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"Les risques sont-ils modernes ?" C'est l‟une des questions qui intéressent souvent les sociologues qui se sont penchés sur le thème du risque. C'est en particulier celle que pose la sociologue Claudine Burton-Jeangros1

dans le premier chapitre de son ouvrage consacré au risque2. Au premier abord, le concept de risque ne

semble pas correspondre spécifiquement à l’ère moderne. Après tout, les individus n’ont-ils pas, de tout temps, dû faire face à d’innombrables "risques" ? Pour la majorité des habitants de l‟Europe du Moyen-Age, la vie n‟était-elle pas très courte, sujette à beaucoup de catastrophes, de fléaux et de maladies ? Encore une fois, nous rappelons qu‟il n‟est pas question ici d‟affirmer que les risques – ou plutôt, comme nous allons le voir, les situations que couvre le terme de risque – sont nouveaux. Les êtres humains ont toujours été confrontés à l‟incertitude et à tous types de dangers. Ces phénomènes constitueraient même une constante de l‟expérience humaine3. Ce que nous verrons dans cette section, c‟est que les événements tels que les catastrophes, les fléaux et les calamités qui se produisaient dans les périodes que nous appellerons pré-modernes n‟étaient pas à proprement parler des "risques" puisque ni le terme de risque ni les significations qui y sont aujourd‟hui attachées, n‟existaient. Nous verrons que la création d‟un nouveau terme, risicu, vers les 12ème–13ème

siècles, n‟a rien d‟anecdotique mais reflète la prise en compte d‟une nouvelle situation-problème, et, entre autres choses, la volonté de prédire et de contrôler l‟incertain. Il ne s‟agit pas non plus de laisser suggérer que les traitements pour prévenir le risque – ou plutôt, ce qui est désigné aujourd‟hui comme tel – sont nouveaux. En effet, il est possible de repérer dans l‟histoire l‟existence de divers dispositifs pour traiter les phénomènes qui portaient alors le nom de "dangers", d' "inconvénients" ou de "nuisances" et non de risques. Cependant, si la littérature sur les risques fait en général remonter l‟existence des premiers dispositifs "contre les risques" (comme les premiers textes de lois) au début du 19ème siècle, c‟est que l‟avènement du terme de risque a marqué un véritable changement dans les manières de concevoir lesdits dangers, inconvénients et nuisances. De la même manière, si nous admettons que les êtres humains ont toujours été (naturellement ?) préoccupés par les incertitudes (relatives aux événements du futur) et ont instauré des parades pour les traiter, nous croyons que, d'une manière générale, dans les civilisations pré-modernes ou traditionnelles, les pratiques divinatoires étaient considérées comme seules pourvoyeuses de sécurité, ce qui n‟est plus le cas aujourd‟hui – ou du moins pas dans la même mesure.

Ce que nous développerons dans cette section, c‟est donc l‟idée que, ce qui est nouveau, c’est de traiter certains événements en termes de risques. Nous pensons que cette nouvelle vision des choses est un trait

caractéristique de la période dite de la Modernité. Pour montrer que le risque ouvrela voie à une nouvelle

manière d'appréhender le monde, l'argumentation développée ici s'appuiera en grande partie sur les théories du risque produites dans le domaine de la Sociologie de la modernité, par les sociologues Niklas Luhmann, Ulrich Beck et Anthony Giddens4.

1

Claudine Burton-Jeangros a obtenu un doctorat ès sciences économiques et sociales, mention Sociologie, en 2001 à l‟Université de Genève. En 2007, elle a été nommée Professeure adjointe à la Faculté des sciences économiques et sociales – Sociologie à l‟Université de Genève. Ses recherches et ses publications sont classées dans le domaine de la Sociologie du Risque, en particulier concernant la santé.

2

Claudine Burton-Jeangros, Cultures familiales du risque, Anthropos : diff. Economica, Paris, 2004, VII-255 p.

3

Burton-Jeangros, ibid. Précisons que, parmi les niveaux contextuels de production de sens, nous n‟avons pas analysé le niveau anthropologique, c‟est-à-dire celui où la situation est définie par rapport à l‟espèce humaine. Voir pour cela les études de l‟anthropologue Mary Douglas dont nous avons parlé dans le chapitre précédent.

