Camopi sont répartis en 258 ménages dans des lieux de résidence éclatés. Il y a 48 lieux de résidence différents dans la commune en 2010, 12 dans le haut Oyapock et 36 dans le moyen Oyapock.

Ces lieux sont des résidences principales. Ils sont sédentarisés car les habitants souhaitent être équipés d’un accès à l’eau potable et à l’électricité. L’eau potable et l’électricité ont largement été intégrées au mode de vie amérindien, et font aujourd’hui partie de leurs considérations du confort. Toutes les générations confondues réclament un accès à ces deux services basiques.

L’accès à ces services reste cependant encore problématique sur le territoire et 45 % des ménages n’ont pas accès à l’eau potable et boivent l’eau des cours d’eau (figure 10). Ils boivent dans ce cas préférentiellement l’eau prélevée dans une source ou une petite crique, mais lorsqu’il n’y en a pas à proximité du lieu de résidence, les ménages boivent l’eau du fleuve. L’eau du fleuve est considérée comme moins bonne car plus chargée en matières en suspension et pollutions diverses. Une campagne de distribution de réservoirs d’eau de pluie équipés de filtres a commencé en 2011 et devrait améliorer l’accès à l’eau potable pour ces ménages. Les 55 % de ménages ayant accès à l’eau potable sont soit raccordés au réseau d’eau de la commune, ce qui est possible uniquement s’ils résident dans le bourg de Camopi ou dans les hameaux localisés juste à côté du bourg, soit équipés de structures légères comme des forages munis de pompes à bras (photo 8).

L’accès à l’électricité est plus limité, et seulement 45 % des ménages ont accès à une source d’électricité fournie par l’État (figure 10). L’électricité est produite par la centrale thermique de la commune pour les ménages du bourg de Camopi, et par des panneaux solaires pour les ménages résidant dans certains hameaux anciennement installés. La majorité des autres ménages (50 %) possède un groupe électrogène personnel et 5 % n’ont accès à aucune source d’électricité. Le recours à des groupes électrogènes personnels est très onéreux pour les habitants car le coût du carburant est élevé dans la commune de Camopi du fait de son isolement, avec un prix au litre variant de deux à trois euros. Ces groupes électrogènes fonctionnent une partie de la journée, principalement pour maintenir des denrées alimentaires

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dans un congélateur. Ils sont aussi utilisés ponctuellement pour brancher un appareil de son, une télévision ou un lecteur de dvd.

Figure 10. Accès à l’eau potable et à l’électricité des ménages de la commune de Camopi

L’accès à l’eau potable et à l’électricité est limité aux ménages résidant au bourg de Camopi ou dans des hameaux créés il y a plusieurs années. En effet, la dernière campagne d’installation de panneaux solaires et de pompes à bras date de presque dix ans. Aussi, les 17 hameaux créés depuis n’ont accès à aucune infrastructure, ce qui représente 39% des hameaux, tous créés après l’année 2001.

De manière générale, les habitants réclament une meilleure prise en compte des hameaux isolés de la part de l’État. Si l’accès à l’énergie électrique peut relativement être pallié par les familles elles-mêmes en investissant dans un groupe électrogène, l’eau potable est un problème principal, d’autant plus grave au vu des taux de pollution de l’eau des fleuves liés à l’exploitation aurifère clandestine en amont (mercure, carburants, etc.). Les hameaux sont donc préférentiellement installés à proximité d’une source ou d’une crique mais même ainsi les plaintes concernant des problèmes intestinaux et des diarrhées, principalement chez les enfants, restent nombreuses.

Les infrastructures de type panneaux solaires et pompes à bras demandent un minimum d’entretien. Ainsi, certains hameaux recensés comme n’ayant pas d’accès à l’eau potable ont en fait été équipés d’un forage mais celui-ci, mal conçu, ne fonctionne pas toujours (ex. : eau boueuse). La question de l’entretien des panneaux solaires est plus délicate et plusieurs hameaux rencontrent des problèmes avec leur fonctionnement. Ces difficultés

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sont liées d’une part à un manque d’entretien de la part des ménages et d’autre part à la quasi-impossibilité de faire venir un technicien lorsqu’une panne ou un dysfonctionnement est détecté (photo 8). Le dimensionnement des panneaux solaires est également problématique. Celui-ci n’est ni actualisé selon l’augmentation des biens électriques acquis par les ménages, ni selon l’accroissement de la taille de certains hameaux, avec l’installation de nouveaux ménages venant se brancher sur les mêmes panneaux solaires. Il paraît donc important que les habitants soient mieux responsabilisés quant aux questions simples d’entretien des panneaux solaires par des formations et un suivi de l’installation. D’autre part, il serait souhaitable de former des jeunes de la commune aux questions plus spécifiques de dépannage, ceci d’autant plus que plusieurs jeunes Amérindiens ont suivi des formations de type brevet d’études professionnelles (BEP) en électricité.

De gauche à droite : (1) accès à l’eau potable dans les hameaux : un réservoir pour l’eau de pluie ; (2) accès à l’eau potable dans les hameaux : un forage équipé de pompes à bras ; (3) les installations avec les panneaux solaires dans les hameaux ; (4) les problèmes d’entretien des panneaux solaires ; (5) la centrale électrique du bourg de Camopi.

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L’accès aux services basiques dans la commune reste donc précaire, avec des difficultés à s’adapter à un habitat éclaté en plusieurs hameaux isolés. De manière générale, par leur aspect immobile, les infrastructures de type panneaux solaires et pompes à bras tendent à sédentariser les lieux d’habitat. Aussi, certaines pratiques traditionnelles telles que l’abandon des hameaux à la suite du décès du chef du village et l’abandon des hameaux lorsque la terre ou le potentiel cynégétique sont jugés épuisés, ne sont quasiment plus pratiquées. Les lieux d’habitat tendent à s’inscrire durablement dans le territoire.

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