• Aucun résultat trouvé

Dynamique institutionnelle et évolution des choix de politique nationale

INFLUENCE DE L’ENVIRONNEMENT INSTITUTIONNEL ET DE L’ORGANISATION INDUSTRIELLE

II. Le mode de sélection des instruments de soutien aux EnR : les influences politiques et institutionnelles

II.2. Dynamique institutionnelle et évolution des choix de politique nationale

Les contextes institutionnels, que ce soit au niveau national ou européen, sont en perpétuelle évolution et impulsent de ce fait une dynamique institutionnelle non sans effet sur les choix politiques opérés. En ce qui concerne le secteur électrique, les années 1990 ont été marquées par trois dynamiques :

- le renforcement de l’environnementalisme qui a donné naissance ou renforcé la

présence de coalitions vertes au sein des gouvernements ;

- les politiques de changement climatique, avec la signature du Protocole de Kyoto

en 1997, qui ont restauré la justification du soutien aux énergies renouvelables dès 1994-95,

- la montée du libéralisme et l’adhésion aux bienfaits de la libre concurrence dans la majorité des secteurs de l’économie qui a notamment engendré la directive européenne de 1996 sur la libéralisation des marchés électriques en vue de la constitution du marché intérieur de l’électricité.

Les deux premières se combinent au plan européen pour consolider la dynamique d’institutionnalisation des politiques de promotion des renouvelables sur une base qui recherche l’harmonisation des dispositifs. On note bien cette volonté d’influence par le niveau supranational lors des débats sur la directive de promotion de l’électricité d’origine renouvelable de 2001. Les choix politiques en matière de soutien aux énergies renouvelables au sein de l’Union européenne présentent une grande diversité. La mise en œuvre de la Directive européenne 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de

l'électricité en prend acte : « Les États membres appliquent différents mécanismes de soutien

des sources d'énergie renouvelables au niveau national, notamment des certificats verts, une aide à l'investissement, des exonérations ou réductions fiscales, des remboursements d'impôt ou des régimes de soutien direct des prix », mais estime « prématuré d'arrêter un cadre communautaire concernant les régimes de soutien, étant donné l'expérience limitée des régimes nationaux et la part actuellement assez faible de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables dont le prix est soutenu dans la Communauté ». La problématique de l’harmonisation des modes de soutien n’en est pas moins sous-jacente et continue d’animer les débats au sein de la communauté européenne.

Ces trois dynamiques, présentes dans tous les Etats membres, ont affecté le choix des modes de soutien aux énergies renouvelables de tous et leur évolution. De fait, alors que l’approfondissement des réformes libérales amène à considérer les énergies renouvelables du point de vue de la concurrence et de la compétitivité, la prise de conscience des risques liés au changement climatique leur confère une place particulière dans le développement des parcs de production nationaux. Ces logiques antagonistes se traduisent par conséquent par des choix d’instrument de soutien différents suivant la logique prédominante dans l’Etat membre.

Les conséquences de ces dynamiques institutionnelles sur la sélection du mode de soutien sont exposées dans le tableau suivant (cf. Tableau 5).

Tableau 5 : Dynamique institutionnelle et évolution de l’instrument de soutien aux EnR Etat membre Appels d’offres Tarifs d’achat

garantis

Quotas échangeables Influence de

l’approfondissement des réformes libérales

Royaume-Uni Irlande Italie Influence des coalitions gauche/Verts Allemagne France Combinaison des deux influences Belgique Danemark Autriche Pays Bas

Comme nous pouvons le remarquer à la lecture de ce tableau, trois cas de figure se sont présentés :

- la dynamique de l’approfondissement des réformes libérales a été prépondérante au Royaume-Uni, en Irlande et en Italie ;

- celle de l’environnementalisme, via le renforcement ou l’apparition d’une coalition verte au sein du gouvernement, comme en Allemagne et en France

- la constitution d’un « lobby énergies renouvelables » (secteur industriel des renouvelables) a constitué l’influence majeure en Allemagne et en Espagne, relayée par des gouvernements de provinces;

- les deux influences ont agi conjointement en Belgique et en alternance au Danemark et au Pays-Bas.

Pour le premier groupe d’Etats membres, l’influence majoritaire de la logique de libéralisation les a conduit à opter pour la mise en place d’un système de quotas échangeables (Royaume-Uni, 2002 ; Italie, 1999), instrument à la fois respectueux des règles de libre concurrence et théoriquement favorable à l’intégration des marchés (cf. infra). L’Irlande fait exception avec le maintien de la politique d’appels d’offres (AER, sixième appel d’offres lancé en 2003) dont les résultats obtenus en terme de compétitivité des filières renouvelables (cf. chapitre 4) leur confèrent une grande compatibilité avec la dynamique institutionnelle suivie.

A l’opposé, les Etats membres ayant principalement été influencés par la dynamique environnementaliste, concrétisée et entretenue par la présence d’une coalition verte au sein du

gouvernement (France, 1997-2002 ; Allemagne depuis 1997), ont opté pour les tarifs d’achat garantis. A la fin de l’année 2000, en France, le compromis gouvernemental a ainsi conduit à l’abandon de la politique d’appels d’offres (Eole 2005) au profit de l’instauration de l’obligation d’achat de l’électricité d’origine renouvelable à des tarifs fixés par décrets entre 2001 et 2002 selon les filières. En Allemagne, l’apparent statu quo du mécanisme de promotion des EnR masque le virulent débat qui s’est tenu lors de la transition entre la loi

StrEG et la loi EEG (cf. Chapitre 4). De fait, sans la présence au gouvernement en 1998 de la coalition « red-green » (Lauber, 2004), les attaques portées par les compagnies électriques aux mécanismes de tarifs d’achat garantis en raison de son coût et de son iniquité entre compagnies n’auraient pu être contrées par les industriels du secteur des énergies renouvelables pourtant fédérés et assez influents.