4

1.1. Le risque naît et né dans la Modernité

1.1.1. Un terme né au début de l’ère de la Modernité

Dans ses écrits sur le risque, le sociologue Anthony Giddens fait remarquer deux aspects historiques fondamentaux : en dehors de quelques rares contextes, il n‟y avait pas de concept de risque au Moyen-Age ; de plus, les recherches disponibles n‟ont pas, à sa connaissance, démontré l‟existence d‟un tel concept dans les cultures dites traditionnelles1. L‟apparition-même du terme risque est en effet très récente, et correspond écrit-il à la période de transition entre la fin du Moyen-Age et les débuts de la Modernité (Modernité dans laquelle nous nous trouvons, en ce début du 21ème siècle, encore actuellement).

Le terme risicu serait apparu en Europe, autour des 12ème-13ème siècles. Si nous utilisons le conditionnel, c‟est que l‟étymologie du mot n‟est pas exactement connue et que, dans un premier temps, le mot n‟est apparu que très rarement et dans une multitude de contextes différents. Dès lors, affirme Pierre-Charles Pradier, il est impossible de réaliser une étude exhaustive de l‟histoire du concept de risque, en raison, explique-t-il dans un texte intitulé Histoire du risque, de l‟immensité du corpus2. Les travaux sur l‟étymologie et l‟histoire du mot risco sont rares, et il n‟existe pas d‟étude détaillée et complète de cette origine. De plus, il est, pour ces mêmes raisons, difficile de reconstruire exactement les circonstances qui expliquent qu‟un nouveau terme – et un nouveau concept – aient vu le jour. Cependant, grâce aux quelques recherches étymologiques qui ont été menées, il est possible de retracer les grands traits de l‟histoire de l‟avènement du terme risque. Pradier fait remarquer qu‟une approche sous la forme d‟histoire culturelle, visant un plus large public, a d‟ailleurs déjà été appliquée au terme risque. C‟est ainsi que l‟on peut affirmer que c‟est en Europe que le mot a été trouvé à partir du Moyen-Age dans quelques documents, mais qu‟il s‟est surtout répandu avec l‟arrivée de l‟imprimerie, et, apparemment, initialement en Italie et en Espagne3.

Les hypothèses pour expliquer l’origine du mot risque sont d’une grande variété dans les dictionnaires étymologiques4. L‟hypothèse qui a le plus été reprise est celle de Dietz5

. Le mot viendrait de l‟ancien latin risicu, lui même provenant du bas latin risicus ou riscus, peut-être du latin resecare signifiant "couper", ou du grec rhizikon (risque en Grec moderne), de rhiza qui renvoie au mot"racine"6. Cependant, il existe une controverse sur l‟origine latine du mot entre les mots resecare qui signifie "enlever en coupant", "se quereller" et rixare provenant de rixa voulant dire "briser" et dans le sanskrit rikhati signifiant "il déchire"7. Quelle que soit l‟origine première du mot prise en considération, les deux pistes conduisent de toute manière au mot risco, présent dans le vocabulaire de l‟Italien ancien : la première occurrence attestée du terme a été trouvée sur le littoral de l‟Adriatique, au sud d‟Ancône (la région du Picenum, autour d‟Ascoli-Piceno), au sens de

1

Anthony Giddens, Runaway World : The Reith Lectures revisited, Lecture 2, 17 november 1999, The LSE Director‟s Lectures, Disponible sur : http://news.bbc.co.uk/hi/english/static/events/reith_99/week2/week2.htm. Consulté le 14 février 2004.

2 Pierre-Charles Pradier a soutenu sa thèse de Doctorat en sciences économiques sur le thème du risque : Concepts et mesures du risque en théorie économique. Essai historique et critique, Thèse de doctorat : Economie : Ecole Normale Supérieure : Cachan : 1998. Sur le thème qui nous intéresse ici, voir Pierre-Charles Pradier, Histoire du risque, Université Paris 1, 2003. Disponible sur http://picha.univ-paris1.fr/Pradier%202003b.pdf.

3 Nous signalons que certains chercheurs évoquent une origine arabe du mot.

4

Voir le premier chapitre de la thèse de Pierre-Charles Pradier, ibid.

