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Approche générale de la répartition spatiale

Certains articles proposent une vue générale sur l'impact de la répartition spatiale. [Hauert 01] étudie cet impact pour l'ensemble des dilemmes à deux joueurs. Un dilemme à deux joueurs est de la forme :

C D

C R,R S,T

D T,S P,P

En notant R=1 et P=0, il est possible de considérer l'ensemble des dilemmes à 2 joueurs et 2 coups par joueur en faisant varier T et S et d'en déduire les équilibres pour chaque dilemme. 4 dilemmes sont possibles. Les équilibres de Nash apparaissent en bleu dans les matrices :

T>1 et S<0 (a)

C D

C 1,1 S,T

D T,S 0,0

Ce cas correspond au dilemme du prisonnier vu dans la partie précédente. Dans ce cas, la dynamique de réplication conduit à un équilibre avec seulement des stratégies D.

T>1 et S>0 (b)

C D

C 1,1 S,T

D T,S 0,0

Ce cas correspond au dilemme faucon-colombe vu plus haut. L'équilibre avec seulement des C et l'équilibre avec seulement des D sont instables, l'équilibre mixte est un équilibre attracteur.

T<1 et S<0 (c)

C D

C 1,1 S,T

Dans ce cas, il existe un équilibre mixte instable, les équilibres avec seulement des stratégies C et seulement des stratégies D étant stables. On parle de bi-stabilité.

T<1 et S>0 (d)

C D

C 1,1 S,T

D T,S 0,0

Dans ce cas, le seul équilibre est l'équilibre avec seulement des C.

La figure suivante, issue de [Hauert 01] synthétise les formes de convergence des populations non réparties en fonction des paramètres T et S, en conservant R=1 et P=0 :

Figure A.1 : La figure est tirée de [Hauert 01]. La couleur rouge correspond au cas où le taux de C est nul ou tend vers 0. A l'inverse, la couleur bleue correspond au cas où le taux de D est nul ou tend vers 0. Les couleurs intermédiaires correspondent aux différentes fréquences possibles de C, la composante de bleu traduisant la fréquence moyenne des comportements C. (a) correspond à la convergence vers une population de D seulement, (b)

correspond à la coexistence, (c) correspond à la bistabilité et (d) correspond à la convergence vers la coopération.

Les 4 régimes qui apparaissent, majorité de C, majorité de D, équilibre mixte et bi-stabilité, sont généralisables au cas de N joueurs. C'est à dire aux cas des versions généralisées des 4 dilemmes où les joueurs ne jouent pas 2 à 2,

mais N à N. Dans le cas du dilemme du prisonnier, la généralisation au cas de N joueurs est un jeu de bien public [Hardin 68]. Dans ce cas, si un offreur coopère, il augmente le bien public total mais chaque agent est incité à ne pas coopérer et à profiter des efforts des autres sans supporter de coût. L'évolution sélectionne alors les comportements opportunistes au défaut des comportements coopératifs. Des généralisations des dilemmes (b), (c) et (d) sont également envisageables au cas à N joueurs. Dans chacun des cas, on retrouve des équilibres similaires entre les stratégies C et D pour la généralisation des jeux [Hauert et Michor 06].

Les figures suivantes sont construites sur le même principe que la figure A.1 mais traitent des dilemmes 2×2 dans le cas de population répartie spatialement avec une dynamique d'imitation du meilleur voisin.

Figure A.2 : Les schéma sont extraits de [Hauert 01], ils s'interprètent à l'instar de la figure A.1. Le graphique de gauche correspond à un grille de Von Neumann avec une initialisation avec 20% de coopérateurs, le graphique de droite correspond à une grille de Von Neumann avec une initialisation de 80%

de coopérateurs initiaux.

