• Aucun résultat trouvé

Dynamique et résistance des cycles

Section II.2. Évolutions périodiques de la coopération

B. Dynamique et résistance des cycles

Une analyse systématique des cas périodiques met en évidence l'existence d'une sous-structure particulière parmi les communautés non vides qui apparaît dans chacun de ces cas. Cette configuration apparaît dans la figure suivante :

Figure B.1 Une configuration de 4 communautés qui est toujours présente dans les configurations périodiques. C1 et C2 des communautés de stratégies C, D1 et D2 sont des communautés de stratégies D.

C1 et C2 sont des communautés C alors que D1 et D2 sont des communautés de D. Dans cette configuration, la croissance des C1 provoque une augmentation des D1. Cette croissance de la population de D1 constitue une augmentation dans le nombre de contacts de D2 : les stratégies de D2 deviennent moins performantes et il y a

décroissance de la population de D2. Cette évolution conduit à une augmentation du score moyen des stratégies de C2 alors même que C1 croît et D2 décroît. Après un certain nombre de générations, C2 commence à croître et C1 commence à décroître. La situation est alors similaire à la situation initiale qui avait été supposée. Cette dynamique explique l'évolution périodique sur l'ensemble des communautés restées non vides.

On teste la robustesse de la dynamique dans le modèle. A partir d'une topologie de grille, on lance 106

simulations. Pour chaque configuration initiale conduisant à une évolution périodique, on lance une évolution de 500 générations. On extrait alors l'ensemble des tailles de population pour les communautés non vides pour un état donné du cycle choisi entre la génération 100 et la génération 500. Pour chaque valeur entière, on la bruite en ajoutant une valeur tirée aléatoirement selon une loi N(0,G). Si la population d'une communauté atteint 0 du fait du bruit, on fixe sa population à 1. On obtient un nouvel ensemble d'entiers pour les populations des communautés. On relance la simulation à partir de ces valeurs. Pour chaque valeur de G, on établit la fréquence des cas perturbés qui donnent des évolutions périodiques. Les résultats sont donnés dans la figure B.2.

Figure B.2 Évolution de la fréquence des cas périodiques parmi les cas bruités. La population totale est 104

.

Le phénomène cyclique est robuste : il se maintient même pour des perturbations importantes. Par ailleurs, le cycle vers lequel les cas perturbés convergent sont majoritairement différents des cycles des cas initiaux : la structure des communautés restantes à la fin de l'évolution ne produit pas un cycle limite unique mais une multitude de cycles limites.

Conclusion

Les résultats de cette partie ont été publiés dans [Dorat 08]. Le modèle introduit un nouveau mécanisme simple pour l'émergence de la coopération avec des stratégies simples. Comme dans d'autres modèles, l'émergence et le maintien de la coopération correspondent ici au fait que les stratégies coopératives interagissent plus entre elles qu'avec les stratégies agressives. A l'instar des résultats mis en évidence dans le modèle de Nowak et May [Nowak 93], la survie

des comportements coopératifs repose ici sur l'existence initiale de clusters de communautés C. Comme dans le modèle de Nowak et May, la convergence peut se faire vers des situations de dominance des populations de C sur les populations de D ou d'évolutions cycliques des populations de C et D.

Dans le modèle de Nowak et May, l'évolution vers telle ou telle forme de convergence est déterminée par le niveau de l'incitation à trahir, presque toutes les initialisations conduisant à un même taux de coopération à l'équilibre pour un niveau d'incitation à trahir donné. Au contraire, dans le modèle présenté ici, on constate une très forte sensibilité à la forme de l'initialisation et notamment une dépendance à la présence initiale d'un cluster de C puisque la présence d'une communauté C isolée garantit de la convergence vers la coopération. Si on augmentait le nombre de nœuds dans le présent modèle, on ferait diminuer la probabilité de convergence vers un état avec seulement des D en augmentant la probabilité qu'une initialisation aléatoire contienne un cluster de C. A la limite, sur une grille de taille infinie, on serait assuré d'avoir une communauté C isolée et donc d'avoir la convergence vers une majorité de C, tandis que dans le modèle de Nowak et May, il n'y aurait pas de changement fondamental dans la fréquence des C en passant à une grille de taille infinie.

Dans le modèle, les propriétés globales observées viennent des interactions entre un niveau local et un niveau global. L'état de chaque nœud influence l'état de chaque autre nœud du graphe puisque la population de chaque communauté est définie en utilisant le score moyen total calculé sur l'ensemble des stratégies du réseau. Le mode d'interaction est différent de celui spécifié chez Nowak et May. Dans le modèle de Nowak et May, le calcul des scores et la diffusion des comportements sont locaux : le score est calculé dans les interactions avec les voisins, les comportements susceptibles d'être adoptés sont ceux des voisins. Ici, si le calcul des scores dépend également de la structure locale du voisinnage, l'évolution des comportements se fait par comparaison à une variable globale, le score moyen dans le graphe. Il n'y a pas de diffusion à proprement parler puisque les communautés ne changent pas de type, elles peuvent juste augmenter ou diminuer. Si le calcul des scores se faisait de manière globale, les comportements C disparaîtraient (section1.B). Le modèle illustre que la coopération peut s'établir en supposant que seul le calcul des scores se fait sur la base d'interactions locales.

Pour le cas où on constate une évolution cyclique, il est possible d'interpréter chaque communauté C comme une communauté ayant développé un bien public ou exploitant harmonieusement une ressource. Pour celles des communautés qui ont le plus de ressources, elles attirent les comportements opportunistes D dont l'afflux finit par consommer la ressource ou le bien public. Dans cette situation, les coopérateurs migrent vers d'autres communautés ou deviennent des comportements D qui exploitent la ressource, le bien public, au lieu d'y contribuer. Le bien public devient à ce point dégradé ou la ressource épuisée que les comportements agressifs mêmes finissent par migrer vers d'autres

communautés. La comparaison au score global s'interprète alors, pour chaque individu de la population dont le score est inférieur, comme une incitation à changer de comportement et / ou de communauté.