5

F. Dietz, Etymologische Wörterbuch der romanischen Sprachen, Bonn, Adolph Marens, 1853.

6

Cette étymologie est par exemple présentée dans les dictionnaires usuels tels que le Dictionnaire historique de la langue française, publié sous la direction d‟Alain Rey et dans le dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Le Nouveau Petit Robert.

7

Caroline Veltcheff, Le risque : un écueil étymologique, une aventure sémantique. Revue française des affaires sociales, Santé. La Documentation française, Paris, avril-juin 1996, n°2, p.69-72.

"doubler un promontoire", et se serait répandu dans les autres régions de l‟Italie autour du 14ème siècle. Le mot était présent sous la forme du latin risicum pendant la Renaissance et dans quelques textes médiévaux du 16ème

siècle, par exemple dans Della Segretezza où le Vénitien Scipio Ammirato écrivait, par exemple, en 1598, que

celui qui propage une rumeur court le risque (rischio) d‟être interrogé sur la provenance de cette information. Aujourd‟hui, le mot est présent dans toutes les langues parlées en Europe, sous une forme proche dans

les langues germaniques et romanes. Le mot risque se dit par exemple risk en anglais, Risiko en allemand,

rischio en italien, riesgo en espagnol. Signalons tout de même qu‟il existe, pour traduire le terme risque en français, trois mots en anglais : risk, hazard et venture, et deux en allemand : Risiko et Wagnis, venture et

Wagnis signifianttous deux "entreprise hasardeuse", "entreprise risquée" ou encore "aventure". En revanche, traduire le mot français risque en italien et en espagnol revient à n‟utiliser qu‟un seul mot dans chacune de ces deux langues, respectivement les mots rischio et riesgo.

Pourtant, comme le souligne Luhmann, les indications étymologiques donnent certes certains indices sur la provenance, historique et géographique, du terme "risque" mais n‟apportent pas à elles seules d‟indication fiable, sur laquelle il serait possible de compter pour comprendre le sens du mot1. Dans sa théorie sociologique du risque, Luhmann expliquait que la création d'un terme nouveau, le risque, exprime l’apparition d'une nouvelle situation-problème, qui n'existait pas dans les sociétés précédant l’ère moderne2. "Since the existing language has words for danger, venture, chance, luck, courage, fear, adventure, (aventyure) etc. at its disposal, we may assume that a new term comes into use to indicate a problem situation that cannot be expressed precisely enough with the vocabulary available"3. Progressivement en effet, le besoin se serait fait sentir de recourir à un nouveau mot dans les domaines de la navigation et du commerce. Nous pouvons d‟ores et déjà écrire qu‟il s‟agit, à travers la catégorie du "risque", de chercher à se procurer des garanties financières, avec le recours à l‟assurance (voir infra), pour les cargaisons et les navires dans les échanges commerciaux, face aux problèmes pouvant survenir durant les traversées (tempêtes et rochers faisant sombrer les bateaux, attaques par des pillards, etc.).

Définition, origine et étymologie du terme assurance :

Dans Le Trésor de la Langue Française, il est écrit que le terme assurance a deux grandes significations, selon qu'il comporteune idée de protection ou de garantie contre une faiblesse ou un périlou qu'il soit utilisé au sens figuré, comprenant une idée de garantie morale ou intellectuelle4 :

I.− [Avec une idée de protection ou de garantie contre une faiblesse, un péril, etc.] A.− Action d'assurer; résultat de cette action.

B.− Droit. Action de garantir contre certains risques moyennant une rémunération convenue; résultat de cette action, garantie. Chambre d'assurance, compagnie d'assurance(s); contrat, police, prime d'assurance.

− Par extension. Le contrat lui-même. Contracter, prendre une assurance sur, contre. II.− Au figuré. [Avec une idée de garantie morale ou intellectuelle]

A.− Vieux. Sécurité morale, confiance.

1

Niklas Luhmann, Risk: a sociological theory, Walter de Gruyter & Co., Berlin, New York, 1993, p.12. Nous proposons la traduction suivante :"Etymology alone provides no reliable lead".