La figure A.2 met en évidence que l'impact de la topologie est différent en fonction de l'initialisation en nombre de coopérateurs, notamment dans la région où les paramètres correspondent à la bistabilité. Ce sont les conditions d'évolution des clusters qui déterminent la convergence globale des systèmes. Le résultat de l'évolution avec la spatialité reste très peu sensible au mode d'actualisation retenu (asynchrone, synchrone, variation du mode d'actualisation). Le modèle de Nowak et May correspond à la petite zone du cadrant supérieur gauche (T>1, S<0) qui n'est plus colorée en rouge mais en bleu, vert et jaune sur la figure A.2 alors qu'elle est en rouge sur la figure A.1. De même, on retrouve l'effet de diminution de la coopération avec le dilemme faucon colombe en répartissant les populations de stratégies : la zone bleue diminue dans le cadrant supérieur droit dans le passage de la figure A.1 à la figure A.2 (T>1, S>0). La ligne en trait plein de la figure A.2 correspond à la condition de survie du cluster le plus performant dans le graphe de Von

Neumann. Pour ce graphe, ce cluster est celui qui maximise le nombre des voisins C par rapport au nombre de voisins D, soit le cluster présenté à la figure A.2 de la section I.3 du présent chapitre, et pour lequel la condition de survie s'exprime : 2S+2R=T.

Une poursuite de cette étude et une étude plus fondamentale des clusters peut être trouvée dans [Hauert 05], de même, une étude générale sur la répartition spatiale est [Hauert 06].

Conclusion

Le domaine de la théorie des jeux évolutionnaires a connu un développement considérable dans les dernières années. Ce domaine constitue une extension importante de la théorie des jeux. La théorie des jeux évolutionnaires permet de compléter l'analyse classique et statique de la théorie des jeux par une analyse dynamique. Cette démarche était envisagée dès les prémisses de la théorie des jeux par Von Neumann et Morgenstern [Von Neumann 44]. Alors que l'analyse classique des jeux doit poser des hypothèses de rationalité forte et des notions complémentaires à l'équilibre de Nash pour parvenir à trouver un équilibre à certains jeux, la théorie des jeux évolutionnaires fait émerger des équilibres pour les jeux sans avoir à supposer des agents par trop rationnels. Par ailleurs, elle permet de mettre en évidence des formes de convergence même pour les jeux pour lesquels il n'y a pas d'équilibre de Nash ou pour les jeux pour lesquels il y a différents équilibres de Nash.

Le cadre de modélisation de la théorie des jeux évolutionnaires a permis de mettre en évidence un certain nombre de résultats sur l'évolution de la coopération que ce soit au travers de l'étude du dilemme du prisonnier itéré ou au travers de l'étude du dilemme faucons-colombes. Les nombreuses études consacrées au dilemme itéré du prisonnier ont illustré que la coopération pouvait émerger sur la base de la présence d'un comportement simple et réactif, le comportement Tit-For-Tat. La présence de ce comportement ou d'autres peut permettre de faire apparaître des dynamiques complexes dont par exemple des évolutions cycliques de la coopération.

Le domaine constitue un cadre complémentaire aux démarches évolutionnaires qui ont été développées dans le domaine des systèmes multi-agents. Il trouve par ailleurs un enrichissement considérable à l'introduction de l'hypothèse de répartition spatiale qui a conduit à une série de modèles se rapprochant des modèles de diffusion sur des graphes. Ces modèles permettent notamment de mettre en évidence la survie des comportements coopératifs les plus simples dans des graphes. Ces comportements disparaîtraient hors de la répartition spatiale, face à des comportements agressifs, puisqu'ils sont alors strictement dominés. Dans le cas de la répartition spatiale, ils survivent selon diverses modalités : au travers d'organisations clusterisées dans le modèle de Nowak et May [Nowak 93] ou dans les modèles introduisant les comportements solitaires [Szabó 04][Hauert 02][Michor 02]. D'autres modèles utilisent la répartition

spatiale et permettent de fonder le maintien de la biodiversité sur cette hypothèse. Diverses dynamiques sont alors susceptibles d'émerger en fonction des topologies retenues. Une référence sur les aspects spatiaux de la théorie des jeux évolutionnaires est [Szabó 07].

La plupart des interprétations proposées sont majoritairement d'inspiration biologique, de même que beaucoup des contributions au domaine. Les modèles et démarches auraient cependant vocation à se développer dans le champ des sciences économiques, notamment dans l'optique de mettre en évidence de nouveaux équilibres ou de redécouvrir des équilibres classiques mais en ne les faisant plus reposer sur les mêmes hypothèses de rationalité.