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Dynamique non markovienne du laser

III.3 Réalisation expérimentale

III.3.4 Dynamique non markovienne du laser

Nous avons aussi réalisé des lasers à atomes en modifiant la puissance radiofréquence utilisée, c’est-à-dire la fréquence de Rabi ΩR. En nous plaçant à un désaccord tel que le cou-

plage se fasse en haut du condensat, nous avons obtenu les images 61. Si pour une fréquence de Rabi faible (image 61a), nous observons un laser quasi-continu présentant des caustiques, comme discuté au paragraphe III.3.3, lorsque nous augmentons la fréquence de Rabi, (image 61b), nous voyons clairement apparaître une modulation longitudinale sur toute la longueur

du faisceau. En augmentant encore la fréquence de Rabi (image 61c), non seulement la pé- riode de cette modulation diminue, mais, cette dernière ne subsiste qu’au début du couplage correspondant au bas de l’image, alors que plus haut, elle a disparu pour laisser place à un faisceau fortement excité. Ces oscillations correspondent à la transition entre un régime de décroissance exponentielle de la population du condensat et un régime d’oscillations de Rabi, et traduisent un comportement non markovien de la dynamique du laser.

x y z (a) (b) (c) 2 6 4 8 0 2 at/¹m 200 ¹m g

Fig. 61 – Images d’absorption de lasers à atomes divergents, issus d’un condensat dans un piège comprimé, en fonction de la puissance de couplage, (a) ΩR = 2π × 120 Hz, (b)

R= 2π × 700 Hz, (c) ΩR= 2π × 1 kHz. La durée du couplage pour ces trois images est

tc= 13 ms.

Expérimentalement nous remarquons deux points :

– Tout d’abord, la plage de fréquence de Rabi, telles qu’une oscillation régulière tout au long du faisceau (image 61b) soit clairement visible, est tout au plus limitée à des valeurs de ΩR, comprises entre 2π × 500 Hz et 2π × 1 kHz, soit une plage relativement

faible (6 dB en puissance10).

– Un second point observé est que, le comportement correspondant à cette modulation n’est clairement visible que si l’on est dans une configuration ou le laser est fortement divergent (couplage en haut du condensat).

Nous pouvons comprendre ces observations à la lumière de la discussion des paragraphes III.2.2.c et III.2.3.a. Nous sommes dans un régime où la fréquence de Rabi est assez grande

10On exprime en décibel (dB) le rapport R des puissances correspondant aux fréquences de Rabi Ω R1et

R2, selon

pour que le comportement du laser ne soit plus totalement markovien (la limite en ΩR a été

évaluée au paragraphe III.2.3.c comme étant de l’ordre de 2π × 1 kHz), mais pour autant, la puissance n’est pas trop forte, et ΩR n’est pas trop éloigné de ωr= 2π × 330 Hz) pour que le

dépeuplement du condensat ne soit pas trop prononcé et que les excitations restent petites. Notre configuration expérimentale nous permet donc d’observer le comportement non markovien du laser et ce, avant que les excitations du condensat ne finissent par brouiller le signal. Cette compétition entre les deux phénomènes est clairement visible sur l’image 61, où au début du couplage, les excitations ne sont pas encore assez développées et la modulation du faisceau est visible, tandis que plus haut (c’est-à-dire plus tard pendant le couplage), les excitations sont suffisamment significatives pour modifier profondément la distribution spatiale du condensat, donc le continuum, et brouiller totalement le signal.

La présence d’interactions non négligeables entre le condensat et le laser favorise l’ob- servation d’un tel comportement. En effet, ces interactions modifient fortement le temps de mémoire du continuum (§ III.2.2.c). En particulier, dans le cas d’un couplage près du maxi- mum de la « bosse » de potentiel, tm est plus long que celui que l’on obtiendrait dans le cas

où le laser ressentirait la gravité seule. Ceci explique pourquoi cet effet non markovien est particulièrement visible pour un couplage vers le haut du condensat. Le rôle des interactions est donc d’augmenter le temps de mémoire du continuum, de telle façon à ce que la transition vers le régime markovien arrive pour des fréquences de Rabi suffisamment faibles pour ne pas induire de fortes excitations qui occulteraient le comportement oscillant du laser. Notons que le point important, pour avoir accès expérimentalement à ce régime est de pouvoir coupler le laser au voisinage du maximum de la « bosse » de potentiel, et donc on s’attend à ce qu’un tel comportement ne soit particulièrement visible que si le “sag” σM est plus petit que le

rayon de Thomas-Fermi Rr (figure 51). Ainsi, nous n’avons pas observé un tel comportement

oscillant pour un laser issu d’un condensat dans le piège non comprimé pour lequel σM¿ Rr.

