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e) L’attaque de l’URSS par l’Allemagne (1941)

Dans le document Relations Est-Ouest, 1917-1991 (Les) (Page 83-86)

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Le roi de Bulgarie est issu d’une dynastie allemande et gendre du roi d’Italie.

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Pour le premier (2 novembre 1938), voir plus haut.

Les causes profondes sont dramatiquement simples à énoncer. Hitler n’avait jamais cessé de penser que la constitution d’un Lebensraum était le but grandiose de son existence et du Reich, préparé par la remise en cause du traité de Versailles, l’Anschluss, le

démantèlement de la Tchécoslovaquie et de la Pologne. Le pacte germano-soviétique n’était donc qu’un épisode tactique évitant la guerre sur deux fronts comme en 1914, permettant de gagner du temps et offrant à bon compte des livraisons agricoles et industrielles de la part de l’URSS. La France vaincue, il ne restait plus au combat que la Grande-Bretagne, dont la défaite serait le prélude de l’attaque de l’URSS. La résistance des Iles britanniques modifia le raisonnement : l’impossibilité de détruire l’aviation britannique et l’importance des pertes subie par la Luftwaffe rendait irréalisable un débarquement, il fallait battre l’URSS pour démontrer à la Grande-Bretagne qu’il n’y avait plus d’alliance possible pour elle en Europe, donc pour l’amener à capituler, bataille de l’Atlantique aidant.

Trois causes plus directes — des échecs — poussèrent Hitler à attaquer l’URSS au printemps 1941. L’Axe pouvait essayer de vaincre la Grande-Bretagne en frappant le Moyen-Orient 64 et son pétrole par l’Afrique du Nord, la Libye, l’Égypte et le canal de Suez, ce qui supposait l’ébauche d’une coalition méditerranéenne et au moins la collaboration de l’Espagne.

À cette fin, Hitler rencontra Franco le 23 octobre 1940 à Hendaye. En mars 1939, l’Espagne avait adhéré au pacte anti-Komintern, mais elle est restée neutre en septembre 1939. Mais elle évolue ensuite de la neutralité à la « non-belligérance » (12 juin 1940). À la suite de l’écroulement militaire de la France, Franco veut profiter de la situation pour

engranger des bénéfices : l’Espagne doit-elle entrer en guerre ? D’où sa déclaration de non-belligérance et l’occupation le 14 juin 1940 par les troupes espagnoles de Tanger, ville au statut international mais sous administration française, véritable menace sur le protectorat français du Maroc. Fort prudent, conseillé par son beau-frère et ministre des Affaires

étrangères Serrano Suñer, sensible à l’épuisement de l’Espagne à l’issue de la guerre civile et peu enclin à mécontenter la Grande-Bretagne 65 et les États-Unis, le dictateur espagnol tergiversa, posant des conditions exorbitantes à son intervention et provoquant l’échec du projet nazi. C’est à son retour d’Hendaye qu’Hitler rencontra, le 24, à Montoire Pétain, qui s’engagea, lui, sur la voie de la collaboration avec l’Allemagne.

Rencontrant Mussolini à Florence le 28, Hitler eut la désagréable surprise d’apprendre le projet italien de lancer sa propre guerre éclair, c’est-à-dire d’attaquer la Grèce à partir de l’Albanie, l’offensive commençant le jour même, avec une armée de 200 000 hommes, très mal préparés et armés. Après une pénétration du territoire grec, l’armée italienne en fut rejetée par la résistance de la population — c’était la première fois

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Revoir définition dans cours REW-1.

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Dont l’ambassadeur était Samuel Hoare (cf. cours REW-1 & 2), qui s’efforça de dissuader

Franco d’entrer en guerre aux côtés des puissances de l’Axe.

que cela se produisait dans le camp de l’Axe — et par une contre-offensive, qui réussit même à entrer en Albanie. Pour Mussolini, qui avait rêvé d’égaler les succès nazis après sa médiocre participation à la campagne de France, c’était le fiasco et l’humiliation décisive : il dut solliciter l’aide de Hitler, que celui-ci promit pour le printemps.

