• Aucun résultat trouvé

Durée de vie et collisions à trois corps

II.4 Observation de la condensation

II.4.3 Durée de vie et collisions à trois corps

Un condensat de Bose-Einstein de Rubidium 87 gazeux, est un état métastable de la matière. En effet, à des températures aussi basses, cet élément est thermodynamiquement stable sous forme solide. Ainsi, on s’attend à ce qu’en augmentant la densité, le gaz devienne instable. Une conséquence de ceci, est qu’aux fortes densités présentes dans le condensat, des collisions à trois corps deviennent prépondérantes. Il s’agit d’un phénomène de collisions à trois atomes, dont le résultat est une molécule, et un atome seul [102, 103, 104]. L’ensemble acquiert une énergie cinétique de l’ordre de ~2/ma2≈ 200 µK avec a la longueur de diffusion.

Les molécules sont perdues, et le troisième atome gagne une partie de cette énergie de liaison. Il est donc lui aussi soit expulsé du piège, soit il va peupler le nuage de Oort [95]. La mesure [90] de la constante caractéristique de ces pertes pour un nuage thermique dans

|F = 1, mF= −1i donne K3≈ 4 × 10−29cm6/s.

Considérons l’évolution du nombre d’atomes N0 dans un condensat, sous l’effet, à la fois,

des collisions avec le gaz résiduel (durée de vie τ ), et sous l’effet des collisions à trois corps13

de constante KCBE 3 dN0 dt = − N0 τ − K CBE 3 Z d #‰r |Φ0( #‰r )|6. (122)

Le profil du condensat suit adiabatiquement la variation de N0et on peut expliciter l’intégrale

par [89] Z d #‰r |Φ0( #‰r )|6 = 7 6 · 152/5 14π ¸2· m¯ω ~√a ¸12/5 N09/5 = c3N09/5. (123)

La solution de l’équation 122 s’écrit

N0(t) = · exp µ 4t ¶ ¡ N0(0)−4/5+ c3K3CBEτ ¢ − c3K3CBEτ ¸−5/4 . (124)

13On ne prend pas en compte les processus de relaxation dipolaire, qui ont un effet plus faible sur la durée

Dans la limite où la durée de vie τ est bien plus grande que le temps d’observation t, on peut simplifier cette expression en

N0(t) = · 5 4c3K3CBEt + 5N0(0)−4/5 ¸5/4 . (125) 0 5 10 15 20 25 30 35 0 10 2 4 6 8 £105 Nom bre d'atom es condens és N0 Temps t (s)

Fig. 39 – Nombre d’atomes restants dans le condensat après un temps t. La courbe correspond à un ajustement par la fonction 125, en laissant libres les paramètres KCBE

3

et N0(0). On obtient K3CBE= 6×10−30cm6/s

et N0(0) = 8 × 105atomes.

Ainsi, nous avons observé la durée de vie d’un condensat contenant N0(0) = 8×105atomes,

en le conservant dans le piège comprimé, pendant un temps t variant entre 0 et 35 secondes, et l’on a reporté en figure 39 les points obtenus. Nous avons ajusté ces points par les fonctions 124 ou 125, en laissant libres respectivement soit KCBE

3 , N0(0) et τ , soit les deux premiers

paramètres seulement. Ces deux procédures donnent les mêmes coefficients KCBE

3 et N0(0)

et le premier donne une durée de vie τ très supérieure à ce que nous avons mesuré pour un nuage thermique τ = 190 s. Ce dernier résultat montre bien que sur l’échelle de temps que nous considérons (35 s), les collisions avec le gaz résiduel sont négligeables. En réalité, ceci ne va pas de soi, car on s’attend à ce que la durée de vie due aux collisions avec le gaz résiduel soit plus faible pour un condensat que pour un gaz thermique. En effet, il est plus facile à une collision, même rasante, d’éjecter un atome du condensat plutôt qu’un atome thermique, puisque l’énergie en jeu est bien moindre. Cependant, pour éliminer les collisions avec le nuage de Oort, l’expérience a été réalisée avec un bouclier radiofréquence. Sans un tel bouclier, la durée de vie est bien moindre (de l’ordre de quelques centaines de millisecondes), car le chauffage dû au nuage de Oort est alors suffisant pour détruire rapidement le condensat.