Au terme de ce chapitre, nous avons détaillé le traitement de champ moyen du couplage du laser à atomes à partir du condensat. Nous avons tout particulièrement mis l’accent sur les spécificités liées au fort confinement de notre piège magnétique. Comme observé expéri- mentalement, cette configuration a un effet important à la fois sur la dynamique de couplage et sur la propagation de l’onde de matière. C’est ce dernier point que nous développons dans le chapitre suivant.

Propagation du laser à atomes

L’étude de la propagation des lasers à atomes est un sujet qui est relativement moins souvent abordé dans la littérature que celui du couplage (§ III.1.3). Ainsi, hormis l’utilisation de simulations numériques de Gross-Pitaevskii, on peut noter les quelques résultats suivants. L’expression de la fonction d’onde se propageant dans le potentiel gravitationnel a été donnée dans [135, 132] sans prendre en compte l’effet des interactions (équation 150). De plus, il a été montré dans [147], que le faisceau issu d’un condensat de taille inférieure au micron pouvait exhiber une structure transverse lors de sa propagation dans le champ gravitationnel. D’autre part, un condensat en interaction faible avec le laser, agit comme une lentille mince effective, aboutissant à la divergence du faisceau [37]. Cet effet a été caractérisé analytiquement, par l’utilisation des matrices ABCD de propagation en optique atomique [148], qui incluent le champ moyen, la diffraction et les effets de propagation. Cependant, comme observé au paragraphe III.3.3, cette approche ne permet pas d’expliquer la présence de caustiques sur le profil du laser à atomes que nous obtenons expérimentalement.

L’accumulation des rayons atomiques sur le bord du faisceau a été prédite précédemment [149] dans le cas d’un confinement important. L’explication du phénomène est fondée sur des considérations à partir la dynamique unidimensionnelle transverse du laser. En effet, le champ moyen du condensat expulse les atomes transversalement (figure 62). À cause de la taille finie de ce potentiel fortement répulsif, les trajectoires partant de points initialement au centre du faisceau ressentent la répulsion, plus longtemps que celles qui sont originaires de points proches de la surface du condensat. En sortie du condensat, la vitesse transverse des trajectoires est donc fortement dépendante de leur position de départ : elle est d’autant plus grande que les trajectoires sont originaires du cœur du condensat, c’est-à-dire de là où la densité atomique est la plus forte. Il arrive un moment, où les trajectoires les plus rapides rattrapent, et même dépassent, celles partant du bord du condensat, résultant en une inversion de la concavité du profil transverse du laser par rapport à celle du condensat : la densité du profil transverse du laser décroît lorsque l’on se rapproche de l’axe au contraire de la densité du condensat.

Ce raisonnement permet de reproduire qualitativement la concavité du profil transverse du faisceau. Cependant il ne prend pas en compte certaines données du problème qui ont

CBE

Vitesse en sortie du condensat Profil du laser après propagation x 0 Rr x 0 Rr (a) (b)

Fig. 62 – Schéma de principe du raisonnement sur la dynamique transverse (selon x) justi- fiant la présence de caustiques. Pour des rai- sons de symétrie du système, seul le cas x > 0 est représenté. (a) Les trajectoires partant du centre du condensat en sortent en Rr, avec une

vitesse plus forte que celles partant de posi- tions x proches de Rr. (b) Après propagation,

le profil du laser qui en découle, présente un caractère concave, avec une densité croissante au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’axe x = 0.