2 Niklas Luhmann, The Concept of Risk, Risk: a sociological theory, Walter de Gruyter & Co., New York, 1993, p.1-31 (Chapter 1).

3

Luhmann, ibid., p.10. Nous proposons la traduction suivante : "Puisque la langue d'alors dispose de plusieurs mots tels que danger, entreprise hasardeuse, chance, courage, peur, aventure, etc., nous pouvons en présumer qu'un nouveau en arrive à être utilisé pour parler d'une nouvelle situation-problème qu'il était impossible d‟exprimer avec suffisamment de précision dans le vocabulaire disponible".

4

Assurance, Le Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi), Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), CNRS – Nancy Université. Disponible sur http://www.cnrtl.fr/lexicographie/assurance. Consulté en 2007.

B.− Garantie de vérité, quasi-certitude.

C.− P. méton., le plus souvent au pluriel. Affirmation, protestation, promesse propres à garantir quelque chose.

L‟origine du mot assurance dans sa forme actuelle vient du mot asseurance, lui-même venant du mot assurer, dont la présence dans le vocabulaire est attestée dès 1080 et issu du latin populaire assecurare de securus signifiant "sûr". Autour de 1563-83, c'était un "contrat de garantie contre certains risques" […] : "Asseurance est un contract par lequel on promet indemnité des choses qui sont transportées d'un pays en autre, spécialement par la mer et ce par le moyen du prix convenu entre l'assuré qui fait ou fait faire le transport et l'assureur qui promet l'indemnité. Elle se fait et se dresse par contract porté par escrit, appelé vulgairement police d'asseurance)"1.

A partir de 1835, le terme assurance désigne l‟"institution qui garantit contre certains risques".

Aujourd’hui, au sens de l'assurance, le risque est ce qui se dit, dans les sociétés d'assurance, de chaque édifice, mobilier, navire ou cargaison, etc. que l'on assure.

1.1.2. Le terme risque dans les premiers contrats d’assurance

Il semble que l‟utilisation du terme risque soit liée à la forme des premiers contrats d‟assurance. Dans un texte publié en 1965, le sociologue et ethnologue Jean Cuisenier date la constitution de ce qu‟il appelait la

théorie économique du risque des réflexions menées par les marchands vénitiens, autour des 13ème, 14ème et

15ème siècle2s. Il expliquait que le mot risicu, quasiment absent du vocabulaire moyenâgeux, fut utilisé

dans les premières formes d’assurances sur les transports se développant dans les grosses villes portuaires du Nord de ce qui devint plus tard l’Italie3

. Furent ainsi instaurées les premières assurances maritimes4. Ainsi, le premier fondement de l‟assurance trouve son origine dans le transport maritime de marchandises, plus particulièrement dans le "prêt à la grosse aventure" sous-entendu de mer (bottomry en

anglais), et son développement à partir du 16ème siècle. Dans cette pratique du prêt à la grosse aventure, le

marchand cherchait à éviter une perte trop lourde lors du trajet en mer, alors sujet à plusieurs types de problèmes, au premier rang desquels se trouvaient les collisions, les tempêtes et les attaques de pillards. L‟armateur avait recours à un mécanisme : il se voyait prêter de l‟argent, une somme qui équivalait à la valeur de la cargaison ; si le bateau arrivait à bon port, le prêteur recevait le remboursement de cette somme auquel était ajouté un intérêt substantiel de l‟ordre de 30 à 40% ; si le bateau n‟arrivait pas à destination, l‟armateur ne procédait pas à un remboursement au préteur5.

Avant de poursuivre, faisons deux remarques sur les liens entre la pratique de l'assurance et le risque. Premièrement, bien que la plupart des textes fassent naître la pratique de l‟assurance au 14ème

siècle, elle aurait une origine bien plus ancienne6. Deuxièmement, des critiques peuvent être formulées quant à la création

supposée du terme et du concept de risque. Nous avons dit que l'histoire du terme risque remonte aux 12ème

1 Assurance, ibid.

2

Jean Cuisenier, Risque, incertitude et choix économique, Esprit, 1965, n°334, p. 34-48.

3 Alain Guerreau, L‟Europe médiévale : une civilisation sans la notion de risque, Risques, Assurances et sociétés industrielles, n°31, juillet-septembre 1997, Scepra, Paris, p.11-18.