La valeur de KCBE

3 obtenue est du même ordre que les valeurs mesurées dans [90]

(5.8 × 10−30cm6/s) et dans [105] (8 × 10−30cm6/s). On remarquera que, du fait des effets

de statistique quantique, la valeur de K3 est réduite d’un facteur 3 ! pour un condensat, par

rapport à un nuage thermique. En effet, pour un nuage thermique, un évènement faisant intervenir 3 atomes indiscernables dans 3 états différents peut être représenté par 6 combi- naisons possibles, alors que dans un condensat, les atomes étant tous dans le même état, une seule combinaison représente l’évènement.

Une façon d’éviter ces pertes, consiste à décomprimer le piège pour y faire baisser la densité atomique. Cependant, cela n’empêche pas de réaliser des expériences dans le piège comprimé, tant que la durée de ces manipulations est très courte devant la seconde.

Au terme de cette partie, nous avons présenté les caractéristiques de notre dispositif expérimental qui nous a permis, en différentes étapes, d’obtenir la condensation de Bose- Einstein.

En particulier, tout au long de ces deux chapitres, nous avons mis en lumière l’impor- tance de différents paramètres expérimentaux, dont le réglage est crucial pour l’obtention du nuage quantique dégénéré de manière fiable et répétable. Nous obtenons ainsi des condensats de Rubidium contenant un million d’atomes, et ce, malgré l’utilisation exclusive de diodes lasers de faible puissance. L’utilisation d’un électroaimant ferromagnétique hybride nous a permis de générer de forts gradients magnétiques facilitant une évaporation efficace, tout en contrôlant l’effet des champs magnétiques rémanents.

Fig. 40 – Vue générale du dispositif expérimental.

Au-delà de l’observation du phénomène de condensation, notre expérience a été conçue pour permettre, dans de bonnes conditions, la manipulation du nuage quantique dégénéré ainsi que son utilisation afin de réaliser un système propre à l’optique atomique : le laser à atomes.

Le cœur de ce travail de thèse a consisté en la réalisation de laser à atomes issus de condensats de Bose-Einstein, ainsi qu’en l’étude de leur dynamique et de leur propagation.

La spécificité de notre expérience par rapport à d’autres dispositifs, consiste en le fait que nous bénéficions d’un confinement magnétique important, et ce, grâce aux forts gradients créés par notre électroaimant. La conséquence directe de cette configuration expérimentale est que les interactions jouent un rôle prépondérant entre le laser à atomes et le condensat, que ce soit pour les propriétés de couplage ou les propriétés spatiales de l’onde de matière extraite [106].

Après avoir rappelé les différents types de lasers à atomes réalisés jusqu’ici, nous nous intéressons, dans le chapitre trois de notre manuscrit, à la description de champ moyen de l’extraction de l’onde de matière. En particulier, nous discutons des propriétés de couplage vers le continuum libre, dans le cas que nous réalisons expérimentalement, où les interactions condensat-laser ne sont pas traitées de manière perturbative. Nous calculons ainsi le taux de couplage, que nous comparons à nos données expérimentales. Ceci nous permet, en particu- lier, de valider la stabilité du dispositif expérimental, vis-à-vis de la réalisation de lasers à atomes. Nous reportons ensuite, l’observation de la forte dépendance du profil de l’onde ex- traite en fonction des paramètres expérimentaux. En particulier, les fortes interactions entre le laser et le condensat produisent un profil non gaussien. Enfin, nous mettons en évidence un régime de couplage non markovien du laser à atomes, dont l’observation est facilitée par notre configuration expérimentale.

Dans le chapitre quatre, nous présentons notre étude de la propagation du laser à atomes. Contrairement à une étude précédente dans notre groupe [37], nous ne pouvons traiter le condensat comme une lentille mince vis-à-vis du laser, mais devons prendre en compte la forte déviation des rayons atomiques par rapport à l’axe. Ainsi, le début de la propagation du laser doit être traité dans un cadre non paraxial. Ceci, conjugué au fait que la propagation a lieu dans deux milieux différents (zone du condensat et hors du condensat), nécessite de séparer le traitement du problème en deux étapes correspondantes. Pour cela, nous nous sommes inspirés des traitements initialement développés en optique, en les appliquant au cas de la propagation en optique atomique. Nous montrons que la combinaison de l’iconale d’une part, et de l’intégrale de Kirchhoff d’autre part, est particulièrement adaptée à la description de notre système, et constitue une méthode de propagation alternative à la résolution numérique des équations de Gross-Pitaevskii. Tout au long de notre présentation, nous donnons donc un certain nombre de résultats analytiques permettant de calculer la fonction d’onde du laser dans tout l’espace. Enfin, nous comparons ce traitement à une simulation numérique ainsi qu’à nos images expérimentales.

