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Outre l’avantage de la stabilité du climat, que l’on reprécisera, les filières renouvelables offrent d’autres avantages que l’on peut qualifier d’externalités positives, mais aussi des externalités négatives, dont l’évaluation monétaire reste problématique.

I.3.1. Les externalités positives

a. réduction des émissions de gaz à effet de serre, protocole de Kyoto et directive européenne

Les sources d’énergie renouvelables n’émettent pas (ou peu) de gaz dangereux et sont soit exemptes, soit neutres du point de vue du carbone. Dans le contexte du protocole de Kyoto, qui engage les Etats membres à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à leurs niveaux de 1990 au cours de la période d’engagement 2008-2012, les énergies renouvelables constituent un élément important du train de mesures nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. Dans le cas de la France, par exemple, le Gouvernement a fixé l’objectif de

réduire de 58 Mt CO2/an (soit 16 MteC/an) via le Plan National de Lutte contre le Changement Climatique (MIES, 2000). Selon l’Ademe (Ademe, 2003), les énergies

renouvelables contribueraient à la hauteur de 19 Mt CO2/an, soit 30% (cf. Tableau 5).

Au niveau européen, l’adoption de la directive du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables (CE, 2001) fixe des valeurs de référence de consommation de sources renouvelables pour chaque Etat en 2010 (cf. Annexe 1). Se pose alors la question de la cohérence entre les objectifs de la directive et les engagements de Kyoto. Dans le cas de la France, la production d’électricité est peu émettrice de carbone du fait d’un parc de production essentiellement constitué d’installations nucléaires et hydrauliques. Or, d’ici 2010, la consommation française d’électricité augmentera de 60 TWh/an minimum (Ademe, 2003). Le recours aux renouvelables permettrait de contrer la tendance du marché de fournir exclusivement cette électricité à partir de turbines à gaz, source d’énergie à haute teneur en carbone.

Tableau 5 : Emissions de CO2 évitées en 2010 par les énergies renouvelables

Filières technologiques Quantité produite,

supplément par rapport à 2000

Emissions de carbone évitées par unité

d’énergie

Total des émissions de carbone évitées

Eolien 23,0 TWh/an

ou 2,03 Mtep

300 gCO2/kWh 6,9 Mt CO2/an

Petite hydraulique 4 TWh/an

ou 0,34 Mtep

300 gCO2/kWh 1,2 Mt CO2/an

Electricité biogaz 2 TWh/an

ou 0,17 Mtep

300 gCO2/kWh 0,6 Mt CO2/an

Autre électricité EnR (autres biomasses et solaire)

4 TWh/an ou 0,34 Mtep

300 gCO2/kWh 1,2 Mt CO2/an

Biomasse usages thermiques 2,6 Mtep 2,4 tCO2/tep 6,2 Mt CO2/an

Géothermie usages thermiques 0 Mtep 2,4 tCO2/tep 0 Mt CO2/an

Solaire thermique 0,05 Mtep 2,4 tCO2/tep 0,1 Mt CO2/an

Biocarburants : Ethanol EMHV 0,49 Mtep 0,56 Mtep 2,7 tCO2/tep 2,7 tCO2/tep 1,3 Mt CO2/an 1,5 Mt CO2/an

Total 6,58 Mtep 19,0 Mt CO2/an

Source : Ademe, 2003.

L’intervention publique pour promouvoir le développement des énergies renouvelables pour la production d’électricité peut donc se justifier au regard des engagements pris par les Etats membres en matière de réduction des émissions de gaz à effet

de serre, même en ce qui concerne les Etats dont le parc de production actuel n’est que faiblement émetteur.

b . diversification du « bouquet énergétique » et sécurité

d’approvisionnement

Les pays industrialisés consomment de plus en plus d’énergie et importent de plus en plus de produits énergétiques. En Europe, la production communautaire est insuffisante pour satisfaire les besoins énergétiques ; la dépendance énergétique externe croît donc de façon continue. Selon le Livre Vert de la Commission concernant la stratégie européenne de sécurité d’approvisionnement énergétique (CE, 2000), la problématique consiste à assurer, à la fois pour le bien-être des citoyens et le bon fonctionnement de l’économie, la disponibilité physique et continue des sources d’énergie sur le marché, à un prix accessible à tous les consommateurs dans le respect des préoccupations environnementales.