Le coup d’État de Pierre II (voir plus haut) conduisit Hitler à préparer une expédition double, contre la Yougoslavie et la Grèce. Le 6 avril 1941, une importante armée

allemande, évidemment pourvue de divisions blindées et de soutien aérien, attaqua. La résistance de l’armée yougoslave cessa dès le 17, celle de l’armée grecque le 30, mais des troupes grecques furent évacuées vers l’Égypte avec les quelques troupes britanniques qui avaient été envoyées en Grèce. À la fin de mai 1941, des parachutistes allemands s’emparèrent de la Crète 66. La Yougoslavie fut démantelée : une Serbie indépendante mais réduite, la Dalmatie concédée à l’Italie, une partie du Banat à la Hongrie, la Croatie (Hrvatska) et le Monténégro indépendants de la Serbie. C’était parachever la domination allemande sur l’Europe centrale et orientale, mais aussi retarder l’attaque éventuelle de l’URSS.

Le plan de cette dernière, l’opération Barbarossa, avait été préparé, sur l’ordre de Hitler, dès le début de septembre 1940, par le général von Brauchitsch. Mais Hitler essaya une dernière fois de négocier, pour économiser une guerre ou gagner du temps. Il invita Molotov à Berlin les 12 et 13 novembre 1940, lui proposa l’adhésion au Pacte tripartite et un plan de partage du monde en vastes zones d’influence, l’URSS ayant l’Iran et le golfe Persique. Molotov ne repoussa pas ces vastes propositions mais réclama en outre que la Bulgarie fût placée dans la zone d’influence soviétique et que l’URSS eût le contrôle des détroits turcs. Hitler refusa et, le 5 décembre, il décida d’attaquer l’URSS le 1er mai 1941. L’invasion de la Yougoslavie et de la Grèce retarda la date de six semaines.

L’attaque allemande commença le 22 juin 1941 : de la Baltique à la mer Noire, une formidable armée allemande pénétra en URSS, événement d’une portée

considérable qui allait changer le visage de la guerre mondiale et provoquer, mais à terme, la défaite de l’Allemagne. Hitler écrivit d’ailleurs à Mussolini : « C’est la décision la plus importante de ma vie. » Cette attaque surprit complètement Staline, les pouvoirs civils et les autorités militaires. La responsabilité de Staline est écrasante dans cette surprise et les désastres militaires qui allaient suivre : erreur d'appréciation sur la menace nazie en 1941 (les troupes étaient cantonnées à plusieurs centaines de kilomètres de la nouvelle frontière, mais en avant des anciennes positions), conceptions militaires totalement inadaptées, équipement trop tardif et incomplet de l'armée, nombreuses erreurs de préparation militaire dans les années 30, profonde désorganisation du corps des officiers à cause des purges de 1937-1938… Les Allemands purent aussi jouer de l’optimisme exagéré de Staline. Celui-ci ne croyait en effet pas à l'imminence de l'agression allemande, malgré les rapports de son

espion Richard Sorge qui travaillait à Tôkyô (il sera arrêté deux mois avant Pearl Harbor et condamné à mort) sous une couverture de journaliste nazi, les avis de Churchill, et même l’avertissement donné — on le sait depuis 1989 — par l'ambassadeur d'Allemagne en URSS, le comte antinazi von Schulenburg : Staline dit que « la désinformation a atteint le niveau des ambassadeurs » !

Peu avant juin 1941, il accéléra même les livraisons de matières premières à

l'Allemagne, alors que pour l'Allemagne, l'accord avec l'URSS présentait de moins en moins d'intérêt et qu’elle prenait au contraire des gages et des bases de départ (cf. l’occupation partielle de la Roumanie en octobre 1940). Il ne prend pas les mesures de précaution indispensables pour épargner à ses armées les déboires des premiers chocs. Si Hitler avait pris la décision de l’attaque, c’est qu’il croyait possible de vaincre en quelques semaines l’armée rouge, qu’il sous-estimait. Dans l’immédiat, commençait la plus gigantesque bataille de l’histoire, menée du côté allemand par 153 divisions (dont 17 blindées), secondées par 37 divisions alliées (finlandaises, roumaines, italiennes… et même une division de volontaires espagnols), soit 3 300 000 hommes, avec 5 000 avions et 3 500 chars, forces auxquelles tentèrent de faire face 150 divisions soviétiques.

Dans le document Relations Est-Ouest, 1917-1991 (Les) (Page 83-86)