Enfin, trois Etats membres, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique semblent avoir subi l’influence conjointe des dynamiques environnementale et libérale sans que l’une ou l’autre ne s’impose réellement. En conséquence de cette combinaison d’influences, les politiques danoise et néerlandaise de soutien aux énergies renouvelables se caractérisent aujourd’hui par une conception complexe de l’instrument de soutien sélectionné à court terme. Alors que les Pays-Bas semblaient les pionniers en Europe des systèmes de quotas

échangeables avec la mise en place du Green Label System en 1998 (accompagnés d’accords

volontaires du côté des engagements des fournisseurs et assortis de mesures d’incitation

fiscales), c’est une politique de tarifs d’achat garantis (Milieukwaliteit van de

Elektriciteitsproductie ou MEP) qui est en vigueur depuis juillet 2003. Elle apparaît être le principe d’incitation dominant à côté d’une politique d’exemption fiscale sur la consommation et du maintien des mécanismes d’échanges de certificats verts. En d’autres termes, les Pays-Bas ont à nouveau choisi un mode de soutien aux EnR spécifique faute de réussir à trancher pour le moment entre tarifs d’achat garantis et système de quotas échangeables « purs ».

La situation est aussi complexe au Danemark où le gouvernement de coalition de

centre gauche cherche à imposer un système de quotas échangeables depuis l’Electricity

Reform Agreement de 1999 sans y parvenir pour le moment du fait de la forte opposition des industriels du secteur des renouvelables et des compagnies électriques. Après de nombreux rebondissements, son entrée en vigueur, attendue en 2005 actuellement, pourrait être

abandonnée et la politique de tarifs d’achat garantis, bien que révisée, est toujours en place en 2004. En Belgique, la situation est plus claire avec le passage des tarifs d’achat au système des quotas échangeables décidé par les gouvernements régionaux en 2002 et 2003 et avalisée par le gouvernement fédéral tenu par une coalition gauche-verts pour jouer des obligations sur les quantités tout en se conformant à la logique d’approfondissement de la réforme électrique

L’examen des caractéristiques institutionnelles des Etats membres ainsi que de l’influence des dynamiques institutionnelles européennes permet donc de mettre en lumière les caractères de sélection des instruments de politique de soutien aux énergies renouvelables. Cette interprétation, inspirée des grilles d’analyse de l’économie néo-institutionnelle, intègre les conceptions des parties prenantes vis-à-vis de l’efficacité économique, sociale et environnementale des différents instruments, qui ont été examinées dans les chapitres précédents.

PARTIE III : L’ANALYSE THEORIQUE DE L’EFFICACITE DES

INSTRUMENTS DE PROMOTION DES ENERGIES

RENOUVELABLES

Cette partie a pour objet l’évaluation théorique comparative de l’efficacité des trois instruments de soutien aux énergies renouvelables que nous avons identifiés précédemment : les tarifs d’achat garantis, les appels d’offres et les quotas échangeables. La comparaison de l’efficacité des instruments est menée ici sur le design intrinsèque des modes de soutien, c’est-à-dire en prenant essentiellement en compte les principes de base de leur fonctionnement.

De manière générale, le terme d’efficacité renvoie à l’atteinte de l’objectif fixé à la politique étudiée et aux coûts qui lui sont liés. Comme nous l’avons vu précédemment (cf. Introduction), du fait de l’impossibilité de disposer d’une valeur fiable et indiscutable des bénéfices liés à l’utilisation des énergies renouvelables pour la production d’électricité, c’est-à-dire de la difficulté d’estimer la valeur du bien collectif préservé par leur développement, nous sommes contraints de nous situer dans une perspective coût/efficacité. L’objectif de référence est donc ici défini de façon discrétionnaire par les décideurs politiques, sur la base des informations scientifiques disponibles mais hors rationalité économique. Pour les besoins de notre recherche, nous nous réfèrerons donc aux objectifs quantitatifs indiqués par la Commission européenne dans la directive de 2001 (CE, 2001). Afin de mener une analyse en termes d’économie publique, nous avons ensuite établi, à l’aide des références exposées dans l’introduction, une grille de critères permettant de saisir au plus près les divers éléments constituant la notion d’efficacité, tout en tenant compte des aspects économiques entourant la question du développement des renouvelables.

La première étape de cette partie (Chapitre 6) est consacrée à l’analyse des enseignements de l’économie de l’environnement concernant la comparaison de l’efficacité des instruments prix et quantité en situation d’incertitude. Dans ce chapitre, il s’agira également de faire le point sur les incertitudes pesant sur l’élaboration des courbes de coût et bénéfice marginaux de production d’électricité à partir de sources renouvelables.

Notre démarche consiste ensuite à analyser dans un premier temps l’efficacité statique des modes de soutien (cf. Chapitre 7) dans le cadre de la théorie néoclassique, c’est-à-dire à technologie fixée. Dans cette optique, nous examinons le lien unissant l’efficacité environnementale des instruments à leurs effets en terme d’efficacité économique. Dans un second temps, nous enrichissons l’analyse des enseignements issus de la théorie des coûts de transactions (cf. Chapitre 8). Dans un troisième temps, nous comparons leurs résultats à plus long terme en intégrant leurs performances en matière d’incitation au progrès technique, c’est-à-dire leur efficience dynamique ; concept visant à désigner si, et dans quelles mesures, les instruments de soutien incitent à l’amélioration des performances environnementales via un changement technique structurel (Christiansen, 2002) (cf. Chapitre 9).

CHAPITRE 6