D’origine purement nationale, les EnR contribuent à la sécurité des approvisionnements énergétiques et à la diversification de l’apport énergétique. La dépendance de l’Union vis-à-vis des importations d’énergie représente aujourd’hui 50% de sa consommation et devrait atteindre 70% en 2020 si aucune mesure n’était prise. Le développement de la production d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables permettrait de réduire la croissance de cette dépendance. De fait, le contexte énergétique international est dominé actuellement, et pour une longue période assurément, par une incertitude portant à la fois sur la disponibilité physique des matières premières énergétiques et sur la stabilité géopolitique des principales régions productrices. De fait, le secteur européen de la production d’électricité est largement tributaire des hydrocarbures aujourd’hui et donc à la merci des variations des prix internationaux.

« En théorie, les sources d’énergie renouvelables devraient pouvoir garantir un approvisionnement en énergie sûr, propre et abordable à partir de sources indigènes, sans risque d’interruption d’origine extérieure ou épuisement des réserves ». Cette appréciation du Livre Vert (CE, 2000) apporte donc une autre justification à l’intervention de l’Etat pour la promotion de l’électricité produite à partir des renouvelables.

c. développement régional, cohésion économique et sociale et emploi

Le développement des énergies renouvelables est également souvent considéré comme générateur d’effets positifs et tangibles sur le développement régional et l’emploi. Ces énergies sont par définition locales et leur promotion peut donc être une composante majeure

de la politique régionale : « des études montrent que le développement, l’exploitation et la

maintenance des sources d’énergie renouvelables tendent à être beaucoup plus exigeants en main d’œuvre que ceux des technologies des combustibles conventionnels. L’impact des énergies renouvelables sur l’emploi est, selon certaines études, quelque cinq fois supérieur à celui de la poursuite du développement des combustibles fossiles. De plus, la création d’emplois dans ce secteur se fait essentiellement hors des zones urbaines où le taux de chômage est souvent élevé » (CE, 1996).

En Allemagne, les 12 000 MW installés depuis 1990 ont créé 45 000 emplois. En France, malgré la modestie des programmes, l’éolien, le solaire photovoltaïque et le solaire thermique ont déjà créé plus de 7 000 emplois, dont une majorité hautement qualifiés et la petite hydraulique emploie quant à elle 2 000 personnes pour l’exploitation des centrales

existantes et 500 dans l’industrie des turbiniers : « Il n’est pas exagéré d’affirmer que l’enjeu

en emplois d’un programme ambitieux de développement des énergies renouvelables se chiffre à 50º000 emplois nouveaux créés avant 2010 en contrepartie d’une diminution des importations d’énergie et non par une destruction d’emplois dans d’autres secteurs » (Ademe, 2003). L’argument concernant la création d’emploi et le développement régional vient donc renforcer la justification de l’intervention publique.

I.3.2. Les externalités négatives

Deux externalités négatives doivent toutefois être considérées afin d’établir un bilan aussi exhaustif que possible de la production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables. Il s’agit de la prise en compte du caractère intermittent de certaine production ainsi que des impacts paysagers et de l’emprise au sol des installations.

a. intermittence

Un des éléments qui importe dans l’évaluation de la valeur d’un type d’énergie tient dans la puissance qu’elle garantit, c’est-à-dire la puissance qu’elle fournit pour répondre aux besoins des consommateurs. Cela est d’autant plus vrai dans le cas de l’électricité que c’est une énergie non stockable. De ce point de vue, les filières renouvelables présentent des caractéristiques techniques radicalement différentes du point de vue de leur intégration dans le système électrique. La géothermie offre une énergie et une puissance garantie qui lui permet de fonctionner en base. Les technologies de production d'électricité à partir de biomasse ou de déchets présentent une bonne flexibilité du fait de la possibilité de stocker la ressource. Par

contre, la micro-hydraulique5, le solaire et l'éolien sont par nature des sources d’énergie

intermittentes, c'est-à-dire que leur production ne peut être programmée précisément d'une heure sur l'autre, car elle varie selon la disponibilité de la ressource. Cependant, ce désavantage est compensé en partie par les effets de foisonnement et la correspondance avec les pointes de consommation.

Les problèmes que soulève l'intégration de la production intermittente sont de nature technique (risque de non-disponibilité pendant la pointe, besoins de réserve supplémentaires) et entraînent des coûts d'ajustement. Dans les systèmes en monopole, ils sont pris en charge par l’entreprise électrique. Dans les systèmes concurrentiels, les modalités de fonctionnement des marchés électriques imposent des pénalités économiques qui dépassent largement ces surcoûts techniques (Menanteau et al., 2003). Cette externalité négative est donc déjà prise en compte par le marché (cf. Chapitre 8).