un effet quantitatif important sur la fonction d’onde du laser présentant des caustiques. En particulier, comme il s’agit d’un raisonnement unidimensionnel transverse, il ne rend pas compte du fait que les trajectoires réelles présentent aussi un mouvement vertical. Ce point a son importance, car dans la direction verticale, l’étendue du condensat est finie, et les rayons atomiques sont aussi expulsés dans cette direction. Ainsi, le simple fait que les trajectoires partant près de l’axe, ont une vitesse transverse en sortie plus grande les autres, n’est pas vérifié en réalité. Un contre-exemple manifeste est le cas de la trajectoire partant exactement sur l’axe, qui n’est pas du tout déviée transversalement et dont la vitesse transverse est nulle. Notons que des simulations numériques à deux dimensions [149], ont montré un écart significatif entre une approche purement transverse unidimensionnelle et une approche associant la dynamique verticale. Nous avons vu, de plus, lors de l’étude du couplage (figure 54), que le couteau radiofréquence est courbé du fait du fort confinement, et ne peut donc être correctement décrit de manière unidimensionnelle.

Tous ces points justifient la nécessité d’une étude théorique de la propagation du laser, prenant en compte le fort couplage entre la dynamique transverse et verticale. C’est cette étude que nous présentons dans ce chapitre.

En utilisant les techniques et outils adaptés à l’optique atomique [148], nous montrons comment calculer, à trois dimensions, la fonction d’onde du laser à atomes en régime de couplage faible, en prenant en compte de manière non perturbative, les interactions colli- sionnelles entre le condensat et l’onde de matière.

Pour cela, nous partons de l’expression générale 146, et traitons de la propagation du laser en différentes étapes, qui chacune, correspond à un domaine de validité différent des approximations d’optique atomique utilisées. En particulier, nous traitons la discontinuité liée à la sortie du volume du condensat de Bose-Einstein, en séparant la propagation en deux parties, correspondant soit à la propagation dans le volume du condensat, soit hors du CBE (§ IV.1). Dans le volume du condensat (§ IV.2), nous montrons que la propagation peut être traitée à l’aide de l’iconale, tandis qu’hors du condensat (§ IV.3), nous utilisons l’intégrale de Kirchhoff pour calculer la fonction d’onde dans tout l’espace. Nous montrons enfin le bon accord des résultats de cette propagation, avec les résultats obtenus par une résolution numérique des équations de Gross-Pitaevskii couplées (§ IV.4).

IV.1

Méthode de propagation dans un potentiel défini

par morceaux

Considérons l’équation 146 déterminant la fonction d’onde ψ` du laser à atomes,

ψ`( #‰r, t) = R 2i Z t t0 dt0 Z d #‰r0K( #‰r, t; #‰r0, t0) e−i[K·#‰# ‰r0+(µ ~−δ)t0]F(#‰r0, t0) φ c( #‰r0) . (189)

Pour calculer ψ`, nous avons donc besoin de connaître le propagateur K( #‰r, t; #‰r0, t0), où #‰r0

appartient au volume du condensat tandis que #‰r0est en dehors. Ce propagateur est associé au

potentiel global V`( #‰r )+gcollc( #‰r , t)|2, qui est quadratique par morceaux. En effet, l’étendue

du terme gcollc( #‰r , t)|2 est limitée à celle du nuage atomique condensé. Notons Vi, le potentiel

dans le volume du condensat, et Vo à l’extérieur. Le potentiel global V peut donc s’écrire V =

(

Vi = V`(r) + gcollc(r)|2 à l’intérieur du condensat, Vo = V`(r) à l’extérieur du condensat.

(190) Nous avons tracé, en figure 63, ce potentiel dans le plan central (x, y = 0, z). Sa dérivée pré- sente une discontinuité au niveau de la surface du condensat, du fait de la forme paraboloïde du condensat, liée à l’approximation de Thomas-Fermi1. À cause de cette discontinuité, le po-

tentiel V n’est pas séparable, ce qui nous empêche de simplifier le traitement en considérant chaque degré de liberté indépendamment.

x z V` + g coll Ác 2 gravité Zone d'interaction

avec le condensat Fig. 63 – Allure du potentiel V`+ gcollc|2 dans lequel se propage le laser à atomes. Le tracé est donné au voisinage de la zone du condensat, pour le plan vertical central (y = 0). Les courbures liées à l’effet Zeeman quadratique ne sont pas visibles, à cause de leur faiblesse par rapport aux courbures du piège magnétique, apparaissant dans le terme gcollc|2. Par un trait tireté, on a re-

présenté la surface du condensat, projetée dans le plan (x, z).