Au-delà de la détermination de la fonction d’onde du laser, nous avons aussi voulu ca- ractériser de manière synthétique la propagation du laser. Ceci est possible en restreignant notre étude au régime paraxial, qui est atteint après une propagation sous l’effet de la gra- vité, sur une distance d’un peu plus d’une centaine de microns. Nous pouvons alors, non

avec le cas de l’optique photonique. Ce facteur intervient dans la loi d’évolution de la taille quadratique transverse du laser, évolution à laquelle nous avons accès expérimentalement. Ceci nous permet finalement de caractériser chacune de nos réalisations expérimentales, à l’aide du M2 traduisant la dégradation du faisceau, imputable aux interactions initiales avec

L’onde de matière extraite du condensat

La réalisation des condensats de Bose-Einstein (CBE) à partir de gaz d’alcalins piégés, a suscité un renouveau d’intérêt pour l’optique atomique. En effet, le caractère cohérent de ces systèmes macroscopiques [107] en fait les meilleures sources à partir desquelles on peut envisager extraire des ondes de matières cohérentes et de grande luminance [108].

Le nom « laser à atomes » provient de la profonde analogie entre un tel système et un laser optique(figure 41). En effet, on peut mettre en parallèle la cavité optique présente dans tout laser, et le piège (magnétique ou optique) qui confine les atomes. De même, alors qu’un mode de cette cavité est macroscopiquement peuplé par les photons, le condensat de Bose- Einstein correspond à un mode (fondamental) du piège. Enfin, le rôle du miroir partiellement réfléchissant est joué dans le cas atomique par le couplage vers l’extérieur du piège.

Mode occupé par un nombre macroscopique de photons Cavité laser Miroir partiellement réfléchissant Laser optique (b) Condensat de Bose-Einstein Piège Couplage de sortie Laser à atomes (a)

Fig. 41 – Schéma de principe d’un laser à atomes (figure a). Tout comme le laser optique (figure b), il comporte trois éléments clés : le piège qui correspond à la cavité laser, le condensat de Bose-Einstein qui joue le rôle du mode occupé par un nombre macroscopique de photons, ainsi qu’un couplage de sortie, équivalent au miroir partiellement réfléchissant.

réalisés jusqu’ici (§ III.1), et qui se différencient par la méthode de couplage utilisée. En particulier, nous détaillons deux méthodes d’extraction très largement répandues, que sont le couplage radiofréquence et le couplage Raman.

Puis nous développons le cadre théorique de notre étude du couplage du laser à atomes, en présence d’interactions avec sa source qu’est le condensat, en englobant de manière gé- nérale les deux couplages précédemment cités. Dans le paragraphe III.2, nous détaillons la description de champ moyen du laser. À partir des équations de Gross-Pitaevskii régissant la dynamique du système, nous discutons des propriétés du continuum dans lequel il se propage, propriétes qui interviennent dans la dynamique de couplage que nous caractérisons. En par- ticulier, nous calculons le taux de couplage dans le régime faible, réalisé expérimentalement, en appliquant le principe de Franck-Condon.

Nous présentons ensuite notre réalisation expérimentale du laser (§ III.3) à partir de couplage radiofréquence. En particulier nous insistons sur la nécessaire stabilité du biais magnétique pour réaliser des lasers à atomes quasi-continus à partir de condensats piégés magnétiquement. Enfin, nous discutons nos résultats expérimentaux concernant, d’une part, l’apparition de caustiques sur le faisceau laser, et d’autre part, la dynamique de couplage en régime intermédiaire non-markovien.

III.1

Méthodes de couplage des lasers à atomes

Si tous les lasers à atomes réalisés jusqu’à maintenant utilisent le condensat comme réservoir, c’est par la nature et la mise en œuvre du couplage de sortie qu’ils diffèrent. Il y a en effet différentes méthodes possibles pour transférer de manière cohérente les atomes du condensat vers l’onde propagative du laser. On peut, par exemple, déverser le nuage dans un potentiel non confinant, ou utiliser l’effet tunnel pour coupler vers l’extérieur du piège, ou encore transférer une impulsion à l’onde de matière au cours d’une transition initiale impliquant l’état interne (hyperfin) des atomes.