4

Dans la suite de ce paragraphe, nous nous référons aux réflexions contenues dans l‟ouvrage de François Ewald et Jean-Hervé Lorenzi, L’Encyclopédie de l’Assurance, Economica, 1998, 1780 p.

5 Aujourd‟hui, la pratique de l‟assurance ne se fait pas de la même façon, mais le principe reste identique. En reprenant ce cas du bateau rempli de marchandises, le marchand prendrait alors une assurance pour être remboursé en cas de problème, et, si ce bateau n‟arrivait pas à bon port, il obtiendrait un remboursement équivalent à la valeur de la cargaison. En effet, le mot assurance désigne aujourd‟hui le "contrat par lequel un assureur garantit à l‟assuré, moyennant une prime ou une cotisation, le paiement d‟une somme convenue en cas de réalisation d‟un risque déterminé". Afin de ne pas alourdir le texte, nous ne mentionnons pas ici, volontairement, la pratique de la franchise.

6

La pratique de l‟assurance remonterait à –1700 avant notre ère, dans la civilisation babylonienne, et consignée dans le code d‟Hammourabi.

13ème siècles. Mais, nous objectera-t-on, même si le sens du mot, tel que nous le comprenons aujourd‟hui, ne remonte qu'à cette période, au moins la chose à laquelle il se rapporte n'aurait-elle pas une histoire bien plus longue ? Ou, dit plus précisément, ne peut-on voir des signes manifestes du risque avant la lettre ? Luhmann faisait ainsi remarquer que ce qui peut déjà être appelé une "conscience du risque", dans ses fonctions d‟assurance, accompagnée des institutions juridiques correspondantes (distribution des rôles entre l‟armateur et les marins) et distincte des mécanismes d‟appel aux divinités, a été repérée dans le commerce maritime oriental ancien1. Toutefois, il est intéressant de mentionner ici une coïncidence chronologique que l‟historien Jean Delumeau indiquait dans ses travaux2. Au moment où des efforts étaient faits pour obtenir des garanties financières pour les cargaisons et les navires, des nouveautés se produisirent dans le domaine de la religion : la dénonciation de la pratique des indulgences religieuses dans les quatre-vingt quinze thèses de Luther en 1517 et la recherche de sécurité religieuse3. Même si, à cette époque, la recherche de sécurité religieuse ne signifiait pas qu‟il était possible de contracter une assurance sur la vie – sujette à la méfiance, l‟assurance sur la vie fut

longtemps retardée car elle était vue comme un pari sur la vie humaine, ce qui était formellement condamné4

il est intéressant de prendre en compte cette concordance historique. Concernant l‟apparition de l‟assurance que nous pouvons appeler terrestre, une date de naissance est traditionnellement donnée par les historiens de l‟assurance : le grand incendie qui ravagea Londres en 1666. Pour couvrir le risque incendie, les sociétés d‟assurance maritime commencèrent alors à ajouter cette garantie à leur activité traditionnelle et des compagnies spécifiques furent créées. Au même moment, l‟assurance maritime fut codifiée. En France, c‟est

Colbert qui se chargea de sa codification par une ordonnance de 1681. Au 17ème siècle, le terme assurer était

ainsi défini : le fait de "garantir par un contrat d‟assurance, de faire garantir par un assureur"5. Au 18ème siècle sont ensuite apparues les premières sociétés pour assurer contre l‟incendie, le feu étant l'un des problèmes considérés comme les plus préoccupants à l‟époque. La Révolution française vit la création d‟assurances populaires. Puis, le Code Civil reconnut la validité du contrat d‟assurance. Les compagnies d‟assurance se développèrent au cours du 19ème siècle, parfois sur la base de ce qui existait auparavant6. Les assurances régionales se développèrent aussi à la même époque7. Aux côtés des garanties devenues classiques, les assurances contre l‟incendie puis les assurances sur la vie, d‟autres garanties virent progressivement le jour au cours des siècles suivants8.

Ajoutons ici que les théoriciens de l‟assurance mentionnent aussi un deuxième fondement de l‟assurance : le principe du mutualisme, qui est à la fois un mouvement issu d‟une volonté de solidarité et une institution