Des études prospectives détaillées ont été lancées par le gestionnaire de réseau de transport d’électricité français, le RTE, pour caractériser l’aléa éolien en France (DGEMP-DIDEME, 2003). Les premiers résultats montrent qu’en moyenne, on peut disposer de 15% de la capacité éolienne installée avec une probabilité de 90%. Cette moyenne peut même atteindre 26% à conditions de disposer d’un parc éolien correctement réparti au sein des régions à fort potentiels venteux : le Nord, la Bretagne et le Languedoc Roussillon, afin

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L’énergie hydraulique est classiquement séparée en trois catégories selon son degré d’intermittence : -hydraulique au fil de l’eau : apport < 2h pour remplir le réservoir,

-hydraulique éclusée : apport compris entre 2h et 400h pour remplir le réservoir, -hydraulique de lac : apport > 400h pour remplir le réservoir.

d’éviter des absences totales de vent simultanées. Toutefois, il convient de préciser que, compte tenu de l’imprécision des éléments disponibles actuellement, tant en ce qui concerne les données que les modélisations, une représentation encore très simplifiée de la production

éolienne a dû être retenue dans les simulations : « Ces modélisations, qui amènent à

considérer l’existence d’une puissance minimale moyenne de l’ordre de 15 % de la puissance installée pour le parc éolien, sont provisoires. Les études en cours permettront, à la fin 2003 ou en 2004, d’évaluer d’une façon statistiquement mieux fondée un niveau de puissance qui pourrait être garanti avec une bonne probabilité » (DGEMP-DIDEME, 2003).

Toutefois, le RTE évalue également à 20% le seuil au delà duquel la production intermittente nécessitera un renforcement des lignes de transport et de distribution, ainsi que la construction de moyens de secours pour palier les situations de sous-production. Plus précisément, si le RTE, estime qu'environ 4 000 mégawatts d'éolien peuvent être raccordés

sur les réseaux existants, le rapport sur la PPI soulignait d'emblée qu'il était "indispensable de

préparer le raccordement de plusieurs gigawatts supplémentaires [...] en identifiant rapidement les besoins en nouvelles lignes à haute tension". Or, tout cela a un coût. A plusieurs reprises, le président de RTE, André Merlin, a par exemple chiffré à plus de 3ºmilliards d'euros le renforcement des réseaux pour l'accueil de 14 000 mégawatts d'éolien. Pallier le caractère aléatoire de l'énergie éolienne, et les variations rapides de production qui

en découlent, nécessitera aussi la mise en service de "capacités d'ajustement", telles que des

stations de pompage ou des centrales thermiques mobilisables à tout moment. Toujours selon

la PPI, « à l'horizon 2010, l'éolien représentera deux à trois fois les capacités des stations de

pompage françaises et le gestionnaire de réseau devra disposer d'autres moyens pour réguler les flux ».

Des études similaires sont en cours au Danemark ou en Allemagne, mais là encore, les recherches concernant l’évaluation monétaire de ces bénéfices négatifs n’en sont qu’à leurs débuts (cf. Chapitre 8).

b. impacts paysagers, emprise au sol et acceptabilité sociale

Aucune filière énergétique ne peut se prévaloir de ne présenter aucun inconvénient pour l’environnement. Les impacts environnementaux liés aux énergies renouvelables sont à la fois peu nombreux et bien connus : impacts paysagers pour l’énergie éolienne, émissions

atmosphériques pour le bois combustible, perturbation de l’écosystème local pour la petite hydraulique, occupation des sols nécessaires à l’exploitation de ces énergies, etc...

La superficie « consommée » par la production d’électricité à partir de sources renouvelables est relativement importante, mais il convient d’être prudent dans les comparaisons. Ainsi, la surface nécessaire à l’implantation d’une ferme éolienne de 8 MW

s’élève à 1 km2, mais 99% de cette aire reste disponible pour d’autres usages comme

l’agriculture ou l’élevage. En ce qui concerne le photovoltaïque, 10 m2 de modules sont

nécessaires pour obtenir une puissance de 1 kW, soit 1000 kWh/an, mais en les insérant sur des surfaces déjà utilisées comme les toitures, l’espace occupé peut finalement être considéré

comme nul : « la superficie totale des toitures françaises, qui est de l’ordre de 10º000 km2,

pourrait donc produire chaque année 1000 TWh, soit plus de deux fois la consommation actuelle d’électricité française » (Ademe, 2003). L’importance de la surface au sol requise par les énergies renouvelables ne posera problème que lorsqu’elle requérra l’exclusion d’autres activités sur la surface utilisée (conflit d’usage), comme dans les cas de l’extension des cultures à usages énergétiques.

L’impact paysager est de son côté la source de problème d’acceptabilité. Les projets exploitant les énergies renouvelables sont situés dans les zones où la ressource est présente et où les projets énergétiques ne sont en général pas fréquents. En conséquence, ils sont susceptibles de rencontrer certaines résistances de la part des populations locales soucieuses de la préservation de la qualité de leur environnement. Malgré la moindre incidence sur l’environnement de la plupart des énergies renouvelables par rapport aux combustibles conventionnels, les préoccupations locales prennent souvent le pas sur les avantages globaux. Le problème d’acceptabilité sociale, qui concerne principalement les énergies éolienne et hydraulique, touche deux catégories d’acteurs.

Elle concerne d’abord les services déconcentrés de l’Etat qui ont à se prononcer sur les dossiers. Elle requiert alors un message univoque de la part des autorités nationales sur les enjeux énergétiques et environnementaux que représentent les renouvelables, ainsi qu’une présentation claire des procédures applicables à ces projets. La plupart des pays européens est aujourd’hui en voie de résoudre cette partie du problème d’acceptabilité avec la mise en

œuvre de procédures simplifiées et la formation/information des personnels des administrations concernées.

Elle touche ensuite les populations riveraines qui vont voir leur paysage se modifier et là, les situations diffèrent largement d’un Etat membre à l’autre. L’exemple de l’Europe du Nord, avec principalement les expériences danoise et allemande, est très instructif d’un mode de développement harmonieux de l’énergie éolienne reposant sur l’engagement et la concertation des populations locales. Ce modèle, que l’on pourrait qualifier de « participatif », a permis l’appropriation collective des installations renouvelables par les riverains et donc leur totale acceptation. En 1999, on estimait que 5% de la population danoise, soit 100º000 personnes, détenaient des parts dans l’éolien à travers des coopératives d’investissement (Ademe, 2002). La situation en Grande Bretagne ou en France apparaît nettement différente à première vue. De forts mouvements d’opposition ont en effet été relevés et ont freiné le développement de l’énergie éolienne. Or, soucieuse de vérifier si l’image négative donnée par la coordination des associations d’opposants était représentative ou non de l’opinion, l’Ademe a lancé en 2002 et en 2003 des enquêtes d’opinion et des analyses sociologiques auprès de la population française (2 090 personnes en 2003), mais aussi auprès des riverains de parcs éoliens (300 riverains dans l’Aude et 230 dans le Finistère). Les principaux résultats (Ademe – Synovate, 2003) sont les suivants :

les Français sont favorables à l’énergie éolienne à 92%, pour son caractère écologique

et économique ;

l’argument esthétique est le principal inconvénient cité spontanément par 45% des

Français, mais seulement par 40% des riverains de l’Aude et 25% par ceux du Finistère ;

Les deux séries d’enquête menées à un an d’intervalle confirment que la proximité et l’expérience des riverains des sites éoliens renforcent la perception positive de l’énergie éolienne : plus de 80% des riverains interrogés sont favorables à l’implantation d’un parc éolien dans leur environnement proche. Ces chiffres contredisent l’existence du syndrome

NIMBY6, souvent opposé au développement de l’éolien, et tendent à relativiser la

représentativité des mouvements d’opposition observés de part et d’autre de la Manche. Bien que l’acceptabilité sociale reste une notion difficile à mesurer, les divers travaux menés

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semblent nettement la relativiser en ce qui concerne l’énergie éolienne. Ils révèlent essentiellement un problème de procédure de choix et de nécessité de gouvernance participative.

En conclusion, le bilan des externalités liées au développement des énergies renouvelables est largement positif. Il justifie l’intervention de l’Etat en vue d’internaliser les bénéfices non pris en compte par le marché, faute d’une vérité des coûts des différentes technologies sur le marché de l’électricité que pourrait introduire une taxation adaptée des diverses filières électriques. Comme nous l’avons indiqué en introduction, l’internalisation ne constitue cependant pas la seule justification à l’intervention publique. Il convient par conséquent maintenant d’examiner la question du changement technique dans les filières